L’Apprentissage de la Gardienne
L'aube pointait à peine à l'horizon lorsque Sarah ouvrit les yeux. Elle avait passé une nuit agitée dans la vieille cabane, son sommeil peuplé de cauchemars où son double la poursuivait à travers un labyrinthe de miroirs brisés. Le grimoire que lui avait confié M. Crowley reposait sur ses genoux, ouvert à la première page.
Sarah se redressa, grimaçant alors que ses muscles endoloris protestaient. Elle jeta un coup d'œil par la fenêtre crasseuse de la cabane. La forêt était silencieuse, enveloppée dans la brume matinale. Pour l'instant, elle semblait en sécurité.
Prenant une profonde inspiration, Sarah reporta son attention sur le grimoire. Les pages jaunies étaient couvertes d'une écriture serrée et de diagrammes complexes. Certains passages étaient en anglais, d'autres dans une langue ancienne qu'elle ne reconnaissait pas.
"Par où commencer ?" murmura-t-elle, se sentant soudain submergée par l'ampleur de la tâche qui l'attendait.
Comme en réponse à sa question, le médaillon à son cou se mit à chauffer doucement. Sarah le sortit de sous son t-shirt, surprise de le voir briller d'une faible lueur bleutée. Les symboles gravés sur sa surface semblaient pulser au rythme de son cœur.
Guidée par une intuition qu'elle ne s'expliquait pas, Sarah approcha le médaillon des pages du grimoire. À sa grande surprise, les symboles sur le médaillon commencèrent à s'aligner avec ceux du livre, formant des motifs complexes qui semblaient prendre vie sous ses yeux.
Soudain, les mots sur la page, auparavant incompréhensibles, devinrent clairs comme de l'eau de roche. Sarah se plongea dans la lecture, absorbant avidement les connaissances transmises par ses ancêtres.
Le grimoire parlait de l'histoire des Blackwood, de leur rôle de gardiennes, et des pouvoirs qui leur étaient conférés. Sarah apprit qu'elle pouvait manipuler les reflets, créer des illusions, et même voyager à travers les miroirs. Mais ces dons venaient avec un prix : plus elle utiliserait ses pouvoirs, plus son double maléfique deviendrait fort.
Les heures passèrent, Sarah ne quittant le grimoire des yeux que pour pratiquer les exercices décrits dans ses pages. Elle apprit à concentrer son énergie dans le médaillon, à créer de petites illusions dans les reflets d'une flaque d'eau près de la cabane.
Alors que le soleil atteignait son zénith, Sarah décida de s'aventurer hors de la cabane pour trouver de la nourriture. Elle savait qu'un ruisseau coulait non loin, et espérait y trouver des baies comestibles.
Alors qu'elle se penchait pour boire au ruisseau, Sarah aperçut son reflet dans l'eau claire. Pendant un instant, elle crut voir son double lui sourire d'un air narquois. Elle recula brusquement, le cœur battant.
"Ce n'était qu'une illusion", se dit-elle, essayant de se calmer. Mais au fond d'elle-même, Sarah savait que ce n'était pas le cas. Son double la traquait, attendant le bon moment pour frapper.
De retour à la cabane, Sarah reprit son étude du grimoire avec une détermination renouvelée. Elle devait être prête pour l'affrontement final.
Le deuxième jour, Sarah commença à maîtriser des techniques plus avancées. Elle apprit à créer des portails temporaires entre deux miroirs, à détecter la présence d'entités maléfiques, et même à repousser les attaques psychiques de son double.
Mais chaque progrès avait un coût. À mesure que ses pouvoirs grandissaient, Sarah sentait une présence sombre grandir en elle. Son double devenait plus fort, plus audacieux dans ses tentatives pour la localiser.
Sarah passa des heures à méditer, essayant de renforcer ses défenses mentales comme le grimoire le lui enseignait. Elle visualisait son esprit comme une forteresse, érigeant des murs de lumière pour repousser les ténèbres qui cherchaient à s'infiltrer.
