Chapitre 60 - Un air de changement
Kamal fut pris de court face à la porte ouverte, la main encore suspendue en l’air, prête à toquer.
— Je te dérange peut-être. Je peux repasser à un autre moment.
R’yline sembla hésiter avant de l’inviter à entrer.
— Non, je venais te parler. Entre.
L’héritier s’assit sur le lit où R’yline le rejoignit, tendue.
— Je suis désolé, je me rends compte que mon attitude a été… désobligeante ces derniers solaris. Je…
— Je comprends, répondit la danseuse.
Les épaules de Kamal se détendirent.
— Après le Conseil je pourrais redevenir moi-même. En attendant, je dois me concentrer sur la réforme politique que je vais présenter. Si je n’ai pas tout verrouillé, j’ai peur de me retrouver piégé à devoir siéger sur le trône. Merci de ta compréhension et je suis navré de cette négligence.
La surprise se lisait sur son visage. Elle allait finir par devenir un livre ouvert, à force de s’autoriser à exprimer qui elle était véritablement. Ce constat amusa le prince malgré lui, mais il fit bonne figure en gardant son sérieux. Cet élan aurait pu être mal interprété.
— Que veux-tu dire par « piégé sur le trône » ? finit-elle par demander.
— Je… Il est vrai que je ne t’ai pas exposé ma pensée, je n'étais pas encore sûr de pouvoir la faire aboutir. Je t'ai juste demandé ta confiance. Je me rends compte que c’est assez flou. Pourquoi ne m’as-tu pas demandé de précisions ?
R’yline haussa les épaules.
— Tout s’est très vite enchaîné.
Il prit ses mains dans les siennes.
— Le pouvoir ne m’intéresse pas et, je suis convaincu qu’il revient à son peuple. L’idée d’une lignée royale décidant pour tous les habitants me révulse. Pourquoi une seule personne, choisie par naissance devrait avoir entre ses mains la vie de tant d’individus ? J’ai beaucoup lu sur le sujet. Je vais proposer une réforme afin de créer une assemblée, formée de membres du peuple élu par lui, pour prendre les rênes du pays. Il me faut rédiger les textes et trouver des appuis avant le Conseil pour éviter la poursuite de nos amis ainsi qu’une place vacante qui attirera la convoitise de toutes les familles influentes. Je ne t’ai même pas demandé comment s’était passée ta période de captivité. Je t’ai négligée.
Le prince lui caressa la joue.
— Je n’ai pas été abusée. J’ai eu froid et faim, mais j’ai connu bien pire après avoir été vendue.
— J’en suis soulagé. J’aurais tué la moindre personne qui t’aurait fait du mal !
— Que comptes-tu faire ensuite ? interrogea-t-elle, hésitante.
— À nous de le décider.
Il sentit les mains d'R'yline trembler. Il attrapa la larme qui roulait sur sa joue.
— Merci, murmura-t-elle.
— De quoi ?
— De croire en nous.
Kamal l’enlaça. Sa tête posée sur son torse, il se raidit avant d’ajouter :
— J’ai… J’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer.
La jeune femme recula pour le regarder en face et hocha la tête.
— L’oïse…
Il baissa les yeux. R’yline finit la phrase dont elle avait compris le sens.
— Est décédée lors de l’attaque.
— Oui, souffla-t-il la voix érayée.
La Naïadienne éclata en sanglots. Kamal resta à ses côtés jusqu’à ce que les larmes se tarissent. La voix d'R'yline était brisée d’avoir tant pleurer, ses yeux rougis d’émotion.
— Merci d’être resté près de moi, hoqueta-t-elle. Je… Je vais essayer de dormir un peu. Tu as du travail qui t’attends.
— Tu es sûre…
— Tu fais les choix justes pour ton peuple et tu m’offres un bonheur auquel je n’ai jamais osé rêver. Il me faudra du temps pour faire mon deuil, mais si tu peux être fort pour ton peuple et pour nous, je le dois aussi.
Après de tendres baisers, Kamal s’arracha à l’étreinte d’R’yline pour se dévouer à la tâche qui l’attendait et qui offrirait la liberté à son peuple, aux Naïadiens, et à lui-même.
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