Chapitre 37 – Fuite
Kamal avait fini par rendre les armes devant l’insistance de sa nourrice même s’il en était malade de laisser ainsi R’yline. Il avait l’impression de l’abandonner alors même qu’elle avait payé un lourd tribu pour l’accord qu’ils avaient sceller. Il ne pouvait attendre de contacter le souverain Eole. Malgré le trésor qu'R'yline représentait pour son père, il n’était pas exclu qu’il finisse par la blesser gravement… Voire pire. Il en était hors de question !
Kamal mit toute son énergie à échafauder leur fuite : équilibrer les comptes en leur permettant de partir avec suffisamment d’argent pour assurer leur sécurité, physique et financière, faire le pleins de provisions en toute discrétion, trouver une carriole dont l'emprunt ne pourrait être relier à eux, envoyer quelques missives pour assurer ses arrières…
Il n’eut guère le loisir de s’accorder une pause, ne serait-ce que pour manger, avant la tombée de la nuit. Heureusement, son père ne le fit pas mander à son côté ce solaris-là. L’inventaire ne serait pas bouclé, mais peu lui importait désormais. L’idée de mettre son paternel hors de lui fit naître un léger sourire. Pour la première fois de sa vie, il osait la rébellion et, contre toute attente, cette sensation le galvanisait.
Avant d’aller retrouver la Naïadienne, il prit soin de se changer afin d’opter pour une tenue de marchand du Sud de la Terre d’Urca. En effet, cette partie du territoire Eflamme jouxtait la Contrée Cybeline où résidaient les Eoles, ils seraient bien plus discrets vêtus de la sorte. Le prince remplit la carriole de leurs effets, une petite malle accompagnée d’un baluchon chacun, puis rejoignit la danseuse en prenant soin de ne pas saluer Manielle et Elaëlle. Si elles ne possédaient aucune information, son père les laisserait en paix. Du moins, l’espérait-il.
Lorsqu’il ouvrit silencieusement la porte, Kamal trouva R’yline endormie. Son visage était ponctué de grimaces de douleurs chaque fois qu'un mouvement inconscient sollicitait son corps. Elle lui parut si vulnérable, elle dont l’assurance irradiait toute une pièce, qu’il en fut profondément affligé. Une montée de colère mêlée de tristesse manqua un instant de le déborder. Il ferma les yeux, entreprit la lecture d’un récent ouvrage. Il était parfaitement conscient que, malgré sa tempérance, si son père avait été face à lui en cet instant, tout le tempérament Eflamme dont il était pourvu se serait déversé sur le souverain sans retenu. Sa raison fut interpellée par cet élan meurtrier qu’un individu pouvait éprouver pour son propre géniteur. Était-ce dans l’ordre des choses ?
Dans l’immédiat, peu importait, seule la sécurité d’R’yline devait compter. Il la secoua légèrement.
— R’yline, suis-moi sans un bruit.
Elle tenta d’émerger d’un sommeil profond.
— Qu… Qu’est-ce que… Kamal ? s’enquit-elle un peu trop fort.
— Chut ! Ne parle pas, je vais t’aider à mettre ces habits et nous partons.
— Comment ? Où ? susurra-t-elle.
— Me fais-tu confiance ?
— Oui, répondit la Naïadienne sans hésiter.
— Alors, change-toi et suis-moi.
Son regard laissa transparaître de l’anxiété et de l’appréhension, mais elle se redressa aussitôt pour enlever sa chemise de nuit. Kamal l’aida de son mieux afin de limiter les mouvements douloureux. L’admiration accompagna le prince tout le long de la préparation de la danseuse qui n'émit aucune plainte. Le jeune Eflamme ajouta les bandages et baumes posés près du lit avant de se diriger vers la porte. Il vit sa R'yline stopper son élan au milieu de la pièce.
— Je ne pourrais jamais revenir ici ?
— Non.
R'yline pinça sa lèvre inférieure. Ses mains resserrèrent leur prise sur son petit paquetage. Elle souffla.
— Je te suis, annonça-t-elle.
La danseuse resta toutefois figée. Ses yeux restèrent un moment à fixer le sol. Puis elle se redressa, glissa ses doigts dans ceux de Kamal et le suivit sans un mot.
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