73. Tête-à-tête entre sorcières

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La galerie s’achevait sur une alcôve, une bulle de verre baignée de luminescence bleutée. Nellis se figea à la vue de l’ultime engeance piégée dans le quartz, quintessence de l’irréel, certainement la pièce maîtresse de la collection privée de feu Morbani. La masse du corps, bien que pétrifiée, écrasait les deux sorcières. Le buste haut de géant, mais sans pectoraux ni nombril, était fixé sur des jambes chétives nouées en posture méditative, équipé de dix bras repliés dans son giron, chacun assez large pour étreindre un sphinx, et surmonté d’un crâne ovoïde, particulièrement étiré au niveau du front, parfaitement lisse, dénué d’orbites ou de bouche, avec pour seuls orifices deux énormes narines à la place des yeux. La télépathie de Nellis buta contre l’esprit de la créature, très éloigné d’une nature primaire et plongé dans un sommeil houleux. Ses pensées tonnaient comme des éclairs. Aucun moyen que cette chose fût un serakil. Le cœur survivant de notre sorcière ne fit qu’un bond.

Nazukahi-Morbani la surprit alors en s’approchant, dans un parfait silence qu’elle brisa : « À qui appartient la silhouette qui se cache derrière le voile de nos paupières ? Même dans le noir complet elle transparaît. Tu la vois toi aussi, n’est-ce pas, quand tu fermes les yeux ? Ne nous mens pas. »

L’épouse de Jilam se garda de mentir ou d’avouer, jugeant le mutisme préférable. L’usurpatrice enchaîna : « Une des nombreuses et nombreuses questions qui nous oppresse encore. Et il n’est que le masque que tu portes qui puisse nous donner les réponses.

─ Ce masque ne t’appartient pas plus qu’à moi. C’est elle qui l’a créé.

─ Oui et c’est là toute la légitimité de notre droit sur ce qui est autant notre lègue que notre héritage. Telle est la nature même de l’ordre et de l’équilibre face au chaos. Comme en échange de ta vie que nous avons épargnée après l’avoir arrachée aux spectres de la steppe, tu as payé ton dû en nous livrant tes souvenirs.

─ Je ne t’ai rien livré, gronda Nellis, tu m’as volée et trompée.

─ Ainsi, je présume, nous sommes quittes. »

L’épouse de Jilam ravala sa haine et sa fumée. Puis, calmement, elle reprit la parole, sa voix étouffée par la masse astronomique d’eau cristallisée et de roche fossilisée compressée au-dessus de leurs têtes : « J’aimerais te poser une question. Un jour, tu m'as tendue la main. Pourquoi ? Tu aurais pu simplement me tuer, t'emparer de mon pouvoir. Pourquoi alors ? »

Elle entretint un moment le silence puis reprit : « Moi je sais. Je l’ai compris quand je me suis retrouvée face au Sphinx et qu’il m’a posé sa question. Une question qui m’était destinée et à laquelle j’ai dû répondre malgré moi. Mais au moins m’a-t-elle permis de saisir une partie de ton mystère en plus du mien. Le raison qui t’as poussée à m’aider. Je doute fort que ton masque t’ait chuchoté ça. La raison, ce n’est ni par pitié, tu n’en as aucune, ni pour que je devienne ta débitrice, tu te satisfais de tes propres services, ni pour me voler mes souvenirs, ni même pour t’amuser. La raison, c’est parce que tu étais seule. »

Sur ces mots, elle recula tandis que l’autre se retournait pour lui faire face. Le visage de Morbani se tordit de haine. « Jamais, tu m'entends ? Jamais nous ne sommes seules. »

Nellis ne se laissa pas intimider. « Tu peux t’appeler "nous" tant que tu veux, seule, tu l’es depuis que ta maîtresse est morte. Ou plutôt depuis que tu l’as tuée ! »

