Chapitre 1- Ryu

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-6 ans plus tard, dans le même village-

-Le journal de Ryu, introduction-

Alors que je n'étais pas encore né, mon père est mort, pour permettre à ma mère de vivre. Mais ma mère aimait trop mon père, et sa mort a laissé une blessure dans son cœur et son âme, que ma présence, moi qui ressemblait tant à mon père, ne faisais que raviver jour après jour. Sans rien laisser paraître, ma mère m'a élevé du mieux qu'elle put, seule, et m'a appris beaucoup de choses qui m'ont permis de survivre jusques aujourd'hui. Mais au fur et à mesure que le temps passait, malgré les sourires, son regard restait encore et toujours triste. Les yeux sont le reflet de l'âme, dit-on. Et avec les années, c'est son corps qui finit par lâcher. On aurait pu croire qu'elle était atteinte d'une maladie grave, mais la vérité, je la connaissais, c'est que ma mère était morte depuis bien longtemps, à l'intérieur. Voir sa mère mourir petit à petit devant ses yeux n'est pas une bonne expérience, d'autant plus quand tu sais que tu fais partie des raisons de sa mort, par ta simple présence.

C'est à 10 ans que je suis devenu orphelin. Le médecin qui s'était occupé de ma mère toutes ces années commença à s'occuper de moi, et sans lui, je pense que je serais mort de désespoir depuis bien longtemps. C'est lui qui m'a appris qui était mon père : le commandant des armées impériales de Cesarius, l'empereur bleu. Mais après avoir rencontré ma mère, alors que la guerre éclatait au sud avec l'émergence de l'empereur noir, mon père a déserté, lassé des combats, pour fonder une famille. Malheureusement pour notre famille, la guerre les a vite rattrapés, et mon père s'est sacrifié. Et alors que j'écoutais l'histoire de Granny, le vieux médecin, je posais la question suivante « Mais... Pourquoi la guerre a-t-elle eu lieu, si les gens comme papa ne voulaient pas se battre ? ». Le regard emplis de tristesse, Granny me répondit alors quelque chose dont je me souviendrais toujours « Nous vivons dans un petit village, alors tu ne t'en rends peut-être pas compte, mais regardes le chef du village : il doit s'occuper de nos problèmes à tous, et de notre survie en cas de danger. Notre village fait partie d'un bien plus grand tout, un pays, et le chef de ce pays, notre Roi, doit se soucier de l'avenir du pays tout entier. Notre Roi est un roi sage, qui ne cherche pas de querelles inutiles alors que son pays n'est pas en danger. Mais dans certains pays, le chef n'est pas un roi mais un empereur. Les empereurs sont des gens à part, des êtres étranges qui bien au-delà des considérations de survie, jouent avec la vie de leurs sujets comme avec des petits soldats pour conquérir le monde. Il n'existe pas que des gens bons sur terre, Ryu. Et certains, grisés par le pouvoir et le combat, se lancent dans des guerres sans raisons, car s'il n'y a pas de raison au déclenchement de la guerre, il n'y aura pas de raison pour que la guerre s'arrête. La guerre qui a éclaté il y a désormais 12 ans fait partie de ces guerres-là : un nouvel empereur est apparu au Sud, et il a décidé sans raison de nous attaquer. »

« Le monde n'est pas juste » C'est la découverte que je fis ce jour-là. Les puissants contrôlent le monde, et choisissent la guerre ou la paix. Alors que certains n'aspirent qu'à vivre paisiblement dans leur village, alors que d'autre veulent fonder une famille, la guerre est un rouleau qui écrase les souhaits et volontés des gens, et les entraîne dans un combat qu'ils n'ont pas envie de mener. Car même si tu fuis la guerre, elle finis toujours par te rattraper. C'est la dure réalité de notre monde.

D'ici quelques jours, j'aurais 16 ans. A cet âge-là, les hommes et femmes bien portants sont réquisitionnés à la capitale pour leur service militaire, et même dans un village perdu comme le nôtre, personne n'échappe à la règle. Jusqu'à il y a 4 ans, notre pays était resté loin des champs de batailles, mais il est dit qu'un jour l'empereur Cesarius est venu au palais et que depuis ce jour, notre pays si paisible est rentré en guerre : c'est comme ça, on n'échappe pas à la guerre et si on essaye de la fuir, quelqu'un viendra et vous rappellera la réalité de ce monde.

Du coup, dans notre village, il n'y a que des enfants, des mères ou des vieillards. C'est pour cela que j'ai du apprendre à chasser, pécher, cuisiner, jardiner, et tant d'autres choses très jeune. Ma mère, qui était magicienne, m'avait appris quelques bases, et depuis je me suis entraîné tout seul. Quand j'ai découvert que je serais moi aussi réquisitionné à mes 16 ans, j'ai commencé à m'entraîner à me battre à l'épée, mais tout seul ce n'est pas vraiment efficace. Mais grâce a tout cela, je devrais être en mesure de réaliser mes objectifs : déserter, et trouver un moyen d'arrêter la guerre. J'ai parlé de mes intentions au chef du village, et tout le village m'a donné son accord ; ce sont tous de bonnes personnes, qui ont veillé sur moi depuis la mort de ma mère, alors j'espère que ma désertion ne leur causera pas trop de problèmes.