Pendant une de ces séances de méditation, Sarah eut une vision troublante. Elle se vit dans la maison de sa grand-mère, face à son double. Mais cette fois, ce n'était pas elle qui était effrayée. C'était son double qui semblait terrifié, reculant devant une Sarah rayonnante de pouvoir et de confiance.
Cette vision donna à Sarah un regain d'énergie. Elle redoubla d'efforts dans son entraînement, déterminée à faire de cette vision une réalité.
La nuit du deuxième jour, alors que Sarah dormait d'un sommeil agité, elle fut réveillée par un bruit de verre brisé. Elle se redressa brusquement, le cœur battant la chamade.
Dans le miroir brisé du petit meuble de toilette de la cabane, elle vit le visage de son double, souriant d'un air triomphant.
"Je t'ai trouvée, Sarah", susurra la voix glaciale de son reflet maléfique. "Tu ne peux pas te cacher éternellement."
Sarah bondit hors du lit, saisissant le médaillon d'une main tremblante. Elle ferma les yeux, se concentrant sur les techniques de protection qu'elle avait apprises.
Une vague d'énergie jaillit du médaillon, repoussant la présence maléfique. Le miroir explosa en mille morceaux, plongeant la cabane dans un silence pesant.
Sarah s'effondra au sol, haletante. Elle avait réussi à repousser son double, mais pour combien de temps ?
Le troisième jour se leva, apportant avec lui la promesse de l'éclipse à venir. Sarah savait qu'elle n'avait plus le temps de se cacher. Elle devait retourner à la maison de sa grand-mère, affronter son double, et refermer le portail une fois pour toutes.
Mais avant de partir, Sarah décida de tenter une dernière expérience. Le grimoire parlait d'une technique avancée permettant de communiquer avec les esprits des anciennes gardiennes. C'était risqué, mais Sarah savait qu'elle aurait besoin de toute l'aide possible pour ce qui l'attendait.
Elle disposa des bougies en cercle autour d'elle, comme indiqué dans le grimoire. Puis, tenant le médaillon devant elle, elle commença à réciter l'incantation ancienne.
Au début, rien ne se passa. Puis, lentement, la pièce commença à se remplir d'une brume argentée. Des silhouettes fantomatiques apparurent, entourant Sarah. Elle reconnut sa grand-mère, Eleonor, mais aussi d'autres femmes qu'elle n'avait jamais vues, portant des vêtements d'époques différentes.
"Sarah", dit la voix douce de sa grand-mère. "Nous sommes fières de toi. Tu as déjà parcouru un long chemin."
"Mais le plus dur reste à venir", ajouta une autre voix, celle d'une femme portant une robe du 19ème siècle. "Ton double est plus puissant que tous ceux que nous avons affrontés auparavant."
"Comment puis-je le vaincre ?" demanda Sarah, la voix tremblante.
"Tu dois comprendre que ton double n'est pas séparé de toi", expliqua une troisième gardienne. "Il est une partie de toi-même que tu as rejetée, niée. Pour le vaincre, tu dois l'accepter, l'intégrer."
Sarah fronça les sourcils, perplexe. "Mais comment puis-je accepter quelque chose d'aussi maléfique ?"
Sa grand-mère s'avança, son visage empreint de sagesse et de compassion. "Le bien et le mal ne sont pas des entités séparées, ma chérie. Ils coexistent en chacun de nous. En acceptant ta part d'ombre, tu deviendras plus forte, plus complète."
Les silhouettes commencèrent à s'estomper, la brume argentée se dissipant. "Souviens-toi, Sarah", dit la voix de sa grand-mère, de plus en plus lointaine. "Tu as en toi tout ce dont tu as besoin pour réussir. Aie confiance en toi, en ton héritage."
Puis, aussi soudainement qu'elles étaient apparues, les gardiennes disparurent, laissant Sarah seule dans la cabane silencieuse.