Quelle ne fut pas alors sa surprise de voir l’étonnement se peindre sur les traits de la démonifée-vampire. « Que racontes-tu ? Morte ? Ma’Kar’hima ? » Ricanement dédaigneux. « Non, tu te trompes. Encore et toujours. L’erreur circule dans tes veines. Elle fait partie de tes gènes. Ma’Kar’hima est bien vivante. Ouvre les yeux et tu la verras. Nous sommes toutes les deux là. Toutes les trois. Morbani est là aussi. Elles sont aussi mortes que toi ou moi. Nous sommes mille et une. Ma’Kar’hima est ma mère, ma sœur, mon amante, mon enfant. Elle est ma compagne en toutes choses et je suis la sienne. Ce que nous partageons va au-delà du réel ou de l’imaginaire, dépasse l’entendement ou l’ignorance. Notre amour est notre haine. Notre joie, notre chagrin. Nos larmes s’entremêlent. Nos sourires se reflètent dans l’eau du miroir. »

La tisseuse de peau se retourna face au reflet de Morbani renvoyé par le quartz millénaire tout en continuant de scruter Nellis via ce miroir improvisé. « Ne comprends-tu pas ? Je suis elle et elle est nous. Nous sommes une. L’ombre du corps qui fut. Pauvre Nellis. Tu parles à un reflet. Mais c’est l’ombre derrière à qui tu t’adresses. L’ombre qui est la somme de toutes les ombres. Comme… eh bien, des couches de peau qu’on pèle pour atteindre le cœur. »

Elle passa alors sa main sur la roche transparente et la froide lumière bleue qui en émanait se réchauffa tout en décuplant d’intensité. Découpée en myriades de rayons par les ailes de papillon, elle se mit à danser. Le corps noir du dieu endormi se peignit de couleurs chatoyantes. Nellis inspira une bouffée de chaleur. La lueur vivante ensorcela l’ombre de Nazukahi-Morbani qui se métamorphosa avant de se diviser en plusieurs autres ombres, chacune différente et s’agitant sans tenir compte de l’immobilité du corps censé les animer.

L’engeance corruptrice se tourna vers l’elfe amorphe, ignorant ses ombres et les laissant à leur petite vie. Le regard en biais vers Nellis, elle se pencha sur l’être vulnérable et semi-conscient. Ses bras enlacèrent sa frêle silhouette. Elle pourlécha ses canines de vampire soudainement apparues avant de les planter dans la maigre nuque. La victime n’eut pas plus de réaction que si un moustique l’avait piquée.

À peine Nellis mimait-elle un geste pour se porter à son secours que ses jambes dérapaient sous elle – à croire que ses pieds avaient glissé sur l’air –, l’emportant dans une chute douloureuse. Elle eut beau se débattre, rien n’y faisait, impossible de se relever. Pourtant rien ne la retenait. Alors elle aperçut sa propre ombre attelée à se débattre avec l’essaim de Nazukahi ; comme lors de l’embuscade des Gorges.

La sorcière, impuissante, ne put que regarder l’elfe se faire vider de son sang, vit sa peau se tendre puis craqueler avant de se fendre, son visage et ses bras, déjà maigres, fondre encore jusqu’à faire émerger le crâne et les os. Ses vêtements tombèrent, révélant les côtes saillantes et le bassin drapés d’un tissu pâle couturé de veines violettes. Son œuvre achevée, la vampire se débarrassa de sa proie comme d’un vieux chiffon, le laissant choir sans cérémonie. Nellis, toujours allongée, rencontra les yeux de l’elfe, réduits à deux figues séchées. La figure de momie était au moins exempte de souffrance.

« Pouah ! Le trompe-la-mort gâte le sang comme c’est pas permis ! » Une vilaine grimace étirait les traits de Nazukahi, désormais visibles au travers de ceux de Morbani, quand elle se pencha vers Nellis, soumise à sa merci. Ses yeux d’améthystes luisaient, gorgés de sang et couvés par les braises rouges.

