"Non merci. Je marche."
Je marche.
Cinq ou dix minutes ? Je ne sais plus depuis quand.
Que c'est bon de marcher sans être attendue quelque part à telle heure.
L'air est frais, il pleut parfois, le vent frappe mon visage et mes jambes.
J'ai un peu chaud sous mon pull. Mes jambes brûlent mais mon short ne me protège pas des rafales.
La musique tourne, le volume au maximum dans mes écouteurs.
Mes chaussures pleines d'eau, les chaussettes trempées et qui à force de frotter mes orteils créent des bobos.
Des montées, des descentes et du plat.
Je marche et j'aime beaucoup.
Je suis apaisée.
Elles sont rares les fois où je me sens ainsi.
Ce sont de précieux moments.
Pas de précipitation, pas de performance, pas d'interférences et pas de public.
Juste moi, mon corps. Mon esprit est désactivé. Ou plutôt bien occupé.
Concentré sur l'effort que chacun des muscles de mes jambes doivent fournir.
Sur la chaleur de mon corps, sa sudation, cette régulation naturelle.
Sur le gonflement des poumons, de l'expulsion de l'air et du rythme cardiaque.
Tout cela accompagné de la musique.
Reconnaître aux premières notes la chanson et son interprète.
Comprendre les paroles, se les approprier.
Compter les temps.
Chantonner la mélodie.
Et bien entendu ressentir l'extérieur, pas trop, juste ce qu'il faut.
Le vent, sa vitesse, sa force et sa fraîcheur.
Le sol, la terre boueuse, la scorie qui s'infiltre dans mes chaussure et participe à la formation d'ampoules.
L'herbe qui gentiment mais sûrement vient blesser et entailler mes jambes.
La couleur du ciel.
Les nuages.
Je suis près de l'autoroute qui borde notre chère usine la SLN et pourtant je respire l'air à plein poumon comme si j'étais au-dessus des montagnes, là où l'air est plus frais et pur.
Cependant comme dans les hauteurs, l'oxygène y est plus rare ici aussi. Je suis si bas sur Terre mais je marche.
Je marche et je suis dans les nuages. Si bas je me sens voler dans les cieux, je suis plus proche des nuages.
J'aimerai vraiment ressentir cela tout les jours mais c'est impossible.
Je devrais m'arrêter un jour.
Dormir le soir, me lever, décrocher mon diplôme, travailler et vivre.
Je marche et c'est bien.
Or « bien » ne dure jamais assez longtemps.
WIWANE Azaëlle, 08/09/2022
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