Chapitre 45 - Parmi l'Eauposition
— Vous êtes les bienvenus, le temps que cela se calme en surface.
— R’yline.
— Enchanté, R’yline.
Malgré la finesse de sa silhouette, la favorite fut surprise de la prise ferme qui lui serra chaudement la main.
— On m’a informé de votre…état. Je suis…
— J’ai fait mes choix. Je les assume et n’attends aucune pitié, rétorqua-t-elle d’un ton sans appel.
— J’en prends bonne note. Je comprends pourquoi le roi a jeté son dévolu sur vous. Bon retour parmi les vôtres.
Décidément, peu importe l’endroit où elle évoluait, tous finissaient dans sa toile, malgré elle. R’yline garda en tête qu’à tout moment cela pourrait se révéler un atout, même si une lassitude l’envahit. Une soudaine envie d’indifférence et d’anonymat.
Les solaris suivants furent consacrés à la découverte des moindres recoins de ce lieu atypique et à la convalescence. Lorsqu’R’yline avait besoin de repos, Kamal sortait et retrouvait les enfants du Peuple de l’Eau pour leur offrir des lectures variées. Ces derniers furent de plus en plus nombreux à venir écouter les contes et légendes d’un autre temps. La druidesse du village, comme elle se faisait appeler, lui demanda de l’assister afin de partager ses connaissances plus étendues et plus pointues sur l’histoire des Contrées d’Agdistiae. La favorite découvrit avec enthousiasme et à la grande surprise de l’intéressé, l’élan naturel de Kamal pour la jeune génération et l'aisance dont il n’avait jamais fait preuve avec aucun individu du temps où il vivait au palais.
Lorsqu’ R’yline se sentit mieux, Kamal fut soudain divisé entre ses responsabilités envers les enfants du Peuple de l'Eau et son devoir vis-à-vis de sa moitié. Pour la danseuse, il était hors de question qu’il délaisse ainsi ses responsabilités, mais le prince ne voulait rien entendre. C’est L’oïse qui leur ôta l’épine du pied, évitant par la même une première scène de ménage. Elle accompagna R’yline dans des balades souterraines d’un bosquet patiemment créé par la communauté.
— Je ne t’ai jamais entendu te plaindre, même lors des soins.
— J’ai appris à prendre sur moi.
— Tu es la première, non, la deuxième de cette espèce que je croise.
— Et la première ?
— C’est moi ! Je suis une vraie casse-cou, paraît-il, alors il a bien fallu assumer les multiples fractures et blessures que je n’ai pas manqué de récolter lors de mes expéditions.
R’yline rigola malgré elle, imaginant la gamine à la chevelure blanche flottant au vent, grimper de toits en toits pour finir par dégringoler, la tête dans la mousse.
— Heureusement que vous avez de quoi amortir au sol !
— Tu as raison, cela m’a sauvé plus d’une fois la vie !
Elle était complètement différente de la timide et douce D’lyss, mais sa compagnie n’en était pas moins agréable.
— Comment as-tu fini au palais ?
R’yline se raidit.
— Pardon, je n’aurai pas dû. N’hésite pas à m’envoyer paître quand je suis trop indiscrète. C’est plus fort que moi, mais je ne mords pas et ne veux pas blesser.
— Ta question est légitime surtout pour une fille de résistant qui a passé sa vie coupée du monde à parfaire sa maîtrise des armes en vue d’une révolte de l’Eau.
— Tu…
— Je n’ai rien à cacher, je vais te répondre. J’ai été… vendue par ma famille. La guerre les a fait plonger dans la misère et ma… virginité leur a permis, je l’espère, de se mettre à l’abri pour un temps. J’ai vécu de bordels en maisons closes jusqu’à parvenir au palais.
— Tu n’as pas été repérée tout de suite par le roi ?
— Comment cela aurait-il été possible ?
— J’avais cru.. Tu es tellement belle, tout le monde s’accorde là-dessus, alors j’ai cru que ta place avait été une évidence.