« Juge-nous tout ton saoul, cracha l’horreur à son visage. Combien de morts pèsent sur ta conscience ? Combien de tes victimes as-tu oubliées ? Moi je le sais. Et ça n’est pas beau à voir. Ça non. Ah, tu te dis : "Mais de quoi elle me parle ? C’est elle le monstre, pas vrai ?" Eh bien laisse-nous te dire une chose : jamais nous n’avons tué, jamais ! Tu ne nous crois pas ? C’est pourtant vrai. » Elle pointa du doigt la dépouille de l’elfe. « Ceci n’est qu’un contenant. Un sachet de viande. Une fois l’eau bue, tu délaisses le gobelet. L’eau s’incorpore à ton métabolisme, elle se mélange et devient une partie de ton être. Il en est de même du sang de nos proies. Le sang contient les souvenirs et les souvenirs la personnalité. Ces pauvres êtres ne meurent pas, au contraire, ils deviennent immortels. Au lieu que la terre les absorbe, qu’ils soient effacés, ils demeurent en nous, bien vivants. On se rappelle d’eux. Nous sommes une et mille. Tu comprends ? Regarde-les. »

Sa main empoigna le visage de Nellis pour la forcer à tourner le regard vers ses ombres qui empoignaient la sienne. Trois d’entre elles étaient occupées à se chamailler. Plus loin deux autres semblaient s’étreindre sur le mur transparent de l’alcôve.

« Leurs voix ne se taisent jamais, bataillent pour s’imposer. Elles se jugent, s’aiment et se disputent. S’emportent au gré nos émotions. Nous sommes une. Le corps projette l’ombre. L’ombre projette le corps. »

Une paume gelée passa sur la joue de Nellis, puis se mit à lui caresser les cheveux tandis que la voix haineuse se métamorphosait en douceur aimante. « Tu étais si égarée quand nous t’avons trouvée par hasard. Qu’avais-tu donc vécu pour être si perdue ? Tu veux que je te le dise ? Non ? Laisse-moi plutôt te raconter une histoire, tu veux ? Il y a longtemps, très longtemps, voilà des âges, dans le lointain et oublié pays d’A'ya-no-Kô, à l’époque où il n’existait aucune frontière entre les mondes, esprits et vivants se côtoyaient naturellement, ignorant de la peur car la peur n’était pas encore née. Deux soleils brillaient dans le ciel. Les feux de la terre s’étaient endormis. Une jeune fille du pays croisa la route d’un esprit errant. Alors l’esprit viola la jeune fille. Puis la terre se déchira. Par sa douleur et sa colère la jeune fille engendra le serpent. Le Roi Vengeur jaillit de la faille creusée par la blessure des deux cœurs de l’enfant et d’un coup de crocs sépara les deux mondes, les occultant l’un à l’autre. Ainsi naquit la première sorcière. Et ainsi le monde ancien avant l’ancien périt. La peur était née. La confiance, brisée. Devine la morale de cette histoire ? Allons. Non ? La morale est simple : pas d’infini sans éphémère. Pas d’empires sans papillons. Les graines germent pour donner vie aux arbres immortels. Ainsi va la vie. L’éternité se nourrit d’éphémère. Or il existe deux types d’infinis : l’infini unique, la toile sur laquelle nous marchons sans jamais atteindre l’extrémité du maillon, et l’infini multiple, le cercle, délimité, auquel nos pieds sont enchaînés, emmailloté dans d’autres cercles et ainsi de suite. L’univers se résume en un empire du vide, héritage des ancêtres aux ancêtres, et dont il faut à tout prix exhumer le savoir oublié et le garder des ignorants barbares. Cet héritage ne se lègue pas mais s’accapare. Il ne vient pas à vous, il faut le chercher, s’élire soi-même à la destinée. Et nous sommes les régents de cet empire du vide, les derniers héritiers à qui les sages d’antan ont confié les clefs de l’antique connaissance. »

La vipère eut beau se taire, ses sifflements continuèrent de tambouriner dans le crâne de Nellis qui se racla bruyamment la gorge en guise d’inspiration. « Tu es folle, grogna-t-elle.

