Kamal se dirigea vers la bibliothèque, et fut intercepté par Melghor. Pourquoi fallait-il que ce soit toujours ce dernier qui fut envoyé ? Il savait d'avance que son besoin de tranquillité ne serait pas respecté pendant le trajet.

— Mon Prince, vous êtes attendu pour la réception de départ des O'rocs.

Aussi étrange que cela puisse paraître, le jeune Eflamme avait totalement occulté cette énième obligation.

Le visage fermé, il suivit docilement le soldat.

— J'ai été autorisé à emprunter un ouvrage de Stephus, j'hésite encore entre Ma vie à la cour sous le règne de Bercéphal le Terrible ou Analyse de la guerre des huit.

Le mutisme du prince ne le désarma pas, et continua avec le même sourire chaleureux :

— Auriez-vous une suggestion ? Je n'aurais certainement pas le privilège d'accéder de nouveau à la bibliothèque royale avant de longs solaris, il ne faut pas se tromper. Je sais comme Bercéphal le Terrible est un passage obligé de notre histoire, mais la stratégie de la guerre des huit semble des plus fascinantes.

Kamal se lassa le premier. Autant se débarrasser de l'importun au plus vite, même s'il doutait que sa réponse lui apporte la paix souhaitée.

— Mon choix pencherait sur l'Analyse de la guerre des huit. Pour un soldat, ce livre fourmille d'anecdotes passionnantes sur la vie de l'époque tout en exposant les tactiques de chacun des protagonistes.

— Merci, Mon Prince, vous m'épargnez une nuit d'insomnie à lister les avantages de chacune des options. Mes parents m'ont souvent corrigé pour m'inculquer à ne pas tergiverser ainsi pendant des solaris. Rien n'y a fait, semble-t-il.

L'héritier laissa les anecdotes d'enfance de Melghor créer un fond musical pendant qu'il ouvrait mentalement sa dernière lecture. Le soldat s'arrêta devant la salle de réception et attendit que le prince fut entré pour retourner vaquer à ses obligations. Tout le monde avait déjà pris place sur les tapis moelleux où s'entassaient des piles de coussins colorés afin que chacun puisse s'y affaler avec sa coupe d'hellanthus. Une plaisante compagnie pouvait tout aussi bien se lover aisément sur les corps musclés, raison pour laquelle son père préférait recevoir dans cette pièce plutôt qu'attablés dans la salle d'apparat. Cela contrevenait à l'étiquette en place depuis des générations mais le roi n'en avait cure, seul comptait son plaisir, orienté de toute évidence sur la gent féminine de toute race.

Kamal en était peiné. La salle d'apparat décoré par son arrière-grand-père maternel lui offrait de multiples occasions de s'évader dans les récits peints sur chacun des murs et sur la voûte surplombant les invités. Parfois, le jeune Eflamme se demandait pourquoi il lui était impossible d'être comme n'importe quel homme : attiré et séduit par la beauté du sexe faible, comme le rappelait si bien son paternel.