Semaine 12.2 - J'ai fait un rêve
Je rêve d'un monde sans guerre. Je rêve que les conflits soient réglés diplomatiquement, que chacun écoute et respecte ce que l'autre a à dire, que les gens comprennent que les mots résolvent mieux que les combats, et avec moins de dégâts.
Je rêve qu'on se réveille à propos de l'avenir de la Terre. On la tue, les gens, or, c'est notre planète, notre seul et unique chez nous. En la tuant, on se suicide, et on condamne les générations suivantes alors qu'elles n'ont rien demandé. Je rêve que les gens se lèvent tous pour agir, qu'ils saisissent que c'est notre affaire à tous, pas juste une histoire des jeunes débiles. Oui, on se soulève. Oui, on sort dans la rue, on proteste. Mais qui le fera à notre place ? On est jeunes, certes, pourtant c'est notre monde, et vous savez quoi ? On va devoir y rester plus longtemps que vous les plus âgés. Alors il faut agir. Il faut qu'on bouge nos culs car vous ne l'avez pas fait assez tôt et maintenant des mesures doivent être prises. Je rêve que les gouvernements adoptent une politique environnementale ambitieuse et commune, car la planète n'appartient pas à un pays mais à nous tous, le peuple humain, et soigner un poumon ne va pas sauver un corps gravement malade. J'en ai marre de voir les pronostics. Et j'en ai par-dessus tout marre de voir qu'il y a toujours des personnes pour ne rien faire, pour dire que les autres agiront pour eux, voire même n'y croient pas.
Je rêve que tout le monde soit égal. Qu'il n'y ait pas les noirs d'un côté, les blancs de l'autre, les jaunes autre part. On est humains. C'est tout ce qui importe. On devrait tous être ensemble. Je rêve qu'il n'y ait plus de pauvres, parce qu'on a largement les moyens d'entretenir tout le monde. A quel moment un millionnaire a besoin d'autant d'argent ? Après tout, nous on vit bien avec énormément moins. Les richesses devraient être bien mieux réparties. Les gens devraient oser aider ceux qui vivent dans la rue, ceux qui ne peuvent pas s'occuper d'eux, ceux qui n'ont pas les moyens de vivre, à peine ceux de survivre. Je rêve que les organisations pour les épauler fleurissent et que tous s'y engagent. Qu'il existe de véritables aides financières et sociales pour ces gens dans le besoin.
Je rêve qu'il n'y ait plus de maltraitance. Plus de maltraitance animale, plus d'abandon chaque été, ou au premier problème. Plus de maltraitance infantile. Non mais franchement, à quel moment on s'en prend à un enfant, vous m'expliquez ? Genre, un petit être fragile. À quel moment on peut être assez malade pour croire que ça peut régler quoique ce soit ? Je rêve que chaque enfant dans le besoin puisse être aidé efficacement. Je rêve que chaque femme battue puisse vivre. Qu'elle n'ait pas à attendre des mois pour être finalement rejetée, comme si sa vie ne comptait pour rien. Si une femme arrive à une telle extrémité, celle de porter plainte, si elle a le courage de le faire, à quel moment peut-on lui dire qu'elle n'a pas raison de le faire ? Que c'est inutile ? À quel moment peut-on la laisser sortir, l'obliger à retourner vers ce compagnon violent ? Vers celui avec qui elle se sent menacée ? Quand allons-nous comprendre qu'une femme qui meurt sous les coups de son mari, ce n'est pas normal ? Qu'elle doit être prise en charge dès qu'elle le signale ? Je rêve que plus aucune ne meurt, car toutes auront été aidées. Car l'éducation des jeunes gens aura changé de façon à ce que tous sachent qu'on ne frappe pas. Et j'évoque ici le cas des femmes, le plus connu, le plus terrible de part le nombre de victimes, mais il existe aussi des hommes battus. Ce n'est pas moins terrible. Et non, ce n'est pas une faiblesse que d'être battu. Ce n'est pas notre faute. Ce n'est pas votre faute si c'est le cas. Et qu'une femme frappe son mari est tout aussi inacceptable que le contraire. Je rêve que tout ça s'arrête.