Elle resta assise un long moment, réfléchissant aux paroles des anciennes gardiennes. Accepter sa part d'ombre... L'idée la terrifiait, mais au fond d'elle-même, Sarah savait que c'était la clé.
Alors qu'elle rassemblait ses maigres possessions et se préparait à quitter la cabane, Sarah entendit un bruit de pas à l'extérieur. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Était-ce son double qui l'avait finalement retrouvée ?
La porte de la cabane s'ouvrit lentement, grinçant sur ses gonds rouillés. Sarah se tenait prête, le médaillon brillant d'une lueur intense entre ses mains.
Mais ce n'était pas son double qui se tenait dans l'embrasure de la porte. C'était M. Crowley, le visage marqué par l'inquiétude et l'épuisement.
"Sarah", dit-il d'une voix rauque. "Dieu merci, tu es en vie."
Sarah se précipita vers lui, soulagée de voir un visage ami. Mais sa joie fut de courte durée lorsqu'elle vit l'expression grave du vieil homme.
"Qu'est-ce qui ne va pas ?" demanda-t-elle, redoutant la réponse.
M. Crowley secoua tristement la tête. "Ton double... elle a pris le contrôle de la ville. Les gens... ils ne sont plus eux-mêmes. C'est comme si leurs propres reflets maléfiques avaient pris le dessus."
Sarah sentit un frisson glacé parcourir son échine. La situation était pire qu'elle ne l'avait imaginé.
"Comment m'avez-vous trouvée ?" demanda-t-elle, soudain méfiante.
Le visage de M. Crowley s'adoucit. "Ta grand-mère m'avait parlé de cet endroit, il y a longtemps. Elle savait que tu pourrais t'y réfugier un jour."
Il sortit de sa poche un petit objet brillant. Sarah reconnut le miroir de poche qu'il lui avait donné à la bibliothèque.
"J'ai utilisé ceci pour te localiser", expliqua-t-il. "C'est un artefact ancien, capable de trouver ceux qui portent le sang des Blackwood et après ton départ de la bibliothèque, j'ai récupéré un fragment du miroir brisé où ton double était apparu. Ces deux objets résonants avec ton essence m'ont permis de te retrouver. Mais regarde..." Il lui montra les fissures qui parcouraient la surface. "Son dernier usage l'a presque détruit. Il nous faudra attendre la prochaine pleine lune pour le restaurer."
Sarah hocha la tête, rassurée. Puis elle remarqua une coupure sur la joue de M. Crowley, et des ecchymoses sur ses mains.
"Que s'est-il passé ?" demanda-t-elle, inquiète.
Le vieil homme grimaça. "Ton double a envoyé ses sbires à ma recherche. J'ai dû me battre pour m'échapper. Mais ne t'inquiète pas pour moi, je suis plus coriace qu'il n'y paraît."
Il sortit de son sac un vieux livre relié de cuir. "J'ai réussi à sauver ceci de la bibliothèque avant qu'elle ne soit mise à sac. C'est un grimoire ancien qui pourrait nous être utile."
Sarah prit le livre avec révérence, sentant le poids de l'histoire et du savoir entre ses mains.
"L'éclipse est pour ce soir", continua M. Crowley. "C'est notre seule chance de refermer le portail et de renvoyer ces entités d'où elles viennent."
Sarah hocha la tête, une détermination farouche brillant dans ses yeux. "Alors allons-y. Il est temps d'en finir."
Alors qu'ils quittaient la cabane, se dirigeant vers la ville et l'affrontement final qui les attendait, Sarah ne put s'empêcher de jeter un dernier regard en arrière. La forêt semblait plus sombre, plus menaçante qu'avant. Quelque part, dans les ombres entre les arbres, elle pouvait presque sentir la présence de son double, attendant le moment propice pour frapper.
