Chapitre 6 : La brosse d'ambre
L’appartement de Noé était petit mais chaleureux.
Il le louait depuis deux ans mais retournait voir ses parents régulièrement car ils habitaient également à Cryset. Le père de Rashnoé, Audric, possédait un magasin de sorcellerie sur Brest et un second sur Cryset où son fils travaillait. C’était un deux pièces très confortables, tout en noir et blanc, couverts de coussins, de contenants en osier et de sorcellerie. Il plaisait à Loënia. Le sorcier précisa, ou rappela, à la fée qu’il avait récupéré la plupart des meubles grâce à des associations et avait parfois bricolé un peu pour les redécorer ou les repeindre.
Rashnoé avait appelé Loënia un soir alors qu’elle était sur le point de s’endormir sur un livre peu passionnant. Il lui avait proposé de passer un après-midi à son appartement, où la fée dut lui demander l’adresse, pour faire de la magie. Rien de noir, bien entendu, pour Loënia.
Dans un coin, sur une étagère, près d’une plante grasse, un pot était rempli de crayons ainsi que de ce que Loënia supposait être la baguette de Rashnoé lorsqu’il était enfant. Tous les enfants sorciers et fées usaient d’une baguette. Ils l’abandonnaient à un certain âge, quand ils le souhaitaient, ou sous la pression sociale, car ils contrôlaient leur pouvoir et savaient le diriger.
-J’ai amené quelques affaires pour faire de la magie, commenta la fée. Même si je me doute que tu as tout ce dont tu as besoin avec ton magasin.
Noé sourit.
-Tu veux du chocolat chaud ?
Loënia hocha la tête. Même si l’appartement était bien chauffé, elle ressentait encore les effets du vent et du froid de l’extérieur.
Elle attendit près de la table de la cuisine tandis que Noé sortait deux tasses. Elle en profita pour observer le salon avec son canapé et ses coussins ainsi que la guirlande lumineuse accrochée au plafond. En baissant les yeux sur la table, elle vit des petits gâteaux au chocolat. Elle sourit à Noé.
-Tu me reçois comme une reine !
-Bien entendu, c’est tout ce que tu mérites.
Ils se sourirent encore, soudainement timides. Ils s’assirent maladroitement à la table de la cuisine. La fée se demanda comment il était possible de se disputer avec Noé, comme le lui avait appris sa sœur Raison.
Ils dégustaient leur chocolat chaud autant qu’ils se dévoraient du regard. Loënia s’était habituée aux yeux verts enflammés de Noé, tandis que lui s’était adapté à son amie, sans ses souvenirs. Ils étaient patients avec l’autre. Ils réapprenaient à se connaître.
-Ma sœur m’a dit que certains vampires avaient attaqué des humains, est-ce que tu en sais plus ?
Elle n’avait pas fini sa phrase que le sorcier avait hoché la tête et reposé sa tasse.
-Les vampires se réunissent souvent par clans, dans l’intention de coexister avec les autres espèces mais... Malheureusement, il y a un nouveau groupe de vampires qui s’est créé à côté de Cryset. Je crois qu’ils sont basés à Brest mais je n’en suis pas persuadé. C’est plus simple, pour les congrégations de s’installer dans une grande ville, il y a toujours du mouvement et beaucoup de population. Sauf que là, ils attaquent et tuent en plein jour des humains et des créatures magiques.
-Pourquoi font-ils cela ?
Loënia prit une nouvelle gorgée tandis que Noé haussait les épaules, tapotant ses ongles sur la table.
-J’ai envie d’enquêter sur ce phénomène. Ma soeur connait un vampire, peut-être pourrait…
-Non, fit Noé d’un ton catégorique. Nous avons peut-être des pouvoirs magiques mais eux n’auront aucune gêne pour nous tuer. Toi si tu commets un meurtre, ton tatouage changera de couleur.
-Si mon tatouage est mon seul problème après avoir commis un meurtre, alors ça va, commenta la fée en passant négligément sa main dans ses cheveux. Oh, réalisa-t-elle alors, tu connais certains de ces vampires.
Noé évita alors son regard.
-Certains seulement. Ils viennent parfois à Lent-sorceler.
-Tu vends à des criminels ?
Noé la toisa d’un regard dur. Elle reprit aussitôt :
-Oui, je comprends que tu n’aies pas le choix mais c’est extrêmement dangereux !
-Peu importe, nous ne pouvons rien faire. D’autant plus qu’ils ne sont pas tous des “criminels”.
La façon de Noé d'entériner le sujet ne plut pas du tout à Loënia. Cependant, elle s'efforça de dissimuler sa mauvaise humeur en se promettant d’engager le sujet quelques jours plus tard, lorsque son ami serait plus enclin à lui répondre.
Rashnoé et Loënia firent de la magie durant tout l’après-midi. S’ils ne pouvaient pas effectuer à proprement parler des sorts ensemble, au risque de modifier le tatouage féerique de Loënia, ils pouvaient montrer ce qu’ils pouvaient faire à l’autre, se chamailler avec de la magie ou enseigner à l’autre un nouveau sort.
En général, si Loënia pouvait faire rire Noé avec des facéties, c’est le sorcier qui apprenait de nouveaux enchantements à la fée. Elle soupçonnait Noé de déjà les lui avoir fait apprendre car ils lui semblaient simples, comme si elle les avait déjà répétés mais non effectués depuis un certain temps.
