Chapitre 12 : Rencontre impromptue
Son père ne lui adressa pas la parole de tout le repas, préférant converser avec ses hôtes. Kamal se sentit malgré tout en devoir de regarder le défilé de corps ondulant. Les tenues étaient encore plus provocantes qu'à l'accoutumé. Seul un sentiment de dégoût l'envahit.
À l'arrivée de la farandole de desserts, une claque fit sursauter Kamal.
— Tiens, mon fils, pour soutenir cette longue nuit.
Il lui tendit deux verres d'eau-de-vie.
— Je t'offre ma favorite pour l'occasion.
Le prince fut d'abord paralysé. Que venait de lui annoncer son père ? L'évidence lui fit l'effet d'une immersion dans une crevasse creusée dans l'épaisseur du givre ; il allait devoir mettre une femme dans sa couche. Son esprit lui intimait de fuir cette pensée, mais la raison le poussa à mettre de l'ordre dans ce chaos. Il devait une réponse au roi, aucun affront ne serait permis devant cette assemblée. Kamal était piégé.
Il attrapa le verre, salua d'un geste son père et avala entièrement son contenu. La chaleur glissant dans sa gorge lui permit de retrouver ses esprits. Saisissant le second verre, il salua cette fois la danseuse, se tourna de nouveau vers son souverain.
— Merci altesse de l'honneur qui m'est offert. Je suis votre obligé, répondit-il d'un ton neutre, le bras toujours tendu.
Il inclina la tête et but le liquide sucré qui enflamma son corps et tous ses sens. Il n'avait pas pour habitude de consommer de l'alcool et la tête lui tournait déjà.
— Elle t'attendra dans ta suite.
— J'aimerais faire mes ablutions, je...
Le roi explosa d'un rire grave suivi de peu par quelques O'rocs.
— Je ne comprendrais jamais tes manies mais soit, ce soir est ton soir, je peux bien te laisser cette petite liberté.
Aussitôt le repas terminé, Kamal abandonna la délégation occupée à caresser les corps désormais dénudés. Il avança d'un pas pressé vers la bibliothèque. Il lui fallait traverser presque tout le palais. Arrivé à la dernière intersection, il percuta une servante. Un son mat accompagna cette rencontre fortuite. Pourtant, la personne se tenait debout, ce n'était donc pas sa chute qui avait provoqué ce bruit. Ses yeux se baissèrent par automatisme. Il découvrit un ouvrage frappé du sceau royal. Son regard se posa sur la servante couverte d'une cape dont le visage était masqué par sa large capuche. Le prince se baissa, ramassa l'ouvrage et le lui tendit. Un tintement accompagna le geste de l'encapuchonnée.
— Je vous remercie, mon Prince.
Kamal fut surpris. Il avait une excellente mémoire auditive, cette voix était celle de la favorite de son père. Que faisait-elle dans la bibliothèque ? Le roi n'avait sûrement pas autorisé l'une de ses courtisanes à accéder à ce lieu destiné aux hommes. Sa mère, de son vivant, s'était vue restreindre l'accès, alors une simple danseuse...
Observant avec plus d'attention, il vit la silhouette parcourue de tremblements. Il souffla, fit mine de passer son chemin puis s'arrêta. Il se tourna vers celle qui s'éloignait avec empressement.
— Attends.
La danseuse se raidit mais ne bougea plus. Il vint à sa hauteur.
— J'ai une proposition.
Aucune réaction.
— Suivez-moi dans mes appartements, ordonna-t-il de façon plus autoritaire qu'il n'aurait cru.
Annotations
Versions