L'éclipse approchait, et avec elle, le destin de Sarah Blackwood et du monde entier allait se jouer. La jeune gardienne serra le grimoire contre sa poitrine, puisant du courage dans le poids du médaillon autour de son cou.
Sur le chemin vers la ville, M. Crowley lui expliqua le plan qu'il avait élaboré. Ils devaient se rendre à la maison de sa grand-mère, où le portail principal se trouvait. Là, pendant l'éclipse, Sarah devrait affronter son double et refermer le portail en utilisant le rituel décrit dans le grimoire.
"Ce ne sera pas facile", prévint M. Crowley. "Ton double aura l'avantage du terrain, et elle aura probablement rassemblé des alliés."
Sarah acquiesça gravement. "Je sais. Mais je suis prête. Je dois l'être."
Alors qu'ils approchaient de la lisière de la forêt, Sarah s'arrêta brusquement. Elle pouvait voir la ville en contrebas, et ce qu'elle vit lui glaça le sang.
Les rues étaient désertes, un silence inquiétant planant sur les bâtiments. Mais le plus terrifiant était les reflets dans les fenêtres et les vitrines. Au lieu de refléter le monde réel, ils montraient des scènes cauchemardesques, des versions tordues et maléfiques de la réalité.
"Elle a commencé à fusionner les deux mondes", murmura M. Crowley, la voix tremblante. "Si nous ne l'arrêtons pas bientôt, la frontière entre notre monde et celui des reflets disparaîtra complètement."
Sarah serra les poings, sentant une vague de détermination monter en elle. "Alors ne perdons pas de temps. Allons-y."
Ils descendirent vers la ville, chaque pas les rapprochant de l'affrontement final. Sarah savait que les prochaines heures allaient être les plus difficiles de sa vie. Mais elle était prête à affronter son destin, quoi qu'il lui en coûte.
Car elle était Sarah Blackwood, la dernière d'une longue lignée de gardiennes. Et elle ne laisserait pas les ténèbres envahir son monde sans combattre.
Alors qu'ils pénétraient dans les rues désertées de Millbrook, Sarah et M. Crowley avançaient avec précaution, tous les sens en alerte. Les vitrines des magasins reflétaient des images déformées, des visages grimaçants qui suivaient leurs mouvements. L'air lui-même semblait chargé d'électricité statique, comme avant un violent orage.
"Quelque chose ne va pas", murmura Sarah, s'arrêtant net au milieu de la rue principale. "C'est trop calme."
M. Crowley hocha gravement la tête. "Elle sait que nous sommes là. Elle nous attend."
À cet instant précis, comme pour confirmer leurs craintes, les portes et fenêtres des bâtiments s'ouvrirent simultanément. Des silhouettes émergèrent lentement, se déplaçant d'une manière saccadée, presque mécanique. C'étaient les habitants de Millbrook, mais leurs visages étaient vides d'expression, leurs yeux reflétant une lueur argentée inhumaine.
"Leurs doubles ont pris le contrôle", souffla M. Crowley, reculant instinctivement.
Les habitants possédés s'avançaient vers eux, formant un cercle de plus en plus étroit. Sarah sentit la panique monter en elle, mais se força à rester calme. Elle ferma les yeux, se concentrant sur le médaillon qui pendait à son cou. Elle pouvait sentir son pouvoir, une énergie pure qui vibrait en résonance avec son propre cœur.
"Restez derrière moi", dit-elle à M. Crowley, sa voix étonnamment ferme.
D'un geste fluide, Sarah leva le médaillon au-dessus de sa tête. Une vague de lumière bleutée en jaillit, formant un dôme protecteur autour d'eux. Les habitants possédés reculèrent, leurs mains levées devant leurs visages comme pour se protéger de l'éclat.
"Impressionnant", murmura M. Crowley. "Tu apprends vite."
Sarah ne répondit pas, concentrée sur le maintien du bouclier. Ils avançaient lentement à travers la foule hostile, se dirigeant vers la colline où se dressait la maison de sa grand-mère.
