Chapitre 7 : Tenue d'un soir

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Les deux amies se dirigèrent vers la salle de répétition. Elles attiraient les regards sur leur passage, entre l'exotisme de leur espèce et la finesse de leurs traits, nul ne pouvait rester indifférent. Elles en profitaient et en jouaient.

Pourtant, à leur arrivée au palais, peu après l’annexion des Terres d’Osany par le Peuple du Feu, les deux Naïadiennes en avaient souffert. L’observation parfois lubrique dont elles étaient l’objet avait été écrasante, parfois jusqu’à la suffocation.

D’instinct, R’yline portât sa main à son cou et l’effleura de ses doigts fins. Elle avait survécu aux coups, à la possession des hommes (et de femmes parfois) pour en faire une force. Il ne servait à rien de s’appesantir sur ce qui avait été. Aujourd’hui, elle vivait harmonieusement avec cette envie et ce désir qu’elle suscitait chez autrui.

La Naïadienne se tourna vers son amie. Elle avait été son soutien dans les rares moments où elle s’était complètement effondrée, et elle le lui avait rendu au centuple. D'lyss était plus fluette et plus petite qu'R'yline. Ses yeux, oscillant du bleu topaze au vert émeraude, irradiaient d'énergie positive. Ses cheveux étaient coupés en un carré plongeant orné de multiples barrettes qui formaient un dégradé de couleurs, sa marque de fabrique.

— Crois-tu que les O'rocs s'ront encore avec nous c'soir ?

R'yline souffla.

— Je ne l'espère pas, leurs manières rustres me dégoûtent. Tu as vu comme ils sont bruyants quand ils mangent !

Les jeunes femmes pouffèrent discrètement.

— Et encore, tu as de la chance, tu n'auras pas à partager leur couche.

D'lyss ponctua sa phrase d'une grimace écœurée. Le visage de sa partenaire s'assombrit.

— Il n'y a pas à dire, je préfère le raffinement du roi, même si en privé, ses manières...

D'lyss passa sa main sur le dos de la favorite.

— Je sais, et j'en suis désolée. Tu prends souvent pour nous toutes.

R'yline se redressa, ondulant son corps avec grâce. Ses yeux étincelaient d'un éclat de détermination.

— Nous avons chacune notre lot mais n'oublions pas notre place de privilégiée. Nous l'avons chèrement acquise. J'ai choisi d'être la favorite et je garderai ma place, à n'importe quel prix.

— Tu as raison, répondit D'lyss, reprenant de l’aplomb face à l’inébranlable détermination de son amie.

Il leur fallut encore traverser trois couloirs et passer de multiples portes avant d'arriver dans une salle carrée, recouverte de miroirs sur le pan du mur opposé à l'entrée.

— Vous êtes en retard.

P'tune, la matrienne comme elle se devait de l'appeler, les accueillit le visage sombre, les mains crispées sur sa canne en bois d'ébène. Ses filles avaient vite compris que répondre ne servait à rien hormis recevoir une privation juste pour l'exemple.

— Veuillez nous excuser, D'lyss a dû attendre que je termine de me préparer. Je ferai plus attention la prochaine fois.

Le statut d'R'yline lui permettait certaines largesses dont elle ne se privait pas. D’lyss se détendit, R’yline réprima un sourire. Oui, assurément, la place de favorite resterait sienne. Il y avait trop en jeu. Et elle se refusait à connaître à nouveau la misère ou les conditions de travail insalubres. Et par-dessus tout, la condescendance de celles et ceux qui les encadraient.

Le visage toujours tendu, la matrienne préféra revenir au sujet du présent solaris et pointa un coffre en bois du bout de sa canne :

— Voici vos tenues pour ce soir. Vous êtes le cadeau de départ des O'rocs, il faut leur laisser une image impérissable. D'lyss, viens montrer une tenue.

La Naïadienne s'exécuta et tira un ensemble doré permettant de cacher seulement la poitrine et l'entrejambe. Un voile transparent servait à couvrir le reste du corps. D'lyss le plaça devant elle. Toutes les danseuses s'observèrent un instant, mal à l'aise.

— Nous n'aurons pas grand-chose à cacher avec cette tenue.

P'tune tapa de petits coups de canne frénétiques sur le sol. R'yline sortit aussitôt une autre tenue de la malle, agrippa le voile et le déchira d'un coup sec. Il lui fallut s'y reprendre à plusieurs fois avant d'ôter complètement le tissu pour ne laisser que l'ensemble doré.

— Ainsi, le souvenir sera mémorable !

Un sourire satisfait se peignit sur ses traits, suivi de peu par celui de la matrienne.

Bientôt chacune prit son vêtement et suivit l'exemple de leur meneuse. Perdue quelques instants dans ses pensées, R'yline imaginait déjà comment séduire le prince, vêtue de la sorte.

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