Première leçon de sorcellerie
Je me réveille très tôt, comme à mon habitude. C'est à peine si le soleil se lève, à l'horizon. Je repousse la couverture, qui m'a tenue au chaud toute la nuit et me lève. Azur, qui dort sur mon oreiller, est encore en train de roupiller. Je décide de le laisser finir tranquillement son sommeil. Il sera plus à l'aise dans cette chambre que dans ma sacoche étroite et je ne pense pas que mon tuteur entrera ici sans que je n'y sois, il n'y aurait aucun intérêt, donc aucun risque que le petit dragon soit découvert ici.
Comme j'ai dormi toute habillée, je n'ai qu'à enfiler mes chaussettes et mes chaussures. Je fouille ensuite dans l'armoire et trouve sur l'une de ses étagères un peigne et un miroir. Je m'en sers pour coiffer mes longs cheveux blonds, avant de les remettre à leur place.
Après cela, je quitte ma chambre, en prenant bien soin de refermer la porte derrière moi et part en quête de la salle de bain. J'ouvre la seule porte qui se trouve à l'étage, hormis la mienne et celle de mon tuteur et c'est la bonne. J'entre donc dans la pièce.
C'est une salle de bain très simple, propre et bien rangée. La baignoire se trouve à droite et le lavabo, surmonté d'un miroir, fait face à l'entrée. Sur le mur de gauche sont fixés des placards qui renferment sûrement des serviettes et autres objets utiles à l'hygiène.
J'approche du lavabo pour me laver le visage et les mains. Je remarque dans le pot posé sur l'évier deux brosses à dents. L'une est noire, l'autre blanche. Cette dernière semble ne jamais avoir été utilisée, contrairement à l'autres dont les poils ne sont pas bien droits. Je prends donc la brosse à dents blanche et me lave les dents avec. Une fois cette petite toilette terminée, je quitte la salle de bains et descends dans la salle de séjour.
J'y trouve mon maitre, assis sur le même fauteuil que la veille. Sur la table se trouvent une théière, deux tasses pleines de thé, ainsi qu'une assiette remplie de biscuits. Comme je suis encore nouvelle dans cette maison, je n'ose pas prendre place sans y avoir été invitée. Mon tuteur le remarque et me dit donc, sans lever les yeux sur moi :
- Qu'est-ce que vous attendez pour vous asseoir et manger ?
Je m'approche donc du fauteuil qui lui fait face et m'y installe. Je mange ensuite de bon appétit, car je suis affamée ! Il faut dire que je n'ai rien avalé depuis le petit-déjeuner d'hier à l'orphelinat, si ce n'est sa tasse de thé de la veille.
Lorsque nous terminons notre repas, monsieur Corvus lève ses yeux sur moi et fronce les sourcils :
- Vous n'avez pas d'autre vêtement que cette immonde robe grise ?
- Non.
- Je devrai songer à vous trouver une tenue plus convenable. Enfin, peu importe, ce n'est pas votre style vestimentaire qui vous enseignera la sorcellerie. Levez-vous.
J'obéis et il avance jusqu'à moi. Il plonge sa main dans sa longue robe noire pour en sortir une baguette sombre. Il m'explique :
- Il s'agit d'une baguette en bois d'ébène et au coeur en crin de licorne. C'est votre baguette.
- D'où vient-elle ?
- D'un fabriquant de baguettes, pardi ! D'où voulez-vous qu'elle vienne d'autre ?
- Oh, il y a même des fabriquants de baguettes ?
- Évidemment ! Il existe plusieurs fabriquants, mais ils ont tous le même mode opératoire. Ils lisent le signe astrologique de ceux à qui ils veulent ou doivent fabriquer la baguette pour savoir quel bois et quel coeur correspondent le mieux.
- Oh, parce qu'il faut un bois ou un coeur différent pour chaque sorcier ?
- Bien sûr. Prenons exemple sur votre baguette : le bois d'ébène correspond aux sorciers ou aux sorcières déterminés, qui ont confiance en eux et suivent leurs convictions jusqu'au bout. Quant au crin de licorne, il correspond aux personnes dotées d'un coeur pur et d'une âme noble.
- On peut donc connaitre la personnalité d'un sorcier juste en connaissant la composition de sa baguette ?
- Oui, si on veut, mais la baguette ne dit pas tout sur son détenteur.
- Je comprends.
- Alors nous pouvons commencer. Reproduisez ce sort : Levita !
En prononçant cette formule, il effectue un mouvement souple et grâcieux de la main, baguette tendue vers sa tasse vide et, aussitôt, l'objet s'élève, suivant chaque mouvement de main de mon maitre. Il la redépose soigneusement sur la table, puis se tourne vers moi :
- C'est le sortilège de lévitation. Il s'agit de l'un des plus simples aussi. Vous devriez donc pouvoir l'effectuer sans grande difficulté. Faites attention à la gestuelle et à la prononciation, c'est très important. Allez-y.
Je tends ma baguette vers la tasse et prononce, en reproduisant le geste que vient d'effectuer mon tuteur et prononce distinctement :
- Levita !
Le petit récipient blanc s'élève de quelques centimètres, avant de retomber sur la table. Je lève un visage consterné vers mon professeur, qui commente :
- J'ai peut-être été un peu dur en commençant par une tasse. En général ,les débutants s'entrainent sur des plumes, mais qu'importe. Si vous avez réussi à soulever cette tasse de quelques centimètres du premier coup, vous réussirez à la faire léviter sans problème en vous exerçant un peu plus. Concentrez-vous et recommencez.
*
Il m'a fallu plusieurs tentatives et beaucoup de remarques supplémentaires de mon maitre, mais à la fin de la matinée, je maitrise enfin le sortilège de lévitation !
Après avoir fait léviter la tasse un peu partout dans la pièce, je la repose délicatement sur la table basse et lève un visage rayonnant vers mon tuteur. Ce dernier se contente de dire, d'un ton calme et impassible :
- Bien, nous allons enfin pouvoir passer au sortilège suivant.
Mon sourire disaprait aussitôt. Je suis vraiment déçue de ne voir aucune fierté dans son regard. J'avais espéré un petit compliment ou une marque d'encouragement, mais je n'ai rien reçu de tout cela. Cela ne me dérangeait pourtant pas, à l'orphelinat, que les soeurs ne me félicitent pas pour mes efforts ou mes bonnes actions, alors pourquoi suis-je si déçue, maintenant, avec lui ? Pourquoi l'indifférence d'un homme que je viens de rencontrer hier me blesse-t-elle autant ?
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