C’est ainsi que Loënia vola des pierres et fit voler des herbes tandis que Noé lui avait montré comment faire diviser des grains de riz et rendre invisible des livres.
-Je suis ravie ! S’exclama la fée. Voler des gâteaux dans la cuisine n’aura jamais été aussi facile.
-Je te montre comment faire disparaître des objets et tu penses à la nourriture ? Pourquoi ne pas faire disparaître des livres dans une librairie ?
Elle donna un gentil coup de coude dans les côtes de son ami.
-Je suis quelqu’un d’honnête, moi !
-Mais moi aussi, Madame ! Renchérit le sorcier aux yeux ensorcelant. Oh, je ne t’ai pas encore dit. Je compte m’inscrire en septembre pour prendre des cours de théâtre à la fac, en plus de mon travail à la boutique. Mes parents me soutiennent entièrement dans cette initiative.
-C’est génial ! Tu aimerais continuer dans cette filière ?
Noé hocha la tête tout en croisant ses jambes sur le canapé.
-J’ai le rêve de devenir un acteur célèbre, ou au moins un sorcier connu depuis que je suis enfant. Je crois que la célébrité me conviendrait, dit-il le plus sérieusement du monde.
-Je pense aussi. Tu as l’air assez sûr de toi et, même si je ne sais pas encore ce que tu vaux comme acteur, je suis persuadé que ça viendra vite. Je te soutiens également !
La fée souriait de toutes ses dents, fière des ambitions de son ami.
-Que fais-tu ?
Noé regarda Loënia se lever du canapé où ils avaient migrés pour prendre son sac à main. Elle plongea la main dans son réticule et en ressortit un objet dissimulé dans du tissu.
La jeune femme serpenta dans l’appartement jusqu’à retrouver Noé sur le canapé où elle s’assit doucement près de lui. Elle déposa dans ses mains l’objet, un sourire peint sur son doux visage.
-Un petit cadeau pour tes cours de sorcellerie, le chocolat chaud et par-dessus tout ton amitié.
Le sorcier, les lèvres incurvées dans un sourire lumineux, déballa le paquet et découvrit une brosse enchantée en ambre. L’objet brillait, de part la pierre et la magie, et arborait de belles couleurs orangées.
-Tu es vraiment adorable, Loëne. Merci énormément.
Il passa ses bras autour des épaules de son amie. Ses mains chaudes encadrèrent le dos de la jeune fée qui sourit à ce contact. Elle lui rendit ce câlin, le serrant même un peu plus fort.
-C’est une protection supplémentaire. En te brossant les cheveux avec, je l’ai testé et elle fonctionne bien, tu pourras mieux résister aux sortilèges et enchantements des autres sorciers et fées qui pourraient te valoir du mal. Depuis que j’ai appris que tu aimais te battre, disons que je préfère prévenir que guérir.
Elle humait et découvrait son parfum de fleurs des champs. Elle caressa même ses cheveux blonds.
Ils se séparèrent au bout d’un moment, tout sourire l’un pour l’autre.
Une pensée vint perturbée Loënia.
-J’ai parlé de toi à Raison. Elle m’a dit que nous nous étions disputés en décembre.
La fée se sentait gênée de révéler cela. Elle avait l’impression qu’il était impossible de se disputer avec le jeune homme.
Rashnoé plissait les yeux, les yeux emplis d’incompréhension.
-Je te promets que nous ne nous sommes pas disputés en décembre. Et comme par hasard ça arriverait quand tu perds la mémoire ?
Loënia hocha la tête.
-Oui, je sais, c’est idiot…
-C’est Raison qui t’a dit que nous nous étions disputés ? La coupa-t-il.
-Apparemment, je l’aurais dit à ma mère qui le lui aurait rapporté.
Rashnoé passa sa main dans ses cheveux.
-Ta mère ne peut pas me voir !
Ils se regardèrent un long moment.
-Ah, finit par prononcer la fée.
Le soir même, en vidant son sac, Loënia trouva un bout de papier cartonné plusieurs fois plié sur lui-même. La fée, pourtant seule dans sa chambre, regarda autour d’elle. Elle songea d’abord à une liste de courses oubliée avant de déplier le mot.
Quand tes yeux me regardent
Que tu me poses tant de questions sans le savoir
Je me dis qu’une certaine partie de toi tu gardes
Alors je me plonge dans ton sourire d’ivoire
Quand tes épaules montrent que tu es sur ta garde
Que tes doigts se glissent dans leurs réfectoires
Que ton ombre fléchit et vient me rejoindre
Alors je me dis qu’il y a une note d’espoir
Le poème était signé R. Elle soupçonnait son ami sorcier et lui envoya immédiatement un message. Il répondit dans la minute.
Loënia : Je pensais que j’avais oublié une vieille liste de courses dans mon sac...
Rashnoé : Ah oui ?
Loënia : Merci beaucoup ! Le poème est magnifique
Rashnoé : Ca me fait plaisir, Loene !
Hey ! Comment allez-vous ?
On se retrouve avec un chapitre un poil plus court que d'habitude. J'ai préféré le couper là, cela me semblait mieux.
Les doute plane toujours sur la perte de mémoire de Loënia... Je ne m'étais pas rendue compte, en l'écrivant, qu'on apprend aussi tard comment elle a perdu la mémoire ! Mais bon, là est tout l'intérêt !
Bonne journée !
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