Chapitre 21 – Opportunité
R’yline se soumit de bonne volonté aux caprices de la matrienne. Cette dernière les faisait répéter jusqu’à l’épuisement la danse qui annonçait l’amorce des solaris où la vie tournait au ralenti. C’était la dernière occasion de festoyer avec abondance, la troupe se devait donc de faire honneur à ce moment de bascule vers l’endormissement de la nature, avant le renouveau.
Transpirante mais l’esprit allégé, la Naïaidenne sortit de la salle d’un pas décidé. Elle devait échafauder un plan. Le prince devait être sien. À tout prix. La danseuse n’avait jamais autant désiré quelque chose, encore moins quelqu’un.L La résistance de sa proie, mêlée à la nécessité d'assurer la pérennité de sa place de privilégiée, exaltait son besoin de le faire céder.
Peut-être dans ses primes solemnum de servitude. Lorsque la courtisane du seigneur local s’était vu clouée au lit par une maladie vénérienne. Après tant de solaris à assouvir les pulsions des travailleurs des docks et des quelques artisans que sa patronne daignait lui concéder, l’adolescente avait saisi cette occasion en or. R’yline avait dégotté auprès d’un ermite, une potion qui avait mis hors service ses deux principales concurrentes. Elle avait passé tout son temps libre à embellir son corps malingre et à transformer sa chevelure hirsute en la magnifique cascade océan qu’elle arborait désormais. Il avait fallu négocier âprement avec la patronne, mais elle avait réussi. Elle n’avait pas manqué sa chance. Et cela, elle ne le devait qu’à elle seule.
La favorite fut sortie de sa rêverie par une ombre fugace qui passait en bordure de son champ de vision. Elle eut tout juste le temps d’apercevoir le prince courir dans les couloirs du château. Sans réfléchir, elle lui emboîta le pas, suivant avec difficulté la course effrénée du jeune Eflamme.
Une opportunité allait sans doute se présenter. Elle ne pouvait la laisser passer. Elle le vit sortir dans les jardins, s’écarter du chemin pour ressortir ce qui devait probablement être son déjeuner. Elle sourit : sa chance était là.
— Mon roi ?
R’yline vit le corps du prince se contracter.
Elle s’enquit d’une voix où elle espérait faire percée inquiétude et sollicitude :
— Est-ce que ça va ? Puis-je faire quelque chose pour vous ?
Pas la moindre réponse.
Elle avait espéré que le rappel du choix qu’elle avait fait de le considérer comme son souverain aurait suffi à lui accorder toute son attention. À l’émouvoir, même. Il fallait réfléchir. Et vite. Ne pas laisser passer cette occasion.
Un doute s’immisça. Subtil. Le prince l’avait délaissée le matin même. Il n’avait eu pour elle le moindre mot, la laissant seule, meurtrie à digérer la violence du souverain. Elle l’avait perçu différent… Pourquoi alors?
Hors de question de se laisser de nouveau émouvoir ! Peu importait la raison qui avait pousser Kamal à cet élan de froideur. Elle le soumettrait à ses charmes. Par n’importe quel moyen.
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