Chapitre 35 – Embrasement

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Une puissante envie de meurtre le domina à la vue du sang maculant le sol. Ne sachant d’où il provenait, Kamal n’osa toucher la Naïadienne. Il l’informa :

— J’enlève ton peignoir, pour évaluer ce qu’il faut faire pour te soigner.

À la vue du corps couvert de bleus, il étouffa un râle de fureur. Le sang ne venait pas de là. Il la contourna pour vérifier l’état de son dos. Aussitôt, le peignoir qu’il tenait entre ses doigts s’enflamma. Il ne sentit pas la chaleur envahir ses mains tant la haine le dominait. R’yline se retourna .

— Cette odeur, articula-t-elle avant de se stopper à la vue du feu. Kamal, regarde !

Le prince baissa les yeux. Il tenta d’éteindre les flammes. Dès que ces dernières diminuaient à l’état de flammèches, une nouvelle bouffée de colère le submergeait, ravivant le feu. Un bord de l’édredon s’embrasa. Alors, un jet sortit des mains d’R’yline pour faire mourir le feu naissant. Puis la danseuse s’évanouit. Kamal eut juste le temps de la rattraper avant que le corps inanimé ne s’écroule sur le sol.

Un vent de panique l’ébranla. Son père l'avait-il tuée ? Avant de se laisser dévorer par le brasier de la haine, il approcha son oreille du nez de la jeune femme.

Elle respirait.

Avec d’infinies précautions, il l’allongea sur le flanc. Les estafilades étaient encore suintantes. Avant de la recouvrir de son peignoir, il identifia l’origine de la flaque vermeille sur le sol : l’intérieur de ses cuisses était recouvert de sang séché. Il se précipita vers les hauteurs du château, sa nourrice était une experte en soin. Tous avaient recourt à ses services bien avant d’aller demander de l’aide au soigneur officiel du palais.

— Man’ !

— Que se passe-t-il ? Tu es dans un tel état, mon garçon !

— Il faut …que tu viennes… voir… R’yline ! articula-t-il le souffle court.

— La favorite de ton père ?

— Il l’a battue ! Elle a besoin d’aide.

Il la vit attraper une large sacoche où elle ajouta quelques flacons puis le suivit sans un mot.

Arrivée dans la chambre, Manielle le força à s’asseoir le temps de vérifier l’étendue des blessures. D’un simple regard, elle le rappela deux fois à l’ordre avant de se consacrer pleinement à l’examen de sa patiente. La soigneuse lui intima ensuite d’aller chercher Elaëlle. Il devait donner à la jeune apprentie une courte liste pour la fabrication d’un onguent, la quantité dont elle disposait n’était pas assez conséquente pour couvrir tout le dos de la danseuse.

Tout en parcourant de nouveau le palais, le prince se retrouva plonger dans ses souvenirs. Manielle s’était réfugiée chez les Eflammes à l’époque où les deux fils du dirigeant O’roc se disputaient le trône. Cela avait provoqué des guerres intestines sanglantes et beaucoup avaient fui le pays. Employée au château en tant qu’aide cuisinière, on l’avait affectée aux soins du prince afin de l’allaiter en même temps que sa fille.

Il revint au présent sur le seuil de la porte qui s’ouvrit aussitôt. Le prince tendit le papier, cherchant à reprendre son souffle. Elaëlle rassembla les ingrédients et s'attela aussitôt à la préparation du baume.

— Merci, Elaëlle, parvint enfin à articuler Kamal.

— Man’ me le demande et tu sais que je serai toujours là pour toi. Même si tu nous as repoussées. Tu sais, j'ai bien compris que tu l'as fait pour nous protéger.

Kamal ne sut quoi répondre, gêné et pris de court.

— Ne fais pas cette tête, on se connaît par coeur, frère et soeur de lait, lui lança-t-elle avec un clin d'oeil. Je sais bien que tu as toujours été reconnaissant à Man' d'être restée pour toi. Elle qui voulait retournée dans sa terre natale, ne pouvait abandonner son fils adoptif. Même quand tu es devenu froid et distant. Juste après nos trente solaris passés à trimer en cuisine pour l'encrier que tu avais déversé sur je ne sais plus quels documents officiels.

— Tu ne m'en veux pas ? 

— D'avoir un père cruel ? Tu as fait ce que tu as cru le mieux pour nous, et je t'en remercie. Bon, il y a plus pressant. Veux-tu bien m’en dire plus ? Histoire que je sache ce que ce passe. Pour qui je prépare tout ça ?

— R’yline.

— La favorite de ton père ? demanda-t-elle avec une pointe de mépris dans la voix.

— Oui.

— Que lui a-t-il fait ?

Elaëlle avait toujours parlé avec dégoût du roi, même si les échanges se faisaient rares désormais ; et ce, malgré les risques encourus. À bien des égards, son tempérament se voulait bien plus Eflamme que Kamal ne le serait jamais.

— Comme il vous a fait autrefois.

Elle leva la tête un instant pour le regarder.

— Nom d’un roc, elle ne te laisse pas indifférent ! Si j’avais cru qu’un jour tu t’enticherais d’un être vivant !

— Elle est…différente.

— Elles le sont toujours. C’est son métier, tu le sais.

— Pas cette fois.

— Comment en être sûr ? Ces femmes sont éduquées à éveiller le fantasme et l’envie chez tous les hommes. Elles sont expertes en illusions.

— Je le sens, tout simplement.

Elaëlle le regarda de nouveau.

— Je vérifierai.

— Ai-je seulement le choix ?

— Je ne laisse pas le cœur de mon frère entre toutes les mains. Tu m’as bien évité la plus grosse erreur de ma vie avec Téklésius.

— Tout le plaisir était pour moi. Conquérir trois coeurs à la fois. Si tu ne m'avais pas arrêté, je lui aurais bien asséné deux ou trois coups de plus !

— Je crois bien que c’est la seule fois où je t’ai vu perdre ton sang-froid.

Le regard du prince devint sombre, ses bras parcourus de tremblements.

— La deuxième, rectifia-t-elle. Elle te plaît à ce point ?

— Oui.

Elaëlle soupira, rangea les pots dans une sacoche.

— J'ai terminé, je te suis.

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