Soudain, un rire glacial résonna autour d'eux, semblant venir de partout et de nulle part à la fois. Sarah reconnut immédiatement la voix de son double.
"Bienvenue, Sarah", dit la voix, chargée d'une ironie cruelle. "Je t'attendais. Nous t'attendions tous."
Les reflets dans les vitrines s'animèrent, montrant tous le visage souriant du double de Sarah. Ce sourire n'avait rien d'humain, s'étirant bien trop largement sur un visage qui ressemblait au sien, mais dont les yeux brillaient d'une malveillance pure.
"Tu penses pouvoir me vaincre ?" continua la voix. "Tu n'es rien. Une pâle imitation de ce que tu pourrais être. Regarde-toi, tremblante de peur, te cachant derrière tes petits tours de magie."
Sarah sentit la colère monter en elle, brûlante et intense. Elle aurait voulu répliquer, crier sa rage à ce double arrogant. Mais elle se souvint des paroles des anciennes gardiennes : accepter sa part d'ombre, ne pas la rejeter.
"Je n'ai pas peur de toi", dit-elle d'une voix calme. "Tu es une partie de moi, et je l'accepte. Mais cela ne signifie pas que je te laisserai détruire ce monde."
Le rire s'interrompit brusquement, remplacé par un silence lourd de menace. Puis, la voix reprit, mais cette fois, elle semblait moins assurée.
"Tu ne sais pas ce que tu dis. Tu ne peux pas m'accepter sans devenir comme moi. Et c'est ce que tu crains le plus, n'est-ce pas ? Devenir comme moi."
Sarah ferma les yeux un instant, cherchant la vérité au fond d'elle-même. Oui, elle avait peur. Peur de cette partie sombre en elle, cette colère, cette rage qu'elle avait toujours refoulée. Mais les gardiennes avaient raison : ces émotions faisaient partie d'elle, et les nier ne les faisait pas disparaître.
"Je n'ai pas peur de toi", répéta Sarah, ouvrant les yeux. "Et je te le prouverai ce soir, lors de l'éclipse."
Un vent glacial balaya la rue, faisant claquer les enseignes et gémir les gouttières. La présence maléfique s'était retirée, momentanément.
M. Crowley posa une main sur l'épaule de Sarah. "Tu as été remarquable. Tu as réussi à la déstabiliser."
Sarah hocha la tête, épuisée par l'effort mental qu'elle venait de fournir. "Ce n'était qu'un avant-goût de ce qui nous attend. Continuons."
Ils reprirent leur chemin, les habitants possédés s'écartant sur leur passage, comme repoussés par une force invisible. Sarah pouvait sentir leurs regards vides la suivre, sentir leur haine collective dirigée contre elle.
Alors qu'ils atteignaient le pied de la colline, M. Crowley s'arrêta soudainement, le visage crispé de douleur. Sarah se tourna vers lui, inquiète.
"Qu'y a-t-il ?"
Le vieil homme porta une main à sa poitrine, le souffle court. "Mon cœur... Je ne pense pas pouvoir aller plus loin, du moins pas à ce rythme."
Sarah l'aida à s'asseoir sur un banc, l'inquiétude grandissant en elle. Sans M. Crowley, elle se sentait terriblement seule face à ce qui l'attendait.
"Prenez votre temps", dit-elle. "Nous pouvons nous reposer un moment."
M. Crowley secoua la tête, son visage pâle mais déterminé. "Nous n'avons pas le temps, Sarah. L'éclipse approche. Tu dois y aller seule."
"Non", protesta Sarah. "J'ai besoin de vous, de vos connaissances, de votre aide."
Le vieil homme lui prit la main, la serrant avec une force surprenante. "Tu as tout ce dont tu as besoin, Sarah. Les grimoires, le médaillon, et surtout, le courage et la détermination qui sont les tiens. Je n'ai jamais vu quelqu'un apprendre aussi vite, maîtriser les arts des gardiennes avec une telle aisance."