─ La folie est réservée aux seuls élus, la sagesse aux ignorants. J'ai vu tant et plus de choses que tu ne pourrais l'imaginer dans ta petite cervelle amputée. Dis-nous, quel est notre nom ? Dis-le-nous. Allons. Que perçois-tu quand tu te penches sur le lac ? Qu’entends-tu à écouter les rumeurs du vent ? Les réponses des hautes herbes qui bruissent ? Le chant du loup bleu qui hurle son amour à la lune ? À la biche jalouse dans sa prairie ? Le désert n’a qu’un nom pour autant de grain de sable. Comme l’esprit en possède mille et un. Ouvre les yeux. Étends tes perspectives. Attends, laisse-nous t’y aider. »

La sorcière aurait dû s’y attendre. Pourtant, elle fut quand même surprise. Son crâne cogna durement le quartz alors que son ennemie s’emparait de son visage. Elle sentit les pensées des serakils bouillonner de sa propre détresse. Elle voulut griffer mais les ombres n’avaient pas de peau. Le fantôme de Morbani s’approcha, les traits triomphants, la cruauté débordante, avant de s’accroupir sur son pauvre corps immobile. Nellis se revit dans les Gorges, ceinturée par le troll pétrifié, réduite à la plus complète vulnérabilité, une jeune pousse à la merci du vent. Les longues serres rouges recouvraient sa vision, mordaient dans son front, ses joues, ses oreilles, son menton. Elle eut beau en appeler à son brasier intérieur, le feu mourant se contenta de fumer, sa rage muselée. La peur s’abattit comme un tronc qui tranche en deux la rivière. Elle sentit sa terreur aspirée par les yeux de furie. Le monstre assis sur elle reniflait cet effroi primaire et s’en gorgeait jusqu’à la lie, ivre de son entêtant parfum. « La peur est une ambroisie », avait-elle dit.

Calme-toi ! Jilam va venir. Mú, Quo. Ils vont tous venir te sauver. Comme l’autre fois…

Les serres s’enfoncèrent sous la peau. La sorcière hurla. Mais ses lèvres ne lui appartenaient plus. Elle n’avait plus que sa langue et sa gorge. Ses cris n’étaient qu’un long borborygme, comme un enfant qui s’étouffe. Elle crut un moment qu’on lui arrachait la tête de son tronc. Douleur atroce, interminable, râle pitoyable, d’une laideur à couper le souffle. Le temps lui-même fut balayé. Mais Nellis n’eut pas droit à la nuit. À la place s’offrirent à elle les ténèbres rouges. La lune de sang s’imposait jusque derrière le voile de ses paupières… Quelles paupières ?!

Une voix glaciale perça à travers le brouillard pourpre. « Voilà ton vrai visage. Quelle horreur ! Un vrai monstre. Mais je te préfère ainsi. Nous sommes des erreurs de la nature, toi et moi, des abominations. Et nous gouvernons le monde ! Le sang et la chair. Nous n'avons besoin de rien d'autre. Les autres créatures se parent de peau. Pitoyables êtres qu'ils sont. Ils refusent d'admettre leur laideur. Leur beauté n'est qu'une façade, un camouflage. Les prédateurs s'en servent pour duper leurs proies et les attirer à eux. Ces idiots ne dupent qu'eux-mêmes. Ils ne sont que de la vermine. Délicieuse vermine pour certains. Ils nous servent selon nos besoins. Inutile de nous préoccuper de leur soin. Ils ne pensent qu'à eux. Ce sont des monstres aveugles. Ils me voient et ils pensent : quelle frêle créature, je m’en vais l'asticoter, m'en faire mon repas du soir, m'en repaître jusqu'à plus faim. Ils jouissent quand je les vide de leur sang. Alors que je suce leur âme, ils exhalent de plaisir. La laideur. Rien que la laideur. Partout et toujours. »

Le brouillard rouge se déchira. La douleur mordit dans le cœur rescapé de Nellis qui manqua de rompre une bonne fois pour toute. Son cri s’étouffa dans sa gorge. Il avait un goût de sang, tout comme l’air. La sorcière voulut cligner des paupières, mais elle se rappela qu’elle n’avait plus de paupières, ses yeux étaient nus, incapables de se cacher ou de cacher ce qu’ils voyaient. Un énième hurlement muet l’étrangla. Un visage était penché au-dessus du sien écorché. Et ce visage était le sien. Une autre Nellis l’observait, la cruauté peinte sur ses traits suintant de sang. Des larmes pourpres perlaient au coin de ses yeux d’améthyste flamboyant de folie.

