Chapitre 33 – La sauver

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Kamal quittât à regret sa danseuse, mais s’il négligeait son devoir il finirait par en payer le prix. Certes, son père mettait un point d’honneur à faire de l’héritier un homme, mais pas au détriment de la gestion du pays. Et maintenant qu’il était rentré, la convocation pour un compte-rendu détaillé ne tarderait pas. Kamal espéra que le souverain n’avait pas trouvé chaussure à son pied, si une demoiselle pouvait être épargné par les lubricités paternelles, Vroscèra en soit louée !

Le prince fut surpris de n’être sommé à une entrevue que deux solaris plus tard, mais soulagé puisque la liste n’était pas encore achevée. Kamal passa donc le reste de la journée à terminer l’inventaire puis, à la lumière d’une bougie, prépara les commandes des O ‘rocs.

Une partie de son cerveau fonctionna en double tâche, cherchant puis évaluant les possibilités qui s’offraient à lui de sortir R’yline de sa condition. Tard dans la nuit, le plan prit forme dans son esprit : il contacterait le seigneur des Eoles et lui demanderait asile pour sa bienaimée. Ce souverain lui avait fait forte impression tant par sa sagesse que par son humanité. Il ne refuserait certainement pas l’asile à une Naïadienne ; il s’était toujours ouvertement opposé à l’annexion du Peuple de l’Eau par les Eflammes. Le prince suggèrerait à son père de déléguer une troupe de Naïadiennes auprès du Peuple de l’Air afin de ne pas attiser la jalousie suite aux largesses qu’il avait eu vis-à-vis des O’rocs. Il se débrouillerait pour qu’au dernier moment, R’yline fasse partie du voyage, en toute discrétion, cela allait de soi. Soulagé, il put enfin lâcher sa plume et tomba aussitôt dans les bras de Sommus.

Lorsqu’il se réveillât, tard dans la matinée, Kamal fut envahi par un sentiment de terreur mêlée de rage. Son père avait-il été pris du même élan de domination qu’avant son départ ? Pourquoi se réveillait-il si tard lui dont le corps s’éveillait toujours à l’aurore, l’empêchant de convoquer la Naïadienne à ses côtés comme l’autorisait son statut sur les prochains solaris ? La présence de Kamal avait beau ne pas être requise par le roi, cela ne signifiait aucunement que celle d’R’yline n’était pas attendue dans l’instant.

La respiration saccadée, le prince s’apprêtait à se lever pour vérifier par lui-même comment allait R’yline.

Il s’habilla à la hâte et sortit dans le couloir. Arrivé devant l’escalier, il se sentit stupide. Dans les méandres du château, il n’avait pas mémorisé comment se rendre chez sa bienaimée. Il faillit perdre tout contrôle mais se retint de justesse en entendant un sifflement familier. Il vit surgir la tête de Melghor qui montait à l’étage.

— Bonjour Melghor.

— Bonjour Sire. Je suis flatté que vous aillez retenu mon nom.

— Je retiens toujours ceux pour qui l’histoire de notre pays n’a plus de secret.

— Vous allez me faire rougir, Sire.

— Dites-moi, pourriez-vous m’indiquer la chambre d’R’yline ?

Le soldat blêmit avant de rosir, mal à l’aise.

— Je… Euh… Il faut descendre à l’étage inférieur, prendre le couloir de droite, bifurquer sur la gauche et la dernière chambre, celle dont la porte est légèrement bleutée, est là où réside la favorite du roi…Euh…De ses majestés.

— Arrêtez d’être mal à l’aise, voulez-vous !

— Bien, Sire.

Il vit de l’hésitation mêlée de curiosité et de surprise.

— Parlez donc.

— Je… J’avoue être étonné de vous voir apprécier la compagnie d’une femme.

— Peut-être auriez-vous préféré que je la partage avec vous ?

Melghor se décomposât, bégayant sans réussir à articuler le moindre mot. Cela détendit Kamal qui décida de mettre fin au supplice du soldat après avoir profité de la situation en son for intérieur :

— C’était de l’humour, Melghor. J’ai bien noté votre alliance et votre penchant pour les fortes poitrines.

Le soldat se gratta la tête.

— Ah…Euh… Oui, Sire.

— Voyez-vous, il est temps que je m’intéresse à la chose et autant acquérir quelques lettres de noblesse en la matière avant de prendre épouse. Comme vous le savez, femme contentée, foyer en paix. Et je dois dire que cette Naïadienne ne laisse pas indifférent ? Qu’en dites-vous ?

— Ah, ça ! Je n’ai encore croisé aucun homme qui ne l’ait détaillé des pieds à la tête en fantasmant sur…

L’homme s’arrêta soudain, réalisant à qui il s’adressait. Kamal lui offrit de continuer :

— Parlez librement. Je ne suis pas mon père.

— Bref, elle est la Naïadienne de tous les fantasmes !

— Sur ce, je m’en vais retrouver sa charmante compagnie. Beau solaris, Melghor.

L’homme se mit au garde à vous et le salua.

Lorsqu’il entendit les pas du soldat se perdre dans les étages, Kamal souffla, relâchant les tensions. Cet échange, l’un des plus longs qu’il ait eu avec un autre être vivant (à l’exception d’R’yline), lui avait coûté en énergie et en concentration. Il préférait ne pas imaginer le prix à payer lorsqu’il serait à la tête du pays. Rien que d’y pensait, la tête lui tournait, épris de nausées.

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