Chapitre 11

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Nina vient de terminer ses explications.

 -  Je te crois.

Ces mots sortent de ma bouche presque instinctivement, sans que je ne les contrôle. Quant à Nina, elle pousse un soupir de soulagement avant de me répondre :

 -  Merci. Je sais que c’est compliqué à accepter mais c’est la vérité. Aussi folle qu'elle puisse être.

Pendant quelques minutes, aucun de nous deux ne parle. Dans notre situation, cette petite bulle de silence est ce qui pourrait le plus se rapprocher d’une quelconque intimité. Chacun est plongé dans ses pensées, dans ses souvenirs sans être dérangé par l’autre. Nous profitons du paysage autour de nous, le lac, le léger murmure de l’eau contre ses rives, les arbres, le chant des oiseaux, ... Le soleil commence à décliner.

 -  Tu peux me poser toutes les questions que tu veux. Moi, je ne t’en poserai plus si tu n’en as pas envie, déclare Nina. D’ailleurs, je m’excuse une nouvelle fois de t’avoir autant poussé tout à l’heure, ce n’était pas correct.

 -  C’est pas grave. Je n’ai pas très bien agi non plus en hurlant et en te parlant comme je l’ai fait.

 -  Alors c’est match nul, me répond-elle.

Je dessine un petit sourire sur mon visage. On pourrait effectivement considérer ça comme un match nul. Je ne connais Nina que depuis quelques heures mais j'ai rapidement compris qu’elle devait être un sacré personnage dans son ancienne vie.

Dorénavant, j’ai le feu vert pour lui poser toutes les questions que je veux. Mais je suis épuisé et totalement perdu. Quelles que soient les questions que je lui pose, ses réponses ne m’apporteront aucun réconfort, aucune once d’espoir. Je me demande seulement ce que je dois faire. Suis-je prêt à me souvenir de l’évènement qui a causé ma mort ? En d’autres termes, suis-je vraiment prêt à "partir" ? Je ne pense pas l'être vu ma réticence à parler de mon ancienne vie et des souvenirs qui l’accompagnent. Je soupire et décide de ne plus me focaliser sur ces questions. Je n'ai plus envie de penser à tout ça pour le moment. A part me rendre plus déprimé et incertain quant à la meilleure chose à faire, ça ne me servira à rien. J'aurai tout le temps de m'y intéresser un peu plus tard.

Pour le moment, et dans l’espoir de nous changer les idées, je décide de poser une question plus personnelle à Nina, sans rapport avec notre condition de statue.

 -  Et toi, qui étais-tu avant ? Si ça ne te dérange pas d'en parler bien sûr.

Nina sourit.

 -  Ca ne me dérange pas du tout. J’étais étudiante en littérature. J’avais 20 ans. Mes projets d'avenir n'étaient pas très clairs mais je savais que je voulais travailler dans une maison d’édition ou bien devenir professeur de français. Mes parents ont été géniaux et m’ont poussé à poursuivre cette envie qui m’animait de faire des études. La plupart de mes amies n’ont pas eu cette chance. A 20 ans, elles étaient presque toutes mariées ou fiancées. Une dentre elles était même déjà tombée enceinte. Leur destin à toutes se résumait à entretenir leur maison pour leur mari et enfants. Je ne voulais pas ça. Je voulais être une femme libre et indépendante. Le mariage était loin de faire partie de mes priorités.

Nina soupire. Elle me regarde et esquisse un sourire. Malgré tout, je ne suis pas dupe. Dans ses yeux transparait un immense sentiment de tristesse.

Elle avait 20 ans. Elle était encore une enfant lorsqu’elle s’est retrouvée ici. Je comprends maintenant la raison pour laquelle elle a passé tant d'année enfermée dans cette statue. Elle n’est tout simplement pas prête à accepter son sort ce qui compréhensible pour une jeune fille de cet âge dont la vie et les projets ont brusquement pris fin. Elle a beau prétendre le contraire et dire s'être faite à cette "vie" de statue, je ne la crois pas.

A entendre son récit, je me sens vraiment égoïste. Je ne fait que me plaindre de mon sort à longueur de temps alors qu'elle a eu beaucoup moins de chance que moi.Certes je ne suis pas beaucoup vieux qu’elle - notre différence d'âge est de 8 ans - mais 8 années dans une vie, c’est plus que ce qu’on ne croit. On peut accomplir d’incroyables choses en 8 ans. J’ai eu la chance de profiter de toutes ces années. Pas Nina.

Nous avons continué à discuter et à apprendre à nous connaitre. Au fur et à mesure du temps qui passait, nous sommes devenus amis. La grande différence qui subsistait toujours entre Nina été moi était le fait que je ne cachais pas mon envie de me libérer un jour ou l'autre. Nina, par contre, ne faisait que ce voiler la face en affirmant le contraire.

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