Il fouilla dans sa poche et en sortit un petit objet brillant. C'était une pierre bleue, montée sur une bague en argent.
"C'était à ta grand-mère", expliqua-t-il. "Elle me l'a confiée avant de mourir, pour que je te la remette le moment venu. Cette pierre est un fragment du premier miroir que les Blackwood ont utilisé pour emprisonner les entités maléfiques. Elle amplifiera ton pouvoir."
Sarah prit la bague, sentant immédiatement une résonance avec le médaillon à son cou. Ensemble, ils formaient un ensemble puissant, une arme contre les ténèbres.
"Merci", murmura-t-elle, glissant la bague à son doigt.
M. Crowley sourit faiblement. "Va maintenant. Je te rejoindrai dès que possible."
Sarah hésita, déchirée entre son désir de rester avec le vieil homme et la nécessité d'affronter son destin.
"Une dernière chose", ajouta M. Crowley. "Ta grand-mère et moi... nous étions plus que des alliés. Beaucoup plus. Je l'aimais, Sarah. Et elle t'aimait plus que tout au monde. Elle savait que ce jour viendrait, et elle avait confiance en toi. Ne doute jamais de cela."
Les larmes aux yeux, Sarah serra une dernière fois la main du vieil homme, puis se leva, tournant son regard vers la maison qui se dressait au sommet de la colline. L'air autour de la bâtisse semblait ondoyer, comme vu à travers une vitre déformante.
"Je reviendrai", promit-elle.
Et sur ces mots, Sarah Blackwood entama l'ascension de la colline, chaque pas la rapprochant de la confrontation finale avec son double. Le soleil commençait à décliner à l'horizon, et bientôt, la lune s'élèverait dans le ciel nocturne, prête à être éclipsée.
La maison semblait l'attendre, sentinelle silencieuse au sommet de la colline. Les fenêtres brillaient d'une lueur étrange, comme si des feux surnaturels brûlaient à l'intérieur. Le vent s'était levé, hurlant entre les branches des arbres centenaires qui bordaient le chemin.
Sarah marchait d'un pas régulier, puisant force et courage dans le poids du médaillon contre sa poitrine et de la bague à son doigt. Elle se sentait étrangement calme, comme si toute peur l'avait quittée. Elle savait ce qu'elle devait faire, et elle était prête.
Alors qu'elle atteignait le portail rouillé qui marquait l'entrée de la propriété, Sarah s'arrêta un instant. Elle pouvait sentir la présence malveillante qui imprégnait les lieux, une obscurité qui semblait vivante, consciente.
"Grand-mère", murmura-t-elle, "guide-moi."
Comme en réponse à sa prière, un rayon de soleil perça les nuages sombres, illuminant brièvement le chemin devant elle. Sarah sourit, redressant les épaules.
Il était temps d'affronter son destin.
D'un geste résolu, elle poussa le portail, qui s'ouvrit dans un grincement sinistre. Le jardin autrefois si bien entretenu était maintenant envahi par une végétation étrange, des plantes aux formes torturées qui semblaient se tordre sur son passage.
La porte de la maison s'ouvrit d'elle-même alors qu'elle approchait, comme si la demeure elle-même l'invitait à entrer. À l'intérieur, l'air était lourd, chargé d'une odeur de moisissure et de quelque chose d'autre, plus âcre, plus menaçant.
Sarah franchit le seuil, ses sens en alerte. Le hall d'entrée était plongé dans la pénombre, les seules sources de lumière étant les reflets étranges qui dansaient sur les nombreux miroirs accrochés aux murs.
"Bienvenue à la maison, Sarah", dit une voix qui était à la fois la sienne et terriblement autre.
Et là, au milieu du hall, se tenait son double. Identique à elle en tout point, sauf pour les yeux, d'un noir d'encre, et ce sourire cruel qui n'avait rien d'humain.
L'affrontement final était sur le point de commencer.
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