Semaine 2.6 - Dreamland's Murder
Célia, complètement horrifiée, crie comme un cochon égorgé. Les braillements du jeune homme se poursuivent longtemps sans qu'aucun de ses deux camarades ne bougent. Ils sont pétrifiés face au spectacle qui se joue devant eux. Calen tombe à genou, les mains sur le visage. Les flammes envahissent déjà son torse et sa peau devient brune. Il s'effondre, se tortille. Ses hurlements résonnent toujours mais s'affaiblissent. Bientôt, il ne bouge plus.
Célia, grande gueule
- C'était juste trop affreux de voir Calenou gigoter par terre. Trop trop trop trop affreux.
Maxime est le premier à reprendre ses esprits. Il allume le robinet et jette un verre d'eau sur le corps fumant de Calen. Célia bondit, les yeux écarquillés.
- Une bête !
En effet, un petit bourdon est entré par la fenêtre et bourdonne autour du barbu. La jeune femme lâche un cri, attrape le premier objet lourd lui passant sous la main et le lance vers Maxime. Le choc entre l'extincteur et sa poitrine produit un son sourd, puissant. Ses poumons se vident violemment de tout l'air contenu. Ses côtes se brisent en un bruit sec. A son tour, Maxime tombe. Son corps s'écrase sur celui de Calen.
Célia ouvre la bouche, stupéfaite, puis baisse les bras, déçue.
- Je l'ai pas eue.
Elle plisse le front et donne un coup de pied dans les côtes de Maxime. Le corps bouge mollement. La tête roule sur son épaule et sa mâchoire se débloque, dévoilant des incisives brisées. Un fin filet de sang coule à la commissure de ses lèvres.
- Eh oh ?
Célia s'accroupit. Elle repousse le barbu, prend son compagnon par les épaules et le secoue.
- Eh oh !
La brune s'immobilise.
- Calen ? Calenou ? Réveille-toi Calenou.
Le cadavre carbonisé n'est pas beau à voir. La peau de ses joues est sèche comme du parchemin et on devine par endroit les os de sa mâchoire, la chair ayant fondu. De sa tignasse auparavant bien fournie, il ne reste que quelques touffes éparses. Célia avance une main pour le toucher mais hésite et la retire.
- Calenou, réveille-toi...
Quelques larmes audacieuses quittent ses yeux et la jeune femme se relève en un bond.
- Mon maquillage !
Elle court vers la salle de bain. Ses doigts agrippent convulsivement le mascara. Les mains tremblantes, Célia applique une nouvelle couche sombre sur ses cils. Elle bat les paupières, vérifiant l'effet donné dans le miroir. Satisfaite, la jeune femme s'appuie sur le lavabo. Son cœur palpite.
- Putain de mal de crâne.
Célia peste alors qu'elle cherche des cachets. Les siens sont introuvables. Elle a besoin d'aspirine. Elle en veut. Décidant qu'une morte ne peut pas lui en vouloir, la brune fouille dans les affaires de Sarah. Triomphante, elle lève en l'air un petit sac plastique plein de cachets blancs.
- Succès !
Elle en pioche deux au hasard tout en quittant la salle de bain. Agrippant un verre au passage dans la cuisine, Célia glisse les anti-douleurs sur sa langue puis les avale avec une grande gorgée d'eau. Elle grimace.
- Beurk. Ils sont dégueux tes aspirines Sarah ! Je me vengerai !
La jeune femme s'assoit à même le sol entre le corps de Calen et celui de Maxime. Elle les observe. Les analyse. Un gloussement s'échappe de ses lèvres. Plaquant une main sur sa bouche, l'air coupable, elle éclate de rire. Un rire profond, bestial même. Un rire qui coule entre ses doigts pour rebondir sur le carrelage. Célia voit un large sourire décorer le visage de son ami. Ses dents sont d'un blanc éclatant au milieu de cette peau noire. Lui aussi rit, ce qui ajoute à l'hilarité de la jeune femme.
Avec difficulté, elle se relève. Sa main appuie sur le comptoir, elle tient difficilement debout. Son cœur bat fort, elle trouve ça drôle. Dehors, la lumière est belle. Le ciel est illuminé de mille couleurs. Célia songe que c'est magnifique. Elle veut voir tout ça de plus près. Titubant légèrement, elle parcourt la cuisine, ouvre la grande porte-fenêtre et arrive sur la terrasse. Là, elle lève la tête, un rictus heureux sur le visage. Ses bras se dressent au-dessus d'elle. C'est si beau. Elle veut toucher. Elle veut sentir. Elle veut vivre comme la lumière.
Les mains vers le ciel, Célia tourne sur elle-même, entamant une sorte de danse tribale. Elle rit, toujours plus. Le son l'amuse au plus haut point.
- Célia ?
Elle s'interrompt. Décrochant son regard des nuages colorés, la jeune femme observe celui qui approche. Elle s'écrie, le visage resplendissant :
- Calenou !
Sans regarder où elle met les pieds, elle court le rejoindre. Il est là, il l'attend de l'autre côté du jardin. Elle éclate de rire. Elle veut le voir. Elle veut le toucher. Elle veut le sentir. Elle veut vivre avec lui. Elle tend les bras dans sa direction.
Non loin du jacuzzi, elle trébuche sur la petite rangée de cactus qui orne exotiquement l'endroit. Ayant perdu tout sens de l'équilibre, Célia s'effondre en avant. Ses mains heurtent le rebord de la piscine et sa tête entre dans l'eau. Dans son hilarité, elle ne pense même pas à prendre appui et continue à rire. De grosses bulles quittent sa bouche et elle adore le contact avec sa joue, c'est tout doux, ça chatouille.
Puis, finalement, elle ne bouge plus.
Après un court moment, la caméra reprend du mouvement. Elle fait un large plan sur les trois corps de la piscine : celui de Sarah, gonflé par l'eau, sa peau blafarde, ses cheveux toujours lumineux ; celui de Saskia, qui regarde le ciel, la bouche grande ouverte, les yeux pleins d'un effroi silencieux et immortel; celui de Célia, dont seule la tête est plongée dans le jacuzzi.
Le plan suivant montre le cadavre déchiqueté de Framby, méconnaissable si ce n'est la gourmette qu'il porte à sa main gauche, celle toujours attachée au reste du corps. La caméra entre ensuite dans la cuisine, où Calen et Maxime gisent. Ce dernier est couvert de sang, sa tête s'est ouverte quand il est tombé, la flaque a même atteint le premier, dont le haut du corps n'est plus que charbon humain.
Nos six participants sont venus ici vivre une vie paradisiaque mais elle fut infernale. Célia, Calen, Framby, Saskia, Maxime, Sarah. Tous sont morts aujourd'hui, sous nos caméras.
La semaine prochaine, nous verrons nos deux nouvelles candidates, Appollona et Axelle, apprendre à gérer leur isolement en s'entraidant malgré l'animosité qui les possède.
Dreamland ! Quand le rêve tourne au cauchemar…
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