Chapitre 39 - Fuite
Qu’avait-elle vécu pour se défier à ce point des autres ? Était-il bien placé pour parler, lui qui avait fui le monde ?
Après tout, elle avait accepté, il ne fallait pas s’éparpiller.
Kamal la porta et l’installa sur un amas de couvertures et de coussins dont il avait bordé la majeure partie de l’intérieur de la carriole afin de limiter au maximum les secousses provoquées par les irrégularités de la route. Il s’installa à l’avant et attrapa les rênes du hongre qui les menait, sans même un regard en arrière.
Bientôt, ils devinrent ombres parmi les ombres.
Cette fuite n’était-elle pas trop facile ? Kamal pouvait lister toutes les questions et hypothèses les plus invraisemblables, cela n'aurait fait qu’accroître son anxiété sans pour autant les mettre à l’abri. Il devait rester concentré sur son objectif et aviserait le moment venu.
L’avantage d’être un Eflamme au cœur d’une nuit d’encre était indéniable, il pouvait à loisir faire appel à une flamme pour l’aider à s’orienter sur ces chemins peu connus. Le prince se restreignait pourtant au strict minimum, moins ils seraient vus, plus il assurerait leur sécurité.
Il guida patiemment l’animal sur les routes qui sinuaient entre les nombreux vallons les séparant du territoire du Peuple de l’Air. Son esprit se vida, focalisé sur la tâche présente. Il ne pensa pas à la fuite, ni aux soldats qui seraient bientôt à leur poursuite, ni aux blessures d’R’yline. Au petit matin, Kamal s’arrêta dans un bosquet pour y camoufler le véhicule et se rendit à l’arrière pour voir comment se sentait sa bien-aimée. R’yline somnolait. Lorsqu’il marcha sur une brindille pour faire demi-tour, ses yeux océan s'animèrent.
— Comment te sens-tu ? s’enquit-il en montant à gestes lents dans la carriole.
— Je… Je ne sais pas trop. Où allons-nous ? préféra-t-elle demander.
— Chez les Eoles.
La danseuse essaya de se redresser, mais la douleur la força à abandonner toute tentative. Devant la souffrance de celle qui l’aimait, Kamal se rapprocha pour lui caresser la joue. Les traits de la jeune femme se détendirent. Il s’installa plus confortablement et resta ainsi, à caresser son visage et sa chevelure jusqu’à ce que Sommus vienne les accueillir.
Ils ne s’éveillèrent qu’au moment où l’astre rougeoyant enflammait le ciel. Kamal déposa un baiser sur le front d’R’yline qui frissonna.
— As-tu froid ? s’inquiéta-t-il.
— Non. Je n’ai jamais été aussi bien.
— Tu n’as pas peur que mon père nous rattrape ?
— Alors, je mourrai heureuse.
La danseuse ponctua sa phrase d’un baiser. Il sentit son entrejambe se durcir.
— Même dans des vêtements de fortune, au milieu de nulle part, avec l’angoisse de la traque, tu en as envie ? lui demanda-t-elle amusée.
— Tu as un drôle d’effet sur ma personne, répondit-il en haussant les épaules.
R’yline s’approcha dans une grimace de souffrance et posa sa main sur la zone érogène, cherchant à dégager le pénis de sa prison.
— Je ne peux pas m’unir à toi, mais je puis t’offrir l’extase, lui susurra-t-elle.
— Tu auras mal malgré tout. Je ne veux pas, trancha Kamal, ôtant la main tentatrice pour l’amener vers ses lèvres et la couvrir de baisers délicats.
R’yline effleura la joue du prince.
— Je suis chanceuse et heureuse d’avoir rencontré l’homme le plus doux et le plus cultivé de tout le continent, déclara-t-elle avec un sourire radieux.
Au loin, un bruit de sabots se fit entendre. Kamal redressa la tête, alerte. Puis le son disparut.
— Nous devons nous remettre en route, annonça-t-il avec sérieux. Il nous faut passer la frontière au plus vite si nous voulons avoir une chance de partager ce bonheur qui nous est offert.
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