Chapitre 16 - Sept solaris

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Kamal joua toute la matinée à raviver puis à éteindre les braises du foyer tout en se repassant les échanges avec R'yline. Il avait été surpris par ses références littéraires et la finesse de ses analyses. Peut-être l'avait-il jugée trop vite ? Après tout, que connaissait-il des femmes ? Il les avait toujours évitées, hormis quand il devait subir les assauts de demoiselles de la cour conviées aux réceptions royales.

Il ne voyait alors que minauderies, flatteries exagérées, réflexions médiocres et conversations réchauffées de formules apprises par cœur par leurs précepteurs ou parents. L'attention que la Naïadienne portait à son apparence l'avait conduit en erreur : elle était bien plus qu'une femme futile et superficielle. Cette nuit lui avait prouvé à quel point il se trompait.

Il fut soudain assailli d'un doute : et si la danseuse ne respectait pas sa part du contrat ? Il n'osait envisager la réaction de son père. Pouvait-il le forcer ? L'hésitation ne dura qu'un bref instant : son père était capable de tout afin d'obtenir ce qu'il désirait et il voulait faire de lui un homme.

Plutôt que de perdre son énergie en cogitations stériles, Kamal décida d'aller voir son paternel. Il frappa à la porte et n'eut pas à attendre longtemps la sommation à pénétrer les appartements royaux. Le souverain l'attendait en peignoir, un verre d'hellanthus à la main, une flamme dansante dans l'autre. Il envoya cette dernière allumer son lustre puis esquissa un sourire narquois.

— J'espère que tu as apprécié mon cadeau à sa juste valeur. Souhaites-tu choisir ta prochaine partenaire ?

Kamal sentit une vague de soulagement. Elle ne l'avait pas trahie, il pouvait se fier à elle. Cette idée le rassurait sans qu'il en comprenne la raison.

— Justement père, je n'ai fait qu'effleurer les délices féminins à son contact, je souhaiterais explorer plus en avant toutes les subtilités qu'elle a à offrir.

Le roi eut un léger mouvement de recul. Kamal crut se tromper. Il ne voyait rarement son père perdre, ne serait-ce que de façon fugace, le contrôle de ses gestes.

— Vous m'avez ouvert les yeux, je vous en suis redevable et je sens qu'elle est à même de m'octroyer de nouvelles découvertes. Lorsque je me serai lassé, ce qui ne tardera pas, je le sens, je me rendrai au gynécée pour choisir une nouvelle partenaire.

Le prince voyait l'hésitation dans les yeux de son père. Une étincelle s'animait, fierté de voir enfin son fils devenir un homme, et non plus cet étrange érudit collé à ses livres. Il ne pouvait que l'encourager dans cette voie. Mais il percevait autre chose, sans doute liée à la raison qui avait poussé le souverain à garder la mainmise sur cette femme. Son père était-il amoureux ? Non, il était bien incapable d'un tel sentiment. Ce qui l'animait c'était le pouvoir, la possession des biens les plus précieux. Il repensa aux regards concupiscents des O'rocs. Elle devait être d'une inestimable beauté. Kamal était bien en peine de juger sa silhouette, il n'avait jamais su distinguer la subtilité de splendeur entre deux femmes et cela ne l'intéressait guère. Il osa son avantage :

— J'ai fini d'analyser la comptabilité : une erreur s'était glissée, j'ai fait mander un coursier afin de réclamer les mille pièces d'or manquantes.

— Je ferai châtier les comptables pour ce manque de rigueur ! s'emporta le roi.

Ce dernier s'approcha et posa une main sur l'épaule de son fils :

— Je te laisse sept solaris. Profite d'elle autant qu'il te plaira, ensuite elle me reviendra.

La prise se resserra telles des serres aiguisées. Le prince se retint de grimacer, il devait porter son masque d’héritier.

— Mes nuits seront courtes, répondit Kamal.

Il n'eut pas à forcer le sourire qui illumina son visage. Il appréciait par anticipation les conversations à venir avec R'yline.

— Je désespérais de te voir un solaris suivre les traces de ton frère. Te voir devenir un homme vaut bien quelques nuits concédées avec ma favorite. Je l'ai remerciée comme il se doit ce matin pour ton initiation.

Un souffle glacial parcourut le corps de Kamal : qu'avait-il infligé à la Naïadienne ? Il fit une brève révérence et sortit précipitamment de la pièce, ses pas le guidant vers le gynécée. La moiteur de ses mains et l'oppression dans sa poitrine augmentaient à chacun de ses pas.

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