Puis la terreur se mua en soulagement. Nellis se sentit libérée d’un poids. Un poids qu’elle avait porté tout ce temps depuis le début de ces péripéties. Sous le regard du dieu aveugle, mort-vivant prisonnier, elle rendit grâce à celle qui l’avait débarrassée de ce fardeau et voulut la remercier, sauf qu’elle n’avait plus de lèvres pour le faire. Sa langue s’agitait sans pouvoir prononcer ne serait-ce qu’un pauvre son, morceau de chair inutile, la saveur du sang imprimée sur toutes ses papilles.

« Tu l’as cassé ! » L’ire fusa dans l’atmosphère de métal, déforma les traits de l’autre Nellis qui frappa alors l’originale. Mais celle-ci n’était plus sûre de qui elle était vraiment, prisonnière d’un cauchemar au goût prononcé de réel. La douleur eut beau s’apparenter à un tison placé contre sa joue, elle ne fut rien comparée au plaisir mesquin qui l’envoûtait. Sa toux s’apparentait à un rire. Eh oui pauvre souche creuse ! Le pouvoir de Morbani et des Tréfonds bride toujours le masque. Qu’est-ce que ça fait hein ? C’est frustrant n’est-ce pas ?

Les serres se refermèrent autour de sa gorge, lui arrachant sa dernière inspiration. Un instant de plus et la sorcière sombrait pour toujours. Mais la poigne se détacha avant. Nellis aurait voulu qu’elle s’attarde, ne serait-ce que pour l’éloigner de sa douleur qui était devenue son corps. L’envie de rire et de pleurer la démangeait en même temps. La souffrance était si forte qu’elle lui broyait chaque pouce de chair. Respirer équivalait à s’arracher le visage encore et encore.

« Tant pis. La fin de l’histoire approche. Ton histoire du moins. Il n’est plus rien qui puisse la changer. Ainsi nous aurons le plaisir de contempler cette fin par nos propres yeux. »

Une autre voix, qui n’était pas celle de Nazukahi, venue de nulle part, l’interpela : Dors enfant, laisse-toi aller. Abandonne la douleur. Si tu ne peux la faire partir, alors contente-toi de t’en aller. Allons, ferme les yeux.

Les soubresauts de son corps, de plus en plus violents, achevèrent de l’expulser hors d’elle.

*

Non loin de là, depuis un soupirail ouvert sur un boyau discret grattant les hauteurs de la galerie aux monstres, Mousse et Mú assistaient impuissants au supplice de leur mère et âme-sœur. Le furet-léopard s’était laissé guider par le lien des totems. Il en avait mis du temps à se dépêtrer de l’inextricable nid des vilaines tourterelles. Tout ça pour voir la méchante harpie torturer la chair de son cœur. Il aurait sauté à sa rescousse, malgré les avertissements de Mousse, quand bien même son intervention n’aurait fait aucune différence. Mais quelqu’un l’avait retenu.

La démonifée était apparue de nulle part, surgie des ombres, sans qu’il ne l’ait sentie, comme la première fois. Elle ne portait sur elle aucune odeur, chose très perturbante, mais la douleur de son âme-sœur l’était mille fois plus. Le mammifère s’était de nouveau figé sous le regard de la nuit tandis que le petit Mousse se glissait entre ses pattes. Il avait montré les dents, la créature s’était accroupie, comme pour se soumettre. Leurs regards ne se quittaient pas. Ces yeux. Où avait-il vu ces yeux pour la dernière fois ?

Puis Mú s’était souvenu. Et la peur lui était revenue. Pourtant, il n’avait pas bronché. Par son seul regard, la demoiselle de nuit lui parlait. Nul besoin de mots. La nature se contente de peu et de tout. Son esprit, malgré lui, s’était détendu. Ainsi, pendant que son âme-sœur souffrait les pires horreurs, lui se contentait de regarder. Il avait envie de mourir. Les pensées du petit Mousse n’étaient que terreur pure qui ne faisait que nourrir son désarroi abyssal. Alors la demoiselle de nuit leur chanta à tous deux une berceuse tandis qu’elle les guidait loin de l’atrocité, laissant Nellis – du moins celle qui fut Nellis – à méditer seule dans ses limbes.

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