Souvenir
« Ecoute Mike, je suis désolée c’est… c’est pas du tout contre toi…tu es vraiment un type super mais parfois dans la vie, les choses ne vont pas forcément comme on le voudrait tu vois… On a passé de super moments ensemble mais aujourd’hui, j’ai besoin d’autre chose. C’est avec Victor que j’ai décidé de passer ma vie. J’aurais aimé que tu l’apprennes d’une autre manière et que je ne doive pas faire ça par téléphone mais c’est comme ça.
Je ne sais pas trop quoi dire d’autre… Toi tu... Tu ne dis rien ? Tu verras, pour toi aussi ce changement va être bénéfique, tu seras plus libre, tu pourras rencontrer quelqu’un qui te correspond vraiment. Non ?... Mike dis quelque chose s’il te plaît ! Je sais que c’est difficile pour toi mais pour moi aussi ça l’est. Tu ne dois pas te laisser aller. Bon, … je… je vais te laisser. Prends soin de toi Mike. A bientôt. »
Bip, bip, bip,...
Elle raccrocha et Mike se retrouva seul. Sur le coup, il se dit qu'il n’aurait pas dû téléphoner à Lola pour essayer d’avoir des explications. Dès qu'elle avait décroché, il avait à peine eut le temps de dire « Il va falloir qu’on discute » qu'elle lui avait tout balancé à la figure. Elle ne lui avait même pas laissé le temps de lui proposer qu’ils se retrouvent quelque part pour parler. Non, elle lui avait tout déballé de but-en-blanc sans le moindre scrupule et avait raccroché en le laissant totalement perdu et abasourdi.
Les yeux dans le vide, debout dans le petit salon de son 3 pièces, son téléphone à la main, Mike se rendit subitement compte du calme qui régnait autour de lui. Aucun bruit mis à part le tic tac de l’horloge posée contre le mur, le bip bip étouffé du téléphone et le brrr brrr de la machine à laver en plein travail. Il resta là, statique pendant quelques instants quand soudain, les bruits autour de lui s’amplifièrent. Les tic tac, bip bip et brrr brrr devinrent de plus en plus puissants jusqu’à créer un gigantesque tintamarre. Le salon commença à vaciller puis se mit à tourner et Mike se sentit comme piégé dans un étau. Et ce bip bip qui n’en finissait pas, cet inexorable son qui lui rappelait qu’elle n’était plus là, qu'elle avait raccroché, qu’il l’avait perdue. Il n’allait pas tarder à rendre la demi-tranche de pain qu’il s’était forcé à avaler pour déjeuner.
La seule solution qui lui vint à l'esprit pour faire taire ce brouhaha et immobiliser la pièce fut de fracasser son téléphone contre le mur d’en face. Ce geste permit effectivement de rendre la situation autour de lui normale à nouveau. L'horrible bip bip disparut, les autres bruits retrouvèrent leur sonorité et leur volume habituel et la pièce cessa de bouger. Mais malgré ça, Mike ne se sentit pas mieux. La colère avait pris le dessus sur la sensation de vide intérieur.
Cinq jours auparavant, Jordan, son meilleur ami, était venu lui apporter la nouvelle qu'il redoutait tant. Il venait d'apercevoir Lola et son prof de yoga en train de s’embrasser à pleine bouche dans un petit salon de thé du centre-ville. Pourtant, quand Jordan eut terminé ses explications, Mike n’eut pas le genre de réaction qu’il était coutume d’avoir dans ces cas-là. Il ne s’énerva pas ni ne pleura. Il n’éclata pas nerveusement de rire non plus. Il resta immobile, assis sur son canapé avec Jordan et son regard empli de pitié en face de lui.
Pendant cinq jours après avoir appris cette nouvelle, Mike ignora totalement Lola. Ni coup de téléphone ni message ni rendez-vous pour avoir une explication. Lola ne réagit pas plus. Elle ne s’inquiéta nullement de ne pas recevoir de nouvelle de sa part ce qui ne fit que remuer le couteau dans la plaie. Les amis de Mike ne comprenaient pas vraiment sa réaction et à dire vrai, lui non plus. Il aurait clairement dû mettre les choses à plat avec Lola dès qu’il avait appris qu'elle le trompait. Ne pas attendre plusieurs jours pour lui dire qu’il avait tout découvert, qu’il savait tout.
Il se rendait bien compte que l'avoir ignorée de la sorte était puéril mais il ne savait pas comment agir. Jamais au cours de son existence il ne s'était senti si perdu, si triste et si en colère. Pourquoi n'avait-il pas agi plus tôt pour essayer d'améliorer leur vie de couple ? Il avait bien vu les quelques signes avant-coureurs d'une tromperie mais il avait refusé de les prendre en compte.
Lui et Lola se fréquentaient depuis 4 ans et vivaient depuis presque 3 ans ensemble. Au tout début, tout était rose. Ils s’aimaient passionnément et s’entendaient à merveille. Puis, un an et demi après leur première rencontre, ils avaient décidé d’emménager ensemble. C'est à partir de ce moment que la situation commença à péricliter. Les réactions et l’attitude de Lola montraient clairement qu’elle commençait à se lasser de leur couple. La jeune femme avait perdu sa fougue, sa passion et l'éclat qu’elle avait dans les yeux lorsqu’elle regardait Mike au début de leur relation. Elle était devenue impatiente, moins enthousiaste et plus triste. Ils se disputaient beaucoup plus fréquemment et surtout, ils couchaient de moins en moins souvent ensemble.
Puis, environ six mois avant que Jordan ne vienne frapper à la porte de Mike pour dénoncer Lola, cette dernière avait retrouvé de la joie de vivre. Elle souriait plus, semblait plus heureuse et l'éclat dans ses yeux était réapparu. Cependant, même s'ils se disputaient un peu moins souvent, leur vie sexuelle devenait de plus en plus inexistante. C'était un autre signe que Mike avait refusé de reconnaître, se rassurant de voir sa compagne plus heureuse. Quel crétin ! Il pensait qu'il y était pour quelque chose mais c’était un autre homme qui arrivait à combler Lola plus que lui n’y parvenait.
S'arrachant soudain à ces souvenirs douloureux, Mike sembla retrouver sa mobilité. Il se rendit dans la cuisine et ouvrit l’armoire qui contenait ce qui allait sûrement pouvoir atténuer cette colère et cette souffrance. Il avait l’embarras du choix : rhum, whisky, liqueur, amaretto, gin,…
Sans trop réfléchir, il s’empara de la bouteille de whisky et s’en servit un verre. Il jeta un œil au liquide ambré puis lâcha tout haut d’un ton mi-las mi-enervé :
- Et merde !
Il porta le verre à ses lèvres, but cul-sec son contenu et s’en resservit un autre.
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