Dans la même fibre, je rêve que les viols arrêtent. Que les jeunes -et moins jeunes- gens sachent qu'on ne prend pas de force quelqu'un, que ce quelqu'un soit un inconnu total ou son conjoint. On ne force pas quelqu'un à avoir une relation sexuelle. Je rêve que quand une fille se fait violer, quand elle trouve le courage de porter plainte, les premières remarques ne soient pas qu'elle l'a chargé, vu sa jupe. Non, personne ne cherche à se faire violer. Faut être vraiment con pour le croire. Je rêve que tout le monde puisse s'habiller comme il le veut sans que cela soit une menace. J'ai dix-huit ans. A chaque fois que je sors, j'ai peur d'avoir des remarques. La première fois, j'avais tout juste onze ans. Un trentenaire bourré m'a demandé si je voulais m'asseoir sur lui. Il était au coin de ma rue, non loin de la gare, sur un banc qui depuis a été enlevé. J'étais obligée de passer devant lui. Alors j'ai détourné le regard, j'ai fait comme si je n'entendais pas ses paroles, cette question qu'il répétait plus fort, les “salope” qu'il m'envoyait car je ne disais rien. J'avais onze ans, putain. J'étais terrifiée. Je n'ai jamais rien dit. J'avais honte. HONTE. Comme si ça avait été ma faute si un gars s'était ainsi adressé à moi. Comme si mes parents allaient m'en vouloir. Comme si je l'avais cherché. Ca a recommencé, au fil des ans. Il fut une période où je ne portais plus que les vêtements les plus larges que j'avais pour cacher mes formes. Pour ne pas tenter. À quel moment est-ce normal ? J'essaie de vivre. J'essaie d'être comme ces jeunes hommes que j'envie tant. Eux n'ont pas à se soucier du tee-shirt qui colle trop à leurs pectoraux, parce qu'eux ne craignent pas qu'on les agresse. Moi, je fais encore attention à ce que je mets. Je ne veux pas tenter. Dans le train, je préfère me mettre près de femmes, près de famille. Dans la rue, sur les quais, j'essaie de ne croiser aucun regard. Pour que ça ne soit pas interprété par le premier con venu comme une invitation. Je rêve de ne plus avoir peur. De ne plus sentir mon cœur palpiter quand je croise un homme, bouteille à la main. Quand des yeux se posent avec insistance sur mes fesses, sur mes seins. Je rêve de ne plus craindre d'être agressée. Et je rêve que personne n'ait à le craindre. Jusqu'à présent, j'ai eu de la chance. Je n'ai jamais eu que des remarques. C'est effrayant. Réellement. Seules celles qui en ont été victimes savent à quel point on a peur. Car répondre est hors de question, mais qui sait ce qui se passera si on se tait ? Si on n'agit pas ? Et pourtant, que peut-on faire, si ce n'est poursuivre notre chemin en espérant de tout notre cœur que rien ne nous arrivera ? Jusqu'à présent, oui, j'ai eu de la chance. On ne m'a jamais touchée. On ne m'a jamais violée. J'ai eu cette chance jusqu'à présent. Mais qui sait ce qui arrivera. Et ce ne sera pas ma faute. Et j'espère que si ça arrive, j'aurais le courage et la ténacité de le dire. Je sais que c'est arrivé à tant de personnes. Que tant de personnes ont été victimes d'un viol. Que tant de personnes ont subi sans pouvoir rien faire. Mais ce n'a jamais été leur faute. Je rêve que cela n'arrive jamais. Je rêve que tout cesse. Je rêve de pouvoir mettre un tee-shirt un peu décolleté sans cette peur sourde qui palpite, cette peur qui me dit que peut-être cet homme qui vient de me croiser, cet homme qui a regardé mes seins sans accorder un coup d’œil à mon visage, cet homme qui vient de me dépasser, peut-être cet homme reviendra pour m'agresser.
Je rêve que nous soyons toutes et tous en sécurité.
Je rêve de beaucoup de choses, je vous l'avais dit.
Je rêve surtout que ça soit vrai.
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