Chapitre 10 : Le déjeuner des sorciers
-Ils se rappellent de moi, mais moi…
-Ils t’ont vu grandir et ils savent pour ta mémoire, ne t’en fais pas.
Debout sur la pelouse du jardin de Rashnoé, Loënia se tordait les mains. Elle lançait des coups d'œil anxieux vers les fenêtres aux armatures noires. Noé lui avait appris que ses parents avaient fait le ravalement de la maison il y a de ça cinq ans.
Une journée où elle n’avait pas cours l’après-midi, Noé la convainquit de venir déjeuner avec lui et ses parents. Bien sûr, il avait un plan, demander de l’aide à ses parents pour que son amie recouvre la mémoire.
Loënia avait enfilé la robe qu’elle portait le jour de sa rencontre avec Noé, à Lent sorceler, celle qui avait des poches. Elle avait toujours aimé porter cette robe qui lui donnait confiance en elle, et maintenant elle savait pourquoi.
Rashnoé ouvrit la porte de chez lui. Sa mère les accueillit en souriant tandis que son père, les mains dans des gants de protection, tenait un grand plat de ce qui semblait être du gratin.
-Bonjour Loënia !
La fée se retrouva dans les bras de la mère de Rashnoé. Elle s’appelait Mélusine. Bien que six yeux presque fluorescents étaient fixés sur elle, Loënia ne fut pas déstabilisée. La mère et le père de Noé avaient respectivement les yeux bleus et jaunes. En fonction de là où ils habitaient, les sorciers se faisaient plus ou moins harcelés pour la couleur de leurs yeux. Dans de grandes villes, où la population était vaste, ils se faisaient moins remarquer. Le plus souvent, les humains supposaient qu’ils portaient des lentilles ou ils n'avaient pas le temps de bien les regarder.
-Merci de m’inviter à déjeuner, c’est vraiment très gentil.
-C’est bien normal, lui assura Mélusine, nous tenions vraiment à te revoir.
Loënia accorda un regard à son ami. Il portait un jean bleu marine avec un pull beige qui faisait ressurgir ses iris verts comme s’ils étaient des billes enflammées.
-Rash m’a dit que vous pourriez peut-être m’aider à retrouver la mémoire ?
Loënia utilisa le surnom qu’elle donnait à Rashnoé avant qu’elle ne perde la mémoire. Mélusine offrit un regard presque contrit à la fée.
-J’ai fait des recherches dans les grimoires à notre disposition. Je ne suis pas sûre que nous puissions faire quelque chose, la plupart des sorts tacherait ton tatouage féerique.
Mélusine posa sa main sur l’épaule de la fée.
-C’est vraiment gentil d’avoir cherché des sortilèges pour moi, répondit Loënia, un peu déçue bien qu’elle ne s’attendait pas à un miracle.
En fait si, elle avait cru au miracle. Et si, comme lorsqu’elle était enfant, les adultes réglaient tous les problèmes ? Et si tout était aussi simple qu’à cette époque ? Mais aujourd’hui, bien sûr, elle avait vingt-et-un ans et elle était également une adulte. Elle devait trouver la solution à son problème par elle-même.
-Depuis une semaine, reprit Rashnoé sur un ton plus léger, il n’y a eu aucun nouveau meurtre commis par les vampires. J’ai raconté à mes parents ce qui nous était arrivé.
Mélusine interrompit son fils.
-J'étais choquée d'apprendre ce qu'il vous était arrivé ! Audric m'a empêché de lancé une malédiction sur cet homme ! J'aurais dû le faire, dit-elle en se tournant vers son époux.
-Ils pensent savoir où se situe le manoir des vampiresn reprit Rashnoé. Il serait près du bois des loups, en dehors de Cryset.
La fée hocha la tête. Elle avait eu raison, c’était bien le bois près du palais de son cousin.
Le père de Noé, Audric, les invita à entrer dans la salle à manger. Tous les quatre discutèrent de ce qui s’était produit au manoir. Cette résidence serait le quartier général des vampires. S’ils ne prirent pas d’apéritif, le repas dura trois heures au cours du quel ils échangèrent beaucoup. Ils échangèrent de la mémoire de Loënia et de ses souvenirs perdus. Mélusine, la mère de Noé, était médecin mais elle ignorait bel et bien comme aider la jeune femme.
Quand Rashnoé proposa des idées de sortilèges susceptibles defonctionner, Audric, son père, lui rappela que Loënia était une fée. Cette dernière se dit que sans tatouage féerique, la vie serait plus simple pour elle. Elle aurait aimé être une sorcière, ou alors que son tatouage fut déjà taché pour pouvoir effectuer tous les enchantements qu’elle souhaitait.
Vers dix-sept heures, Noé ramena Loënia jusqu’à son quartier.
-J’ai peut-être une idée, fit Loënia. Si les sortilèges de sorciers sont proscrits pour moi, peut-être qu’un enchantement de fée fonctionnerait. Est-ce que ça te dirait de m’accompagner voir mon cousin ?
Rashnoé se sentit vexé à l’idée que sa meilleure amie quémande de l’aide à son cousin. D’autant plus qu’ils n’avaient jamais été si proches que cela. Il passa en troisième avant de rétrograder précipitamment au stop.
-Tu en es sûre ?
Le regard emplit d’espoir de Loënia réduisit en miettes ses réticences.
-OK, nous irons, nous irons. Vendredi?
Loënia hocha la tête, convaincue et conquise par son idée géniale. Si sa mère posait des questions, alors elle n’aurait qu’à dire qu’un cours magistral avait été ajouté à son emploi du temps.