Le sourire d’R’yline se crispa, mais, étrangement, parler de son passé l’apaisait. Elle fuyait d’habitude de peur de remuer la vase nauséabonde de ces solemnums de servitude.
— J’ai dû faire ma place comme tout le monde. Et puis, à l’époque je ressemblais plus à une sauvageonne qu’à autre chose.
— C’est possible ?
— Évidemment !
La danseuse partit dans un rire incontrôlé face à la naïveté de sa nouvelle amie. Bientôt toutes deux rires de bon cœur. Elle se sentait revivre. Alors même qu’elle s’était éloignée, sur un chemin sans retour, de son objectif. C’était tellement grisant !
— J’ai, comment dire, évincé ma concurrence.
— C’est-à-dire ?
— J’ai profité d’une faiblesse d’une favorite pour la rendre malade et prendre sa place. Cela m’a coûté plusieurs solemnum de dettes mais, c’est grâce à cela que l’irrésistible courtisane est née. Je me suis jurée de ne plus retomber si bas. Le roi est certes violent, mais j’avais de bonnes conditions de vie.
— Alors pourquoi être partie ?
Devant le visage soudain fermé de la danseuse, L’oïse proposa soudainement :
— Viens, je vais t’apprendre à lancer une dague.
— Tu es sérieuse ?
— Et pourquoi pas ?
Elle l’entraîna en bordure du village, près d’un arbre au tronc ravagé de griffures d’armes en tout genre. L’oïse se positionna derrière son amie pour guider ses gestes. Ce contact chaud et bienveillant apaisa un peu plus l’âme d’R’yline. L’élève se montra aussi assidue que son état encore fragile le lui permettait et se refusa à rendre les armes tant qu’ L'oïse n’avait pas décidé de stopper l’activité.
C’est avec une douleur lancinante dans le poignet et des élancements dans tout le bras, qu’R’yline regagna sa chambre. Son esprit, lui, était à l’image d’une mer d’huile.
Le lendemain, R'yline fut déboussolée d’avoir exposer sa vie privée avec autant de facilité à une parfaite inconnue, mais à son grand étonnement cela avait soulagé son âme. Sa nouvelle amie semblait comprendre et compatir, sans s’apitoyer.
Les sourires que l’immaculée lançait dès que ses yeux passaient du prince à la favorite, et de la favorite au prince ne laissait aucun doute : L’oïse avait compris le lien qui unissait Kamal et la danseuse. Sans doute avait-elle déduit la raison de sa fuite.
— As-tu déjà… tu sais, fait ça à trois ? À la demande du roi ?
Surprise, R’yline n’hésita pas longtemps. Elle avait décidé d’être honnête. Le masque de courtisane était remisé dans le placard du passé, et c’était bien mieux ainsi. Elle voulait une vie authentique, peut-être pas parfaite, mais en accord avec qui elle était véritablement.
— Oui. Je me débrouillais pour être avec mon amie D’lyss.
— Elle était, comment dire, plus douée que les autres ?
— Non, mais j’ai confiance en elle. Et cela change tout en matière de plaisir. Kamal m’a permis de le confirmer.
— Je n’ai jamais eu l’occasion de le faire. Mon premier copain n’a pas osé, il a tout simplement refusé. Et après… c’est moi qui ai pris peur.
— T’es en train de…
— Non, je…
R’yline eut un sourire pleins de sous-entendus.
— Viens là.
— Je…
Ses lèvres avaient un goût de miel de fleurs de cykoï. Au lieu de la repousser, L’oïse lui rendit un baiser voluptueux. R’yline la fit reculer en douceur.
— Attends, suis-moi.
— Où…
— On n’a pas assez d’intimité ici, lança-t-elle avec un clin d’œil.
