Semaine 11.3 - A la recherche du prince Phasaël
La princesse ferma les yeux, serra les dents pour ne pas lâcher un nom d'oiseau. Elle resta immobile le temps de quelques respirations afin de s'assurer qu'elle pourrait parler sans crier. Quand elle ouvrit les paupières, elle remarqua que les deux princes la fixaient. Si elle n'avait pas été si énervée, elle les aurait trouvés mignons, serrés l'un contre l'autre, craignant une explosion de sa part et se soutenant mutuellement.
- Pourquoi ? Qu'est-ce que tu as fait ?
- Lisban était avec moi, quand le roi m'a capturé, Okmet. Puis, il a essayé d'interférer auprès de lui pour me faire libérer mais ça n'a fait que provoquer une colère plus importante encore.
Lisban leva leurs mains jointes.
- Mon père n'est pas très ouvert sur ce genre de choses. Ça, plus le fait que Phasaël est le fils de ses rivaux...
Okmet se mordit la langue. Oui, ça n'arrangeait pas la situation. D'un geste de la main, elle écarta momentanément ce soucis. Il serait toujours temps de le gérer plus tard. Pour l'instant, l'urgence était de faire évader Phasaël. Elle se laissa glisser contre le mur avant de s'asseoir au sol, ignorant l'humidité perçant sa tunique. Ses yeux se posèrent sur le couple, toujours droit. Elle soupira.
- Vous pouvez vous installer, vous savez. Je ne vais pas vous tuer.
Ce fut comme si la tension quittait leurs corps. Ils s'effondrèrent sur la mince couchette.
- Du moins pas encore, ajouta la princesse.
Phasaël émit un rire nerveux, comme s'il hésitait à la prendre au sérieux. Lisban était assis sur le bord du matelas, posant à peine son postérieur sur la toile sale afin de pouvoir se lever le plus rapidement possible. Son regard allait et venait entre Okmet, Phasaël et la porte. Sa main triturait spasmodiquement le fourreau de la petite lame d'ornement attachée à sa ceinture. La jeune femme décida de ne pas lui indiquer qu'elle lui serait inutile si elle l'attaquait. Il était déjà suffisamment agité ainsi.
- Comment te faire sortir d'ici, Phasaël ? Cet étage est vraiment bien gardé, tu ne pourras pas passer.
Lisban leva la main. Un peu amusée bien qu'elle le cachât, Okmet lui signifia d'un geste du menton qu'il pouvait parler.
- Ce soir a lieu une fête au château. Les soldats sont réquisitionnés dans les salles de bal et de buffets afin de veiller la sécurité des invités... Il y en aura peu par ici.
Okmet ouvrit la bouche, agréablement surprise.
- Enfin une bonne nouvelle ! Nous avons donc une sécurité réduite. Et... ça va, Phasaël ?
Son frère était pâle. Elle n'en revenait pas de ne pas l'avoir remarqué plus tôt. Il chancelait légèrement, comme si se tenir droit lui demandait une énergie qu'il n'avait pas. Lisban se tourna brusquement vers lui, le visage soucieux. Il passa doucement le bout de ses doigts sur le bras du jeune homme.
- Tu devrais manger, Phasaël. Tu n'as rien avalé depuis hier...
L'autre lui adressa un sourire faible qui acheva de l'inquiéter. Lisba se retourna, prit l'assiette qu'il avait apportée plus tôt et la lui mit de force entre les mains.
- Mange, ordonna-t-il. Ne m'oblige pas à te nourrir bouchée par bouchée.
Phasaël leva les yeux au ciel mais il semblait plus amusé qu'offusqué par cette démonstration d’autorité. Il saisit diligemment la fourchette, prit un morceau de jambon, le porta à ses lèvres. Il le mâcha avec soin avant de déglutir.
- Content ?
Lisban ne put réprimer un sourire.
- Continue et je le serai.
Okmet se racla la gorge, rappelant soudainement son existence aux garçons qui rougirent.
- Vous êtes mignons, vous savez, mais on ne va pas sortir d'ici ainsi. Mais merci, Lisban, de t'occuper de mon frère.
Phasaël retint un éclat de rire devant la mine dépitée de sa sœur. Son visage reprenait des couleurs humaines.
- C'était dur à dire, hein ?
Ils finirent par trouver un plan raisonnable. Phasaël vêtirait la cape du sorcier Zlitchbrunn afin de quitter le château sans être vu. Okmet, elle, changerait ses vêtements typiques du royaume de Njäd pour la tunique courte et la culotte ocre de celui de Dazzle. Lisban l'aiderait à sortir en passant par une des portes dérobées, celle qu'empruntait le personnel de cuisine. La jeune femme dut admettre que l'idée était bonne.
De fait, tout se déroula sans soucis. Phasaël partit le premier afin de revenir les prévenir si quelque chose avait changé par rapport au plan initial. Pendant ce temps, Okmet se changea. Lisban se retourna, le visage en feu. La princesse rit de sa gêne. Après tout, elle n'était pas nue, juste en dessous, mais il répondit que ça ne changeait pas grand chose, et elle en convint. Toujours amusée, elle lui indiqua enfin qu'il pouvait ouvrir les yeux. La culotte était légèrement trop lâche au niveau de la taille mais heureusement la tunique couvrait la ceinture.
La salle de gardes des cachots étaient vide, ces derniers ayant probablement été appelés plus haut. Le premier signe de vie qu'ils croisèrent fut un groupe d'enfants courant dans l'un des petits salons, puis ils virent une jeune cantatrice échauffant sa voix près d'une fenêtre. Par la suite, plusieurs dizaines de valets les saluèrent alors qu'ils descendaient vers les cuisines. Un cuisinier les retint, reconnaissant le prince et le cœur d'Okmet s'arrêta un instant. Mais il les laissa passer près que Lisban eut prétexté une envie d'air frais. Apparemment, il devait le demander souvent car cela ne perturbait personne.
Le vent frappa la jeune femme et elle en avala une goulée froide. Ah, le bonheur. La liberté. Elle remarqua que sa main était toujours posée sur le bras de Lisban quand ce dernier vibra. Elle ouvrit les yeux et recula d'un pas. Il riait. Alors qu'Okmet lui demandait la raison, le prince ne répondit rien, se contentant de reprendre leur chemin, les mains croisées dans le dos. Sa compagne le suivit en levant les yeux aux ciel.
- Tête de nœud, marmonna-t-elle.
Elle fondit pourtant en voyant Lisban et Phasaël si heureux de se retrouver, bien qu’ils n’aient été séparés que durant un court laps de temps. Lisban ayant l’air sincèrement ravi de la liberté retrouvée de son ami, Okmet révisa son jugement à son propos. Ils durent pourtant se séparer, les héritiers de Njäd devant rassurer leurs parents et celui de Dazzle reprendre sa place auprès de son père. La route du retour fut vite parcourue et les retrouvailles tendres. Le roi et la reine s'échauffèrent en entendant quel sort leur voisin avait réservé à leur fils mais ce dernier les tempéra, estimant que les tensions entre les deux royaumes étaient déjà suffisamment présentes.
Les mois passèrent. Sous la calme impulsion des princes Lisban et Phasaël, les relations s'apaissèrent, tant et si bien que leurs peuples respectifs fêtèrent ensemble leur union, des années plus tard. Le couple poursuivit son œuvre bienfaitrice, invariablement épaulé par la princesse Okmet qui développa son amitié avec le curieux sorcier Zlitchbrunn.
Puis la vie coula, heureuse pour tous.
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