-Braken connaît pleins de sorts. Enfin, toi aussi, bien sûr, mais lui a accès à une bibliothèque remplie de grimoires anciens. Il y aura forcément un enchantement pour m’aider.
Noé se sentit jaloux de Braken, en particulier si c’était lui qui trouvait le sortilège qui permettrait à Loënia de recouvrer ses souvenirs. Il se demandait comment il serait accueilli, lui, sorcier, dans le château de fées. Auparavant, Braken et ses amis avaient l’habitude de venir à Lent-sorceler, pour terroriser les clients et briser des objets. Ses intimidations intempestives avaient pour but de faire fermer boutique de Rashnoé.
Il ne dit rien de ses craintes à Loënia qui contemplait paisiblement les jardins et les arbres qui défilaient. Son amie semblait avoir apprécié le déjeuner avec ses parents. Tous les deux n’avaient pas encore discuté de leur baiser, alors le jeune homme ne savait quoi en penser. Il était convaincu qu’elle ne l’avait pas embrassé sans avoir des sentiments pour lui, mais il ignorait où tout cela les menait. Peut-être que lorsque Loënia aurait recouvré ses souvenirs, tout serait plus simple. Noé accéléra sans s’en rendre compte. Il craignait que si Loënia retrouvait sa mémoire, alors elle réaliserait qu’elle ne l’aimait pas.
-Merci de m’avoir raccompagné, fit Loënia.
Le jeune sorcier réalisa alors qu’ils étaient déjà dans le quartier de son amie. Il se gara sur une place libre et regarda la fée se détacher et prendre son sac.
-Fais attention à toi, OK ?
Elle hocha la tête, l’air sérieux.
-Toi aussi. Je ne t’ai pas offert cette brosse juste pour tes beaux cheveux. J’ai bien remarqué que tu étais prêt à te battre et à te mettre en danger.
-Alors nous sommes deux, rétorqua Noé avec un rictus. Méfie-toi de ta mère.
Loënia acquiesça, sans vraiment comprendre pourquoi Rashnoé disait cela.
-Tu as des parents merveilleux.
-Mon père râle beaucoup, minauda le sorcier. Je plaisante, je sais que j’ai de la chance.
Sur le point de partir, Loënia se pencha pour rapidement embrasser Noé et sortit de l’habitacle. Elle ne fit pas trois pas qu’elle sentit quelque chose dans sa chaussure. Elle s’accroupit et vit un morceau de papier plié sur lui-même.
Elle se retourna vers Noé, assis dans la voiture, qui leva les mains pour clamer son innocence. Elle sourit, mit le papier dans son sac, se retourna et rentra chez elle au petit trot.
Si j’avais su que tes yeux à la lumière prenaient cet couleur de mousse
Je serais devenu un chandelier et non un sorcier,
Si j’avais su que ton coeur était égal à la mer
Je serais devenu plongeur et non pêcheur,
Si j’avais su que ton âme était aussi précieuse
Je serai devenu conservateur de musée et non acteur,
Si j’avais su que ta mémoire flancherait ainsi,
Je serais devenu photographe et non vendeur.
Loënia avait froid.
Ce n’était plus un simple constat. Elle était tellement frigorifiée que si l’idée de se relever la frôlait, elle ne pourrait pas bouger.
Raison et Amare, le petit-ami de celle-ci, avaient choisi de rompre. Loënia, soucieuse de ranimer le bonheur dans les yeux de Raison, avait décidé d’amener sa grande-sœur à la plage, pour lui changer les idées. Elles s’étaient baignées alors qu’elles savaient qu’en mars le printemps breton était presque comme l’hiver, avec deux degrés de plus.
Maintenant, elles se retrouvaient à trembler l’une contre l’autre, sans même oser faire un enchantement pour se réchauffer.
Loënia se dit que demain elle serait avec Noé au château de son cousin et que tout irait mieux ou, tout du moins, elle ne serait pas proche de l’hypothermie.
-Peut-être que cette décision n’est pas définitive, fit Loënia avec encouragement.
Raison, pour toute réponse, se mit à trembler davantage. Son tatouage féerique semblait rouler sur son poignet tel un jeune serpent.
-Pourquoi avez-vous rompu ?
-Pourquoi es-tu tombée dans ta chambre ? Répondit Raison avec agacement. Ce sont des choses qui arrivent, tiens.
Loënia garda le silence un moment, bien consciente de la colère et de la myriade d’autres émotions qui couvaient à l’intérieur du crâne de sa sœur. Elle n’avait jamais traversé de rupture qui l’avait vraiment touché. Elle était déjà sortie avec une fille au lycée, mais elles n’étaient pas restées ensemble très longtemps.
-Je suis là pour toi, Raison.
Raison répondit si longtemps après que Loënia n’attendait plus de réponses.
-Je sais.
Quelques minutes après, elles décidèrent de se lever. Raison utilisa un enchantement et, en quelques minutes, elles furent réchauffées. Elles croisèrent un couple accompagné d’un enfant qui marchait sur la digue. Tous les trois étaient bien emmitouflés sous plusieurs couches de vêtements. Ils leur demandèrent comment elles faisaient pour se baigner. Loënia répondit avec un sourire, que c’était une question d’habitude.
Hey !
J'ajoute encore des personnages (et j'espère que j'ai raison de le faire...). J'aime beaucoup les parents de Rashnoé. Ils ajoutent du réalisme à l'histoire, selon moi.
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
J'espère que votre journée s'est bien passée !
Jane
Annotations
Versions