La danseuse guida la Naïadienne jusqu’à sa chaumière où Kamal lisait tranquillement un ouvrage sur la politique d’avant l’invasion. D’un ennui mortel pour R’yline. Elle lui chipa le livre et l’embrassa. L’air surpris de Kamal l’émoustilla, il semblait désarçonner de ce moment d’intimité en public, même restreint. R’yline se retourna et embrassa L’oïse. Elle osa un regard vers son amant qui les regardait avec un mélange d’envie et de gêne. Comme il était craquant !
— Tu te rappelles notre accord, dit-elle à Kamal en le fixant intensément. Tu ne pourras pas refuser.
Kamal se raidit. Il semblait partagé entre l'envie de fuir et celle de se laisser aller à de nouvelles découvertes pour lesquelles il manifestait un appétit nouveau. R'yline vint encore l'embrasser.
— Alors ?
— Je... J'ai promis.
Elle fit de nouveau face à sa partenaire et souleva la tunique pour permettre à sa langue de jouer avec les tétons qui durcirent aussitôt. Kamal hésitait, observant avec une excitation manifeste les deux femmes attiser le feu du désir. La danseuse se releva pour fusionner sa bouche avec celle de la Naïadienne. Tout en invitant sa langue dans celle de sa partenaire, la favorite attrapa le bras du prince et le tira doucement à elles. R'yline embrassa son amant, glissant une main sous le vêtement d'L'oïse pour jouer avec sa poitrine. Puis elle rapprocha ses partenaires les invitant à s'embrasser. Kamal, confiant malgré l'appréhension, posa ses lèvres sur celles d’L’oïse, dont les joues s'empourprèrent d'une jolie teinte indigo. R’yline ôta le haut de la rebelle et suça goulûment les tétons saillants. Lorsque Kamal lâcha prise et glissa sa langue, L'oïse lâcha un gémissement. Kamal redressa sa bien-aimée et l'embrassa, avide, tout en faisant glisser sa robe sur le sol. Il attrapa des deux mains les seins fermes. L’Oïse, frustrée d’être mise de côté, retira en hâte son pantalon puis s’afféra à déboutonner celui du prince pour le faire rejoindre le reste des vêtements. R’yline s’écarta, guida l'héritier vers la couche pour le faire asseoir jambes écartées afin d’engloutir son pénis. L’Oïse se hissa sur le matelas, se colla au dos nu du prince pour caresser son torse, tout en unissant leurs lèvres. Lorsque leurs langues se touchèrent, un râle résonna dans la pièce. Kamal bascula en arrière pour venir explorer de sa langue le pubis offert par l’immaculée. Cette dernière sentit son sexe s’humidifier au contact délicat.
Gêné dans ses mouvements, Kamal engagea ses partenaires à venir s’affaler sur le lit. Frustrées par la sensation de vide ainsi provoquée, les deux femmes se collèrent l’une à l’autre pour se caresser la langue sous les yeux envieux du prince. Leurs mains glissèrent respectivement vers l’entrejambe de l’autre pour jouer avec le clitoris. À bout de patience, le prince vint se positionner contre R’yline, caressant sa poitrine tout en la pénétrant par l’arrière. Alors que Kamal accélérait le rythme, L’oïse gémit bruyamment. R’yline se déconnecta alors de son amant pour venir embrasser tendrement la Naïadienne avant de faire face à Kamal et de venir se placer à califourchon sur son torse. Le prince laissa les rênes à sa dulcinée qui l’enfourcha dans l'instant. Son clitoris frottait à chaque va-et-vient et, alors que tout son corps s’électrisait, une vague d’extase la parcourut. Au même instant, le prince poussa un grognement, pris de soubresauts.
R'yline se renversa sur le côté pour venir se lover contre l’homme de sa vie.
Une pensée la traversa soudain : avait-elle eu un orgasme ? Elle en avait entendu parlé, bien entendu, mais jamais aucun homme ne lui avait offert cette jouissance absolue. Oui, il n’y avait pas d’autre mot pour décrire ce qu’elle venait de ressentir.
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