Chapitre 52 - Assaut
Kamal s'était absorbé dans le travail pour ne pas penser. Le jeune homme était impressionné par la quantité d'armement et la rigueur des hommes du Peuple de l'Eau. Ils n'étaient pas loin de mille à s'être rassemblés en toute discrétion aux abords du domaine, armés jusqu'aux dents. Leur nombre dépassait largement l'ennemi, mais s'ils voulaient être sûrs de mettre fin au jour de leur bourreau, mieux valait ne lui laisser aucune chance.
Au crépuscule, le prince retourna à son poste d'observation. Lorsque deux roulottes passèrent le porche d'entrée, il sut que le moment ne tarderait plus. Son corps avait soif de combat. Le prince ne se reconnaissait pas. D'où lui venait ce tempérament impétueux ? Décidément, R'yline avait métamorphosé l'eau calme qui dormait en lui, en un brasier d'amour et de détermination.
L'héritier resta longtemps à contempler la herse abaissée sur la porte de bois massif, dans un état second. Lorsque la grille métallique commençât son ascension, le signal fut donné. Des ombres glissèrent jusqu'au portail qui se leva légèrement, juste assez pour pouvoir permettre à un homme de petite taille de se faufiler en dessous. Lorsque Kamal se baissa pour accéder à l'intérieur de l'enceinte, il vit deux serviteurs Naïadiens accueillir et guider la rébellion. Ils avaient décidé de diviser le groupe en deux : la moitié s'infiltrerait, tandis que l'autre encerclerait la demeure du seigneur afin d'éviter toute tentative de fuite. S'il en tuait pas le roi cette nuit, il ne le tuerait jamais. Eux, par contre, seraient tous morts sous peu.
Deux autres hommes à la peau bleu claire se joignirent à eux pour les mener jusqu'à la salle de réception. Ils croisèrent quelques corps étendus, la bouche pleine d'eau. La tension fut perceptible le temps que chacun se rassemble à l'angle du couloir. Si un invité sortait pour une raison quelconque, l'alarme serait donnée avant que la rébellion ne soit prête. Kamal sentit son coeur accéléré. Le bruit sourd emplissait ses oreilles. La respiration rapide de ses voisins attisait l'adrénaline qui circulait soudain dans tout son corps.
La chance, ou bien une bonne étoile veillait sur eux.
Lorsque le couloir fut envahi d'ombres bleutées, V'gor lançât le signal. Aussitôt, les résistants se déversèrent dans le salle d'apparat, au milieu d'hommes à demi-dénudés, certains complètement nus déjà à califourchon sur une créature Eflamme, tellement alcoolisés qu'il ne semblait pas comprendre ce qui était en train de se passer. Le roi, malgré les quatre verres vides devant lui, réagit aussitôt. Il se leva, secoua les hommes à ses côtés avant de sortir une dague de son fourreau et de former une boule enflammée de l'autre.
Kamal hésita un instant. Pouvait-il tuer son propre père et souverain ? Le hasard ou le destin décida alors pour lui. V'gor et L'oïse se précipitèrent sur le souverain pour engager le combat. Un homme se rua sur le prince, épée en main. Il vit l'éclat de la lame et para prestement. Les deux combattants échangèrent quelques coups d'estoque avant que Kamal ne lance une boule de feu que l'autre contrat maladroitement, trop enivré qu'il était. Le feu embrasa sa tunique et, le temps que le soldat n'ôte le braiser naissant, Kamal lançait un nouveau projectile enflammé dans le dos de son adversaire avant de lui asséner un coup d'épée en travers de la gorge. Le prince releva la tête pour voir face à lui V'gor lancer un jet d'eau sur la tête de son père qui para d'une boule de feu. Un crépitement sonna le glas de l'attaque, suivi d'une fumée grise. L'oïse n'attendit pas que son partenaire soit de nouveau prêt à l'assaut et se précipita sur celui qui avait lancé l'opprobre sur sa famille. Elle se rua sur le roi, les deux mains sur son épée. Le tyran, dont les réflexes étaient plus aiguisés, para de son épée et projeta de sa main libre un jet de flammes qui brûla le visage de la Naïadienne. Kamal voulut lui venir en aide, mais un Eflamme surgit derrière elle et la transperçât de sa lame. Elle s'effondra dans un mélange de sang et de flammes avant de finir carboniser.
Kamal restât figé. Il vit sans pouvoir réagir, le nombre des ennemis se réduisit à la vitesse de l'éclair et former un cercle entouré de nombreux Naïadiens. Bientôt, ces derniers rompirent la formation défensive et la fin de l'élite Eflamme fut aussi brève que sanglante. Le roi fut transpercé d'une dizaine de lames emmenant avec lui trois ennemis supplémentaires.
Lorsque le corps massif du tyran toucha le sol, Kamal se sentit revenir à lui. Ses jambes s'activèrent et il se rua dans les couloirs de la demeure seigneuriale. Perdu dans les méandres des pièces et couloirs, il maudit sa précipitation. Il aurait dû chercher un guide avant de se lancer à la recherche des geôles. Il finit par croiser de petits groupes de rebelles en quête de fuyards qu'ils s'évertuaient à éliminer de façon systématique. L'un d'eux, anciennement cuisinier, lui indiquât la direction des sous-sols. Kamal accéléra sa course. Il arriva le souffle court devant une grille massive. L'homme de garde était déjà mort. Pourvu qu'elle...
Il ne s'attarda pas davantage sur ses pensées et se rua dans le couloir sombre et crasseux. Devant chaque nouvelle cellule, son coeur s'accélérait. Puis le coup de massue de la déception. En constatant les deux portes restantes, sa poitrine se serra. Si elle n'était pas dans l'une de ces deux dernières cellules, où était-elle ? Il n'avait pas envisagé qu'elle ait pu être déplacée entre temps.
À droite : un Eflamme en pleine conversation avec deux rebelles.
Plus qu'une.
À gauche : une femme pelotonnée, les deux mains devant elle d'où émanait un cercle d'eau. Ce dernier se déversa sur le sol au moment où les yeux topaze croisèrent le regard du prince. Les mains tremblèrent. Kamal lâcha son épée et courut jusqu'à elle. Il attrapa son visage plongeant son regard dans le sien. Allait-elle bien ? Leur échange muet lui permit de voir la peur mais l'intégrité physique préservé de sa bienaimée. Il l'étreignit alors avec force et baisa sa chelevure emmêlée.
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