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Ça va faire vingt minutes que je snooze mon réveil. Et ça fait aussi vingt minutes que je passe cette journée en boucle dans ma tête. Et toujours vingt minutes que ma mère me hurle de me dépêcher avant que je sois définitivement en retard pour les cours. On est le dix janvier. C'est une date totalement normale pour beaucoup, mais moi, ça fait tout juste trois mois que j'ai été publiée.
"J'ai pas envie d'aller en cours, marmonnais-je en enfouissant ma tête sous mon oreiller
- Dépêche toi !"
Publier mon roman m'a fait perdre l'envie d'aller en cours. En trois mois, je suis passée de Agathe Chépaqui, élève un peu bizarre de 3A qui passe son temps à écrire dans son cahier et qui aime trainer avec des lycéens, à Agathe Chépaqui, petite célébrité qui devrait avoir son mot à dire sur tous les sujets, et j'avoue que cette transformation ne me convient pas vraiment. Je crois que le pire, c'est que certaines personnes demandent à suivre mes amies sur Instagram pour pouvoir avoir régulièrement accès à ma vie privée, étant donné qu'elles mettent souvent des photos sur lesquelles j'apparais
"Aller debout ! s'écria mon frère en entrant dans ma chambre
- OK c'est bon j'arrive...
Je checke mes messages et voit un SMS de Sarah, une amie de ma meilleure amie, que je ne porte pas particulièrement dans mon cœur, et que je soupçonnais de me parler uniquement pour l'intérêt que les journalistes me portaient.
Sarah : Envoie moi un message dès que t'as vu la vidéo sur Insta
Suivi d'un lien qui me renvoyait sur ladite vidéo. Je me fais violence pour quitter mon lit chaud et aller me doucher dans la salle de bain glaciale, tout en me promettant de regarder cette vidéo si importante aux yeux de Sarah quand je déjeunerai.
"Carla, n'oublie pas que les sélections pour l'an prochain sont demain soir, alors pense à te reposer. Alex, tu as ton cours de chant qui est décalé à demain matin, tu ira pas en cours. Agathe, je t'ai déjà dit vingt fois de lâcher ton portable quand tu prépares ton petit déjeuner le matin !"
Je soupire. C'est toujours la foire le matin à cause de ma mère qui distribue ses conseils et ses instructions à tout va.
"Mais c'est important ! ralais-je, peu disposée à écouter ses reproches à cette heure si matinale.
- Si par important, tu entends les dernières photos de Cannelle sur Instagram, alors ça peut at-, commença-t-elle en se penchant sur mon portable pour vérifier ses dires. Qu'est-ce que c'est que ça ? C'est Sarah ?
- Non, c'est un alien qui l'a mangée pour prendre son apparence, répondis-je excédée. Évidemment que c'est Sarah !
- Il faudrait qu'elle essaye le fard à paupières bleu. Ça passe beaucoup mieux que le rose à la caméra.
- Maman ! C'est important !
- Tu verra son interview pl-. Attends mais elle parle de toi !"
Je jette un coup d'oeil à mon portable, que j'avais lâché des yeux pour fusiller ma mère du regard. Horrifiée, j'avance un peu la vidéo, et tombe sur un passage particulièrement horrible où elle déclare que je crache parfois dans le dos de Cannelle, ma meilleure amie.
"Tu restes à la maison aujourd'hui, déclara ma mère d'une voix douce."
Des larmes coulèrent silencieusement le long de mes joues, et je lâchai mon verre de jus d'orange, qui se fracassa par terre. Les morceaux de verre coupèrent mon pied, mais je n'y prêtai pas attention et partis m'enfermer dans ma chambre, en larmes.
***
(18h05) Cannelle : 53 messages non lus et 14 appels manqués
(17h59) Tina : 46 messages non lus et 5 appels manqués
(16h48) Audrey : 25 messages non lus et 3 appels manqués
(18h30) Moi : (message groupé) Ne vous inquiétez pas, je viens demain
***
18h30 : 11h30 que j'ai vu l'interview de Sarah. Je suis restée toute la journée dans ma chambre, en refusant le boeuf bourguignon de ma mère et le Vanilla Latte du Starbucks, et pourtant j'adore ça. Je sais que je fais de la peine à toute ma famille. Ma mère me l'a suffisamment prouvé aujourd'hui, déjà en allant pas travailler pour rester avec moi. Et même Alex et Carla m'ont prise en pitié : ils m'ont ramené mes chocolats préférés, les Cœurs Cookies, tout en me disant que tout ira bien demain en cours. J'ai croqué dans une friandise, mais elle m'a parue fade, sans saveur, comme tout depuis le début de la journée. J'ai reposé le chocolat à demi-mangé, le cœur troué par ce que je considérais comme une trahison.
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