Chapitre 52 - L'arrivée du roi
Kamal relisait pour la vingtième fois, l’édit qu’il préparait en cas de réussite de l’opération. Il n’avait pas souvenir d’avoir trouvé, un solaris, une lecture aussi fastidieuse. Il voulut se convaincre que s’envisager à la tête du pays et de tout ce que cela impliquait, était la cause de son manque de concentration. Rien n’y faisait. R’yline occupait toute la place dans son esprit. Il voyait onduler le bleu de ses iris. Puis c’était la sensation de ses lèvres sur sa peau. Ou l’odeur iodée qui flottait autour d’elle.
Résigné, il décida de marcher pour se changer les idées. Il fit le tour du dôme sous-marin, l’humeur toujours égale. Le prince soupira, fit craquer ses phalanges. Il soupira à nouveau avant de se cogner la tête contre un arbre.
Il était convenu d’attendre le retour du guetteur, il en fut incapable et sortit du refuge pour se joindre aux observateurs. Les nuages presqu'invisibles d'R'yline venait de permettre sa localisation. Kamal sentit le soulagement relâcher des tensions dans ses épaules. Vivante. Ne pas penser à son état. Se focaliser sur la suite du plan. Elle était vivante et cela devait lui suffire.
Parti avec précipitation, il n’avait pas anticipé la chute des températures au crépuscule. Frissonnant et quelque peu rassuré, il prit la décision de revenir au village pour terminer sa rédaction. Son père serait bientôt là, et tout devait être prêt.
Pour éloigner l’angoisse, il travailla d’arrache-pied toute la nuit et le solaris suivants avant de s’effondrer sur la pile de documents.
Il se sentit secoué.
— Kamal, réveille-toi. Le Conseil se réunit pour valider les derniers détails de l’opération.
Grognement.
— Je pense que tu m’en voudrais si je te laissais dormir pendant que nous décidons de la suite. Après tout, c’est de ton plan et de ton royaume qu’il s’agit.
Le prince remua, s’étira avant de tourner la tête vers son interlocuteur.
— Désolé V’gor, je suis tombé de fatigue.
— Tiens, voilà de quoi t’aider à te réveiller, lui dit le Naïadien en lui tendant une tasse fumante.
— Merci, articula l’héritier la voix enrouée.
— J’annonce ton arrivée sous peu. Tu peux rater le cérémoniel d’ouverture. Cela te laisse le temps de profiter d’un bon repas avant de te joindre à nous.
— Elle envoie toujours des signaux ?
— Au crépuscule, comme convenu.
Kamal prit le temps de reconstituer ses forces avant de retrouver le Conseil pour valider le positionnement de chaque escouade de rebelles et la logistique nécessaire à la surpopulation imminente dans le village et alentours. L’efficacité de l’Eauposition lui permit de se ménager tandis que chacun répartissait les tâches jusqu’à l’attaque décisive. Des espions avaient validé l’arrivée du messager de Sire Guelvetor au palais, l’attaque ne tarderait plus. Lorsque la séance fut levée, ses pas le dirigèrent vers l’un des postes d’observation. Il n’y avait rien de nouveau à signaler. Comme il avait hâte que tout cela fut derrière eux ! Il se découvrait une impatience insoupçonnée jusqu’alors.
Kamal se força à ne pas imaginer R’yline seule, tremblante et frigorifiée.
Il attrapa un ouvrage mental, tout en observant la rue en contrebas, l'entrée du domaine de Sir Guelvetor. Le prince se plongea avec envie dans l'histoire qui serait gravée sous peu dans le marbre : la révolte du Peuple de l'Eau et la mort du roi Eflamme. Son plan n’avait pas le droit d’échouer. Il en allait de la survie d’R’yline et de leur bonheur. De la suite, le prince était moins sûr, mais il l'appelait de ses vœux.
Un bruit sourd le sortit de sa rêverie. Des chevaux arrivaient au galop. Le roi pouvait-il déjà être arrivé à destination ? Il savait son père impulsif, mais à ce point ? En même temps, que risquait le maître de la Terre d'Urca ? Et plus tôt arrivé, plus tôt il pourrait châtier la rebelle et ainsi tourner la page.
Aux Naïadiens de changer le cours de l'histoire. Ils allaient pouvoir passer à l’action ! Curieusement, l’idée anima le prince, lui le contemplatif lunaire. La pensée l'exalta un court instant avant que l'image de son père ne s'affiche en grand dans son esprit. Non, il ne serait jamais comme lui !
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