2.Elsa
C'était en août 2003. Anna, ma meilleure amie et collègue à l'école de musique où j'enseignais le piano, m'avait convié à la garden party qu'elle organisait peu avant la rentrée pour son anniversaire. Elle tenait à ma présence pour que j'anime au piano sa petite fête, accompagné par la voix d'une de ses élèves. J'aurais dû m'abstenir d'y aller, ma femme étant alors souffrante, mais j'avais promis à Anna…
Quand je suis arrivé chez elle, Anna était angoissée car son élève ne pouvait pas venir donner son récital en ma compagnie. J'étais ennuyé car j'avais beaucoup répété avec elle pour que l'on soit parfaitement en harmonie. Cette élève était de surcroît très douée. Seul, je pouvais assurer le spectacle dans une tonalité différente, mais la chanson d'ouverture, à laquelle tenait beaucoup Anna, était trop haute pour moi sans l'avoir travaillée au préalable. Je confiai mes inquiétudes à mon amie quand son visage s'illumina à la vue d'invités qui se dirigèrent vers nous et à qui je tournais le dos. Elle eut simplement le temps de me signifier qu'elle avait trouvé une solution.
- Patrick, je te présente Hélène et Franck Deniset, un couple d'amis, et leur fille Elsa, une de mes plus brillantes élèves.
Je fus immédiatement troublé par cette jeune fille, vêtue d'une courte robe fourreau rouge très sexy et au décolleté pigeonnant. Les pensées les plus inavouables traversèrent mon esprit, m'imaginant ainsi faire l'amour à cette jolie rousse à la fois pulpeuse et divine, dont le regard vert d'eau me transportait. J'essayai de reprendre rapidement le contrôle de mes émotions pour ne rien laisser paraître de mon émoi et donner le change :
- Enchanté.
C'était la première fois qu'une femme me faisait autant d'effet au premier regard. Pourtant, j'avais déjà eu l'occasion de côtoyer nombre de ravissantes jeunes filles à mes cours de piano, mais aucune d'entre elles n'avaient réussi à embraser mon cœur. J'essayai de me raisonner, de me dire qu'elle était trop jeune, que j'étais marié… Rien n'y faisait, seule la voix d'Anna me sortit de ma ridicule béatitude :
- Patrick enseigne le piano et devait donner pour moi un récital mais une élève m’a fait faux bon. J'ai donc pensé à toi, Elsa, pour la remplacer au pied levé.
- Anna, intervins-je, je ne sais pas si elle sera en mesure de m'accompagner étant donné que nous n'avons jamais répété ensemble…
En fait, j'étais pris de panique, partagé entre le désir de l'avoir tout près de moi et la hantise d'être paralysé par sa présence. Paralysé, moi, alors que j'avais joué devant des centaines de spectateurs sans jamais avoir le trac… Quand j'y pense, c'est quand même fou l'effet qu'elle avait, qu'elle a toujours sur moi. Je sentais le danger, mais c'est aussi ce qui m'attirait.
- Elsa est ma meilleure élève et "Pas sans toi" est parfaitement dans sa tonalité. Laisse-la chanter cette chanson d'ouverture, après tu verras…
"Pas sans toi", une sublime chanson de Lara Fabian, avec une longue intro au piano, ce n'était pas à la portée de n'importe quelle apprentie chanteuse. Mais j'avais confiance dans les choix d'Anna. Si elle estimait qu'Elsa pouvait interpréter ce morceau, c'est qu'elle en était sûre.
- Comme tu veux Anna, à condition que cette demoiselle accepte le défi.
- Elsa, tu veux bien faire ça pour moi ? demanda Anna.
- Oui, si ça peut te faire plaisir…
J'avais enfin entendu le son de sa voix, une voix magnifique même si je me doutais qu'elle se forçait à accepter la proposition pour ne pas peiner Anna. Et puis je devinais de l'arrogance dans ses yeux lorsqu'elle me lança :
- C'est donc vous qui allez m'accompagner ? J'espère qu'il n'y aura pas de fausses notes…
Son aplomb me cloua sur place, je ne sus quoi répliquer… D'ordinaire, j'arrivais à prendre le dessus de celles qui me prenaient de haut, une attitude que je réprouve en temps normal. Mais là, les mots ne venaient pas, et sa fougue me séduisit encore plus, comme si je n'étais pas assez béat.
- Ne t'inquiète pas Elsa, reprit Anna, assez surprise de mon absence de réaction, Patrick Darcourt est un grand professionnel. Allez-y vite, tout le monde vous attend.
Le visage adoucit et l'air charmeur, Elsa ondulait vers moi. Son corps ainsi sculpté suscitait en moi un profond désir impudique qu'elle seule pouvait voir. Je pense qu'elle s'en rendit compte puisque son regard avait furtivement effleuré mon entrejambe. Elle n'en fut apparemment pas choquée ou surprise puisque son visage s'illumina de son sourire. Elle me prit la main et m'emmena vers la scène. Je me laissai faire sans réfléchir à ce que pourraient penser les personnes présentes. Après tout, de l'extérieur, cela ne ressemblait qu'à une tendre complicité. Un peu étrange, certes, pour deux personnes qui venaient de se rencontrer, mais au fond, tout le monde l'ignorait.
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