Chapitre 5 : Une idée

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Le lendemain matin, R'yline s'éveilla avec une idée : devenir la priorité absolue du prince.

Chaque personne circulant dans les couloirs du palais savait que le prince n'avait jamais partagé la couche d'une femme, Eflamme ou non. Bien sûr, personne ne l’évoquait tout haut, mais la rumeur avait fait plus d’une fois le tour du palais et les spéculations quant aux motivations du prince allaient bon train.

Cela renforçait la certitude d’R’yline : une timidité maladive possédait le prince contre son gré. Il lui fallait en guérir au plus tôt avant d’être officiellement nommé à la succession du royaume, ce à quoi elle allait se dévouer corps et âme. D’autant que d’après ses sources, sa nomination officielle en tant qu’héritier était sur le point d’être annoncée.

La Naïadienne était convaincue qu'en l'observant de près et sous l'effet de son art, il succomberait à ses charmes. Ainsi, père et fils lui offriraient leurs faveurs. Elle assurait du même coup sa sécurité immédiate et à venir. Après de longues réflexions, la danseuse conclut qu'échafauder un plan dans le dos du souverain s'avérerait plus que périlleux. Elle avait trop à perdre et si peu à gagner.

Le plus ardu se présentait désormais à elle : trouver le moyen de convaincre le père et le moment où lui soumettre l'idée.

Comme chaque fois, R'yline posa la main sur son flanc. Ce geste réflexe vint lui rappeler son statut. Elle secoua la tête, se donna quelques tapes sur les joues. La Naïadienne avait appris depuis, cela ne se reproduirait plus. Et puis, ce n'était pas pour répondre à un désir qu'elle mettrait l'héritier dans sa couche, mais pour maintenir son statut. Plus jamais elle ne se laisserait guider par les élans de son coeur.

Par ailleurs, elle devait assurer ses arrières au cas où le roi finirait par se lasser d'elle. Évènement peu probable au demeurant, mais l'on n'était jamais trop prudent. La vie lui avait appris à conserver un atout dans sa manche, et cela avait fait la différence plus d'une fois entre la misère et la réussite. Sa basse extraction n'aurait pas dû lui permettre d'évoluer dans les hautes sphères de la noblesse. R'yline s'était forgée son destin, aidée par sa beauté naturelle. Elle en était parfaitement consciente, raison pour laquelle elle prenait grand soin de son corps.

Ce matin, comme il arrivait rarement, les services d'R'yline étaient requis à la demande des O'rocs. S'ils ne pouvaient l'acheter, du moins profiteraient-ils de sa grâce avant de repartir. Un sentiment de puissance l'envahit et électrisa tout son être. Elle s'admira dans le miroir, menton légèrement relevé.

Elle était resplendissante !

La danseuse préférait, et de loin, mettre à profit ce don de la nature plutôt que ce qu'elle avait appris afin de satisfaire hommes et femmes fortunés.

R'yline commença par peigner ses cheveux ondulant jusqu'au creux de ses reins. Patiemment, elle tressa de petites nattes qu'elle noua à l'arrière de sa tête à l'aide d'une broche en laiton où scintillaient des pierres opalescentes, après les avoir ornées avec soin de fils colorés où tintaient ses breloques. Ce bruit l'apaisait et faisait partie intégrante de son charme. Elle ne coupait donc jamais à ce rituel. Elle attrapa ensuite un pinceau pour maquiller ses yeux afin d'en faire ressortir l'éclat, et vint déposer un léger fard sur ses joues. Sa bouche se para d'une teinte dorée, cette couleur mettait davantage en valeur la forme de ses lèvres.

Ce masque déposé sur sa peau marquait la transition : elle devenait la danseuse ensorcelante, la femme de tous les fantasmes.

Partie trop loin dans sa rêverie, la danseuse sursauta au coup frappé à la porte.

— Entrez.

Le battant s'ouvrit doucement, D'lyss, l’une de ses collègue et sa seule amie entra.

— R'yline, nous sommes attendues sous peu, il nous faut répéter maintenant.

— Je viens juste de terminer.

La jeune femme s'approcha de son amie, posa une main sur son épaule. R’yline tourna légèrement la tête.

— As-tu évité la couche de ces O'rocs ? Ils ne sont pas réputés pour leur douceur.

D'lyss fit la moue à l'évocation des rumeurs qui lui étaient parvenues aux oreilles.

— J'ai pu passer la nuit seule grâce à ton conseil, l'infusion d’solitus m'a empêché d'dormir une partie d'la nuit mais au moins j'ai évité la couche d'ces hommes. Sacré mal de tête ! Je n' sais pas comment t'as découvert l'effet de c'te plante mais ça n'a pas dû être des plus agréables. L'O'roc a bien tenté d'me faire venir malgré ma condition, il devait penser que je simulais. Mais quand il a constaté que j'alternais entre grimace et gémissements d'douleur, il a vite abandonné.

D'lyss pouffa. Un large sourire se peignit sur le visage d'R'yline, autant par soulagement qu'en entendant le phrasé de son amie. Cette dernière avait appris à parler avec plus d'élégance, mais en privé le naturel revenait au galop, et elle ne pouvait s'empêcher d'utiliser cette prononciation aux accents campagnards. Cela avait toujours amusé autant que charmé R'yline.

La Naïadienne était soulagée pour son amie. Le monde dans lequel elles évoluaient étaient sans pitié, toutes deux l’avaient trop de fois expérimenté. La moindre occasion, même favorisée par un petit coup de pouce, était une bénédiction. À chaque solaris suffisait sa peine. Et la prochaine ne tarderait pas à venir alourdir à nouveau leur quotidien.

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