D o u z e
"Mélissa, Alex, Agathe, Carla, à table !"
Nous sortons en trombe de la chambre d'Alex, qui abrite la télé pour le karaoké. Maman a acheté des sushis, des makis et des yakitoris. Elle a quelque chose à nous dire.
"Maman, pourquoi on mange japonais ce midi ? demanda Carla.
- Parce que j'avais envie de vous faire plaisir, répondit-elle d'une voix dégagée en mettant de la sauce sucrée sur un sashimi."
J'échange un regard avec Alex et dissimule mon rire en mangeant une brochette de bœuf au fromage. Personne n'y croit, si bien qu'au milieu du repas, Mélissa pointe notre mère avec ses baguettes (c'est tout un art de manger avec des baguettes, et j'ai encore du mal) et l'interroge
"Qu'est-ce que t'as à nous dire ?
- On passe une semaine chez mamie Li Mei pendant les vacances."
Ouais, ma grand-mère est chinoise, mais pour rire, tout le monde dit que maman a été adoptée : elle n'est pas typée. Il parait que son père est un français pur souche, mais on ne peut pas savoir : il est décédé d'un cancer du poumon six ans avant la naissance de Mélissa.
N'empêche que j'aurai bien aimé recevoir cet héritage ethnique : il faut dire qu'avec mes cheveux roux et mes yeux gris, je suis ce qu'il y a de plus banale. Je n'ai pas de particularité : front de taille normale, sourcils suffisamment épais pour pouvoir en faire quelque chose à l'épilation, cils assez longs qui me dispense de mascara, je n'ai ni pommettes marquées ni fossettes, juste quelques tâches de rousseur histoire de dire que j'en ai, mon nez est droit et mes lèvres sont suffisamment pulpeuses pour que je puisse mettre du rouge à lèvre sans que ce soit ridicule. Je ne parle même pas de mon teint de porcelaine qui me fait prendre un coup de soleil en plein hiver, ce serait inutile.
Physiquement, je suis l'adolescente de base. Mais si on commence à parler du compte en banque...
Je plaisante. J'aime pas aborder ce sujet. En plus, les trois quarts de mon à-valoir partent pour des associations. Le reste me servira pour mes études.
"Dis maman, commençais-je un peu hésitante. Comment t'as fait pour élever quatre catastrophes comme nous toute seule ?
- C'est toi la catastrophe ! s'écria Mélissa. Adoptée !"
Notre père est parti refaire sa vie avec une autre femme quand Carla avait quatre ans. Alex et moi en avions huit et Mélissa en avait dix. Je me souviens qu'au début, c'était la galère, même que maman envisageait d'aller s'installer chez mamie Li. Et elle a fini par trouver du travail, et on a emménagé dans la banlieue.
"Je pense que vous êtes loin d'être des catastrophes. Au début, c'était dur, surtout quand Mélissa te baladait dans les rayons du supermarché dans un panier à roulette. Mais vous avez fini par vous assagir.
- Heureusement que Carla et Alex n'étaient pas comme ça !
- Vous avez toujours été les plus turbulentes. C'est comme ça, et je m'en plains pas."
***
Il est court celui-ci, je suis désolée, j'avais pas vraiment d'idée. Le prochain sera plus long promis !
Dreameuuse
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