Chapitre 42 - Le Conseil

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Où trouvait-elle toute cette énergie ? Non que ce fut pour lui déplaire, mais il n’en était pas moins admiratif de son esprit combatif. Admirant le visage de sa bienaimée, Kamal finit par se rendormir confortablement installé contre sa compagne.

Les rayons réveillèrent le prince, si l’on pouvait parler ainsi de cette lumière diffuse en perpétuelle mouvement qui irradiait sur le village. Ces ondulations, au lieu de l’irriter comme s’il était attendu, l’apaisait. Il sentit sa belle s’éveiller et venir l’embrasser tendrement. Son corps réagit dans l’instant à cette invitation matinale. Il eut envie de se laisser porter par cet instinct et prolonger cette bulle hors du temps mais l’on frappait à la porte.

Il eût juste le temps de se rhabiller, boutonnant les derniers pans de chemise que la porte s’ouvrit sur L’Oïse dont le regard presque translucide contrastait étrangement avec sa peau bleu nuit. Sa chevelure immaculée portait la touche finale à cette silhouette singulière, même chez une Naïadienne ce qui lui conférait un charme certain malgré une musculature plus prononcée que chez la majeure partie de la gente féminine du Peuple des Eaux.

— ‘Jour ! Le Conseil vous attend, si tu peux nous accompagner, s’empressa-t-elle de transmettre tout en se tournant vers R’yline.

— Je me change et j’arrive.

Kamal et la Naïadienne contemplèrent la favorite tandis qu’elle ôtait sa tenue de nuit pour une robe blanche vaporeuse. Il faisait agréablement doux dans ce lieu sous-marin et R’yline avait toujours préféré les tenues légères, pour se sentir libre de ses mouvements. Elle lut dans le regard bleu pâle une étincelle d’envie et se mit aussitôt à chercher comment exploiter cette information. Les réflexes liés à sa profession réagissaient malgré elle, et c’était pour le mieux. Après tout, ils avaient beau les avoir sauver, ils n’en restaient pas moins de parfaits étrangers dont il était préférable de se méfier.

— Es-tu prête ? s’enquit l’immaculée.

La danseuse répondit par un hochement de tête. A son tour, L’oïse leur fit signe de la suivre. Kamal se laissât de nouveau happer par l’étrange beauté du lieu où le ciel n’était qu’ondoiement cristallin, les oiseaux des animaux marins et le sol couvert d’un épais tapis de mousse. Le contact était tellement doux que le prince avait opté pour marcher pieds nus comme les habitants des lieux. Depuis la veille, on l’avait laissé aller à sa guise mais personne n’avait répondu à ses questions ni souhaité échanger avec lui. R ‘win lui avait expliqué qu’il était nécessaire d’avoir l’aval du Conseil pour être accepté au sein de la communauté. Il lui avait chaudement recommander de ne dire que l’entière et pure vérité. Le prince hésitait encore sur la conduite à tenir au moment où on l’invita dans un bâtiment de bois avec une impressionnante hauteur sous plafond, comparée aux modestes maisons qui composaient le village, décoré de peintures colorées qui semblaient reproduire des moments de la vie du Peuple des Eaux. Il identifia sans mal son père, les traits déformés en ceux d’un fauve féroce crachant du feu sur de frêles Naïadiens tandis que les soldats des deux camps se faisaient face. On les fit pénétrer dans une salle circulaire où siégeait au centre trois hommes et trois femmes du Peuple de l’Eau, d’âge différent, réparti à égal distance d’une source bouillonnante qui s’agitait au centre du cercle. L’Oîse leur indiqua de siéger sur deux simples chaises de bois sculptés à l’opposé de l’entrée, loin de toute accès à la moindre ouverture. La seule entrée et sortie n’était autre que l’endroit par lequel ils étaient entrés. R’yline s’asseyait avec élégance, maintenant une posture altière malgré la rudesse du bois qui devait raviver ses blessures.

— Etrangers, avant de vous souhaiter la bienvenue, nous souhaitons connaître vos motivations.

Kamal ne parvint pas à percevoir qui avait pris la parole, la lumière tamisée et leur éloignement l’empêchant de distinguer les figures encapuchonnées.

— N’est-il pas de coutume d’accorder l’hospitalité en premier lieu ? ne put s’empêcher de provoquer R’yline.

