17. Parenthèse osée
Aujourd'hui encore, je ne m'explique pas comment je me suis retrouvé chez elle à lui faire l'amour. J'avais toujours trouvé Anna un peu fade, trop commune, trop transparente pour éveiller le désir chez un homme. Je ne la pensais pas capable de s'offrir amoureusement à un amant. Je l'imaginais glaciale, frigide peut-être... Je me trompais sur son compte, elle était une merveilleuse maîtresse, aussi douce et sensuelle qu’une femme peut l’être, et nous aurions pu nous aimer très longtemps si mon coeur n'avait déjà été pris.
Elle m'avait invité à dîner chez elle avant que ne tombe la nuit, et j'avais accepté parce que je ne voulais pas me retrouver seul après l'épisode de la plage enneigée. Je l'aidai à préparer un repas sans prétention, puis nous passâmes à table pour nous restaurer en discutant de choses et d'autres. Elle me redonna le sourire, mais au moment de déplier le clic-clac qui devait me servir de couche, une brusque bouffée d'angoisse se réveilla en moi et fit jaillir des larmes de mes yeux. Je m'effondrai sur le sofa et elle s'approcha de moi pour me prendre dans ses bras. Mes sanglots s'estompèrent et elle relâcha son étreinte. Nos visages furent alors très proche et à cet instant, je la trouvai belle, désirable. Nos bouches se rapprochèrent, le baiser fut fougueux et me permit alors de tout oublier et de n'être là que pour elle. Je la basculai sur le canapé pour la déshabiller, lui caresser et lui lécher les seins, immiscer ma main vers des profondeurs interdites qui n'avaient pas été explorées depuis longtemps. Elle me donna son corps une bonne partie de la nuit, en fermant les yeux pour s'abandonner à des sentiments enfouis profondément en elle depuis des lustres, ces sentiments que mes mains et mon sexe venaient chercher pour lui donner l'illusion d'être aimée.
Au petit matin, je réalisai ce que j'avais fait et les espoirs que cela avait pu susciter dans son coeur. Je lui laissai une lettre sur l'oreiller fatigué qui reposait auprès de son corps nu sous les draps :
"Anna,
Cette nuit fut délicieuse, mais elle ne nous conduira nulle part.
C'est Elsa que j'aime, nous deux c'était une erreur.
Pardonne-moi si je te fais souffrir, je ne voudrais pas gâcher notre belle amitié pour une simple histoire de c...
Avec toute mon affection.
Patrick. "
Nous étions allés trop loin sans doute, vers un degré d'intimité que l'amitié ne tolérait pas. Et je n'étais pas sûr que la nôtre y survivrait. Peut-être un échec de plus dans ma vie, une personne chère qui me tournerait probablement le dos. Ce fut avec cette pensée que je quittai sa vieille maison défraîchie, érodée par le vent et l'écume, refermant la porte sur cette parenthèse osée qui emporterait probablement avec elle cette page d'amitié. Soprano m'observait m'éloigner de sa maîtresse, triste sans doute que je l'abandonnasse à son chagrin.
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