11.
- Descends de la voiture.
Toujours menotté, Madou Owonko s’exécuta, en regardant avec une certaine appréhension l’arme que je pointais sur son visage.
- Avance et ne tente rien de stupide, lui ordonnai-je, tandis que je me saisissai des sacs en papier Kraft avec ma main libre, sur le siège avant.
Je le fis marcher jusqu’à la falaise, où l'équipe de la Police Scientifique avait retrouvé les affaires de Tamara quelques jours auparavant.
D’une main, je fis tomber violemment Owonko sur les genoux et sortis ensuite le pendentif du sac pour le mettre dans ma poche droite. Avec mon briquet, je mis le feu aux sacs en papier, en plus des feuilles de l’agenda qu'ils comportaient.
- Akawo, qu’est-ce que tu es en train de faire ? me demanda-t-il avec un calme exceptionnel, étant donné la situation.
- Tu le sauras bien assez tôt, lui répondis-je avec un sourire, en détachant mes cheveux longs. Mais avant, regarde-moi bien, lui ordonnai-je en rapprochant mon visage du sien. Mon visage et mes yeux ne te rappellent personne ?
Owonko, perplexe me dévisagea sans mot dire.
- Regarde mes yeux ! Et regarde ce pendentif ! insistai-je, en brandissant devant ses yeux l'améthyste.
Au bout d’un moment, il murmura :
- Mon Dieu… Ce n’est pas possi…
- Si, c’est bien possible. Bien possible que j’ai hérité des yeux marron clair de ma mère. Tu nous a abandonnées du jour au lendemain, pour aller vivre ta vraie vie de famille et créer ta grande et prospère entreprise !
Je le regardai un court instant avant de reprendre :
- Et là, tu vois, c’est gravé Tamara. Le prénom de ma mère ! Son prénom, que tu as osé donné à ta fille ! Ce pendentif, que ma mère t’avais offert en gage de son amour et que tu as osé donner à ta précieuse fille !
Je me redressai et jetai un œil autour de moi, avant de reporter mon regard sur lui. Les yeux écarquillés de surprise, il balbutia :
- Je… je ne savais pas que… Akawo, écoute-moi, c’est ta mère qui a décidé qu’on arrête notre relation ! Je… j’étais en réalité déjà marié et ta mère ne souhaitait pas briser notre couple, je te jure que c’est vrai ! Elle m’a demandé de ne jamais plus vous approcher toi et elle ou vous maintenir financièrement. Tamara a déménagé du jour au lendemain sans laisser de traces ! Je n’ai même jamais su quand tu étais bébé comment tu t’appelais, car ta mère n’a jamais voulu que je te voie !
- Tu nous as abandonnées ! hurlai-je. Tu savais qu’elle avait besoin de toi et tu l’as tout de même abandonné ! Tu as préféré rester avec ton hypocondriaque de femme, sans aucune classe et qui passe son temps à pleurnicher ! Et ta fille, ta Tamara, hum, n’en parlons pas ! Je suis ta première fille, le sosie de ma mère et tu n’as jamais rien remarqué ! Alors que je venais régulièrement chez vous !
Je m’essuyai brièvement les yeux, avant d’arborer un sourire mauvais :
- Sais-tu que c’est ici que ta fille est morte ?
- Quoi ? Tu veux dire… C’est toi qui as tué Tamara ?
Avec délectation, je vis les yeux de mon père refléter une certaine terreur, mêlé à de l’incompréhension.
- Mon Dieu, elle était ta sœur, ton amie, dit-il d’une voix sourde.
- Non, non, non, non, non, non, m’écriai-je sur un ton hystérique, en agitant mon index. Elle n’était pas mon amie, bien au contraire ! Ma sœur, sans doute, enfin, demi-sœur. Hélas, pour elle.
- Pourquoi l'as-tu tué ? demanda Owonko sur un ton qui montrait qu’il semblait reprendre une certaine assurance. Elle ne t'avait rien fait ! Elle…
- Tais-toi !