— A une traitresse et un Eflamme, le doute nous est permis, lâcha une voix froide comme la glace. Une femme à en juger par le timbre.

Il sentit sa bienaimée se raidir. Avant qu’elle n’ose une lamadresse, il préféra la devancer :

— Merci de nous avoir sauver la vie et de nous avoir offert un abri, Peuple de l’Eau.

— Nous sommes l’Eauposition.

— Je n’ai jamais entendu parler de vous.

— Qu’il en reste ainsi, nous nous ferons connaître le temps venu. Vous n’imaginez pas tous les sacrifices qu’il a fallu exiger afin de rester dans le secret. Et, à qui avons-nous l’honneur ? s’enquit une voix d’homme assez fluette mais où transparaissait une autorité naturelle.

— Kamal, le…

— Le fils héritier ? s’exclama le groupe d’une seule voix.

— Lui-même.

Aussitôt des jets d’eau jaillirent pour enserrer la gorge du prince, comme de multiples lassos tandis qu’une boule aqueuse descendait du front vers le menton du prince. Sous peu, il serait complètement immergé.

Je ne suis pas mon père, affirma-t-il avec une autorité plus affirmée qu’il ne l’aurait cru.

— Cela ne change rien, nous concernant, reprit l’homme à la voix fluette.

L’eau arrivait à l’arête du nez, continuant sa progression vers l’aval.

— J’ai trahi mon géniteur et souverain. Je suis peut-être son fils mais vous connaissez l’aversion de mon père pour les traitres. Héritier ou non cela ne changera rien.

— Comment nous le prouver ? poursuivit le Naïadien.

— Les soldats qui nous traquaient.

— De l’esbroufe pour nous inciter à nous sortir de l’ombre, lâcha la voix de femme.

— Je ne doute pas de l’existence d’un réseau d’informations redoutables, sinon vous ne seriez déjà plus de ce monde. Je parie que d’autres rapports confirment des allers et venues de troupes Eflammes un peu partout sur le territoire.

Un court silence s’installa avant que Kamal ne reprenne :

— Perdre un héritier et sa favorite en une seule nuit, vous imaginez bien la soif de vengeance de mon père et le quadrillage du pays entier s’il le faut pour mettre les déserteurs sur l’échafaud.

L’eau s’arrêta à la commissure des narines.

— Pourquoi ne pas te libérer de notre Essence ?

— Car mes intentions sont pacifiques et que je n’ai rien à cacher.

— Es-tu joueur ? se moqua la voix de femme.

— Non, mais j’ai juré la vérité. Et attaquer mes sauveurs ferait de moi un bien piètre meneur d’hommes.

— Et toi, Naïadienne, pourquoi n’interviens-tu pas ? Veux-tu le voir mourir sous tes yeux ?

— Je lui fais confiance, affirma-t-elle sans détours.

D’un coup, l’eau éclata en une pluie fine qui mouillât la tête et le haut du corps de Kamal. Il vit R’yline tendre la main vers lui pour faire s’évaporer l’humidité mais il la retint d’un simple geste de la main.

L’un des Naïadiens se leva et marcha jusqu’à eux en rabattant sa capuche. Il découvrit un visage aux traits fins qui oscillait entre le féminin et le masculin avec des yeux d’un bleu profond parcouru de reflets dorés.

— V’gor, l’un des conseillers de l’Eauposition. Bienvenue chez nous.

Il tendit la main vers Kamal qui la serra aussitôt.

— Veuillez pardonner nos manières discourtoises.

— Je comprends, j’en aurais fait autant.

— Pourquoi nous avoir révéler votre statut ?

— Car je veux que la tyrannie de mon père cesse, si je peux aider d’une quelconque manière, je le ferai, rugit-il malgré lui, en fixant son interlocuteur.

— L’ennemi de mon ennemi est mon ami, sourit V’gor. Ne soyez pas surpris s’il faut du temps à nos gens pour vous ouvrir leur porte, nous avons dû apprendre à vivre en état d’alerte permanent et à ne se fier qu’à notre communauté. Je ne vous cache pas comme j’ai hâte d’échanger avec vous afin de recueillir de précieuses informations sur la cour et le palais.

Il se tourna vers R’yline, main tendue.

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