Je lui assenai un coup de crosse à la tête et il s’effondra, le visage crispé, sur le sol sablonneux. Un peu de sang commença à couler de son front.
- Tu vas bien m’écouter, murmurai-je, et tu as intérêt à bien écouter.
Je pris une brève inspiration, avant de reprendre :
- Tu sais, au fond, Youssou avait raison. Tamara était considérée comme l’ange, la fille parfaite, bien en tous points. Mais elle ne l’était pas.
Owonko, toujours couché sur le côté, m’écoutait sans mot dire, en respirant bruyamment.
- Sais-tu comment maman est morte ? lui demandai-je brusquement. Ah, j’oubliais, bien sûr que tu ne sais pas, quelle idiote je suis, ajoutai-je avec un petit rire. Tu n’étais pas là !
- Akawo, je…
- Si tu ouvres à nouveau la bouche, tu ressentiras une douleur très désagréable, le menaçai-je, tout en pointant mon arme sur sa tête. Bien ! Alors, pour info, maman était devenue caissière. Alors qu’elle avait un diplôme de pharmacienne. Mais elle a dû sacrifier ses études pour pouvoir m’élever décemment et a pris ce boulot pour pouvoir payer les factures. Un soir, elle revenait du travail à pied et elle s’est fait renverser par une voiture, un chauffard qui n’a jamais été identifié.
Je regardai la mer au loin avant de reprendre :
- La vie est étrange. Il y a quelques mois, alors qu’on se préparait dans la chambre de Tamara pour nous rendre au vernissage de son amie Leyla Pawssi, elle m’a fait une révélation, pendant qu’elle se maquillait devant son miroir. Elle m’a avoué tranquillement qu’elle avait commis un délit bien des années auparavant. Lors d'une soirée, en allant rejoindre à grande vitesse des potes dans une boîte de nuit en ville, elle était en train de réajuster son maquillage au volant, lorsqu’elle a soudainement heurté quelque chose. En sortant de la voiture, elle a vu de loin un corps étendu sur le passage piéton et, prise de panique, elle est repartie. Selon ses dires, c'était parce qu’elle savait que cela aurait eu des répercussions sur les affaires de son cher papa. Sauf que le corps étendu sur le goudron froid ce soir-là, c'était celui de ma mère. Qui a agonisé toute seule, pendant des heures ! Pendant ce temps, Tamara, elle, s’amusait avec ses amis !
- Ce n’est pas Tamara qui a renversé…
Je lui envoyai un coup de pied dans les côtes et Owonko se tordit de douleur.
- Je t’avais prévenu et la prochaine fois, ce sera une balle, l’avertissai-je froidement. Tamara ne savait pas à ce moment-là qu’elle se confiait à la fille de la victime de son délit de fuite. Après m’avoir révélé tout ça, elle a baissé les épaules avec un sourire, genre bof, c’est du passé, qu'il y avait maintenant prescription. Aussi, qu’on devait garder ça entre nous. Le lendemain, j’ai commencé en sous-marin ma propre enquête. Quelques jours plus tard, j’ai pu accéder aux vidéos de surveillance de la rue où ma maman est morte et j’ai pu noter le numéro de la plaque d’immatriculation du chauffard. Il s'agissait bien de celle de la voiture de Tamara. Il fallait que ce soit ma propre demi-sœur qui cause la mort de ma mère, une probabilité de 1 sur 5 milliards ! À partir de ce moment, j’ai décidé de faire de sa vie un enfer. De toute manière, ça n’a plus d’importance, Owonko. Ta fille est morte, ton fils connaîtra les joies de la prison pendant de longues années. Ta femme au foyer, qui ne sait rien faire de ses dix doigts, sera complètement paumée sans toi. Car je vais te tuer. Et jeter ton corps par-dessus la falaise, tout comme je l’ai fait avec ta chère Tamara ! Tout est de ta faute, sifflai-je entre mes dents, les yeux plissés.
Je visai le crâne de Owonko, la main sur la gâchette.
- Capitaine Mensah, baissez votre arme.
Non loin sur ma droite, je vis le type à l'œil de verre me mettre en joue avec son arme.
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