Il n'y a pas beaucoup d'enfants au village, alors mon seul ami, c'est Rudy, un jeune garçon de 12 ans plein d'énergie et toujours positif, donc je pense qu'il se remettra vite de mon départ. Le seul qui m'inquiète , c'est Granny, qui n'est plus tout jeune, mais comme il a toujours vécu seul je penses qu'il s'en sortira, même s'il sera sûrement un peu triste.

-Le journal de Ryu, Premier chapitre : le départ-

Le matin du grand jour, le jour avant mes 16 ans, je me suis levé à l'aube, car d'après la carte il me faudra une bonne journée de marche pour arriver à la capitale, alors dans le doute j'avais prévu de partir tôt. Granny m'attendait sur sa chaise à bascule, somnolant comme toujours.

« [...] mmmm... Ouah ! hum.. ah, c'est toi Ryu ! Alors c'est le moment, hein ? Tu va donc laisser un vieil homme comme moi tout seul ? T'as pas honte, sale gosse ? Moi qui me suis occupé de toi toutes ses années ! ».

Décontenancé, je ne sais pas trop quoi répondre, je pensais pourtant qu'il était d'accord... Mais il faut croire que je m'étais trompé.

« Ahah ne fais pas cette tête voyons, me dis pas qu'après 6 ans à vivre avec moi tu ne sais toujours pas quand je rigole ? Je suis d'accord pour dire que tu peux survivre par toi-même, mais tu devrais peut être essayer de mieux comprendre les êtres humains pour commencer non ? Enfin bon il est trop tard pour ça, alors tu apprendras pendant ton voyage je suppose. »

« Merci pour tout, Granny. Si tu n'avais pas été la pour moi je me demande bien ce que j'aurais fait ce jour-là. »

« Bah n'en parlons plus, tu m'as déjà remercié bien assez par le passé. Tout ce que je te demande c'est de prendre soin de toi et puis de ne pas oublier le vieillard que je suis ! Même si tu ne reviens pas, envoie moi des lettres de temps en temps, ça me fera plaisir. Tu sais, quand on est vieux comme moi, même des petites nouvelles font plaisir. »

« Ne t'inquiètes je reviendrais quand même, j'aurais trop peur que tu finisses ta réserve de bouteilles pendant que je suis absent alors fais attention je peux revenir à tout moment. »

J'ai alors cru voir une larme dans l'œil de Granny, mais il s'est essuyé les yeux dans sa manche, et il n'y avait plus rien. « Granny est pudique après tout, il pleurera sûrement comme une madeleine une fois que je serais parti » ai-je alors pensé. J'ai pris le vieil homme dans mes bras une dernière fois, puis sans aucun regard en arrière, j'ai quitté la maison de Granny. Je suis sensible dans le fond, et Granny est comme un grand-père pour moi, alors le quitter me rends triste. Mais je pars pour un long voyage, et partir en pleurant m'aurait laissé un sentiment amer.

Alors que je mettais mon sac sur mes épaules, une ombre m'a sauté dessus à pleine vitesse. Par pur réflexe, j'ai fait un pas sur le côté, pour voir Rudy s'écraser à mes pieds.

« T'es vraiment pas sympa, Ryu, moi qui venais te dire aurevoir, alors qu'il est encore super tôt ! »

« Faut dire qu'à cette heure-là, je ne m'attendais vraiment pas à te voir, désolé, Rudy. »

Alors que je l'aidais à se relever, Rudy s'est jeté dans mes bras. Je sentis mon t-shirt se mouiller alors qu'il pleurait.

« Je vais être tout seul maintenant, hein ? »

« Désolé Rudy... Mais tu sais pourquoi je dois partir n'est-ce pas ? Et puis si je ne pars pas aujourd'hui, ils m'emmèneront quand même demain.. Sois fort, maintenant c'est toi l'homme du village ! »

« L'homme du village, hein ? » Il s'est écarté de moi et a essuyé ses larmes.

« Bahaha ne t'inquiète pas, je prendrais soin du village ! ... Alors prends soin de toi, d'accord ? Et quand tu auras arrêté cette fichue guerre, reviens ! »

Rudy me regardait avec des yeux auxquelles je ne pouvais pas dire non. Alors je me suis contenté d'acquiescer, et après une dernière embrassade, j'ai finalement quitté le village, pour poursuivre mon seul but : Stopper la guerre, à n'importe quel prix.

Il est temps pour un petit point de géographie : mon village est situé dans le Pays d'Antan, au pied ouest des monts Agés, qui coupent le pays en deux. Ma destination est la cité d'Aragar, capitale du Pays d'Antan. Grâce aux quelques notions de géographie apprises de Granny, je sais qu'il me faudra aller plein ouest pendant environ une journée pour y arriver.

Je suis donc parti plein ouest comme prévu. Comme Granny m'a donné une boussole, je n'ai même pas besoin de suivre la route, ce qui évite un éventuel contrôle de l'armée, bien que je n'en ai encore jamais vu. Le chemin que j'emprunte, je dois le tailler moi-même à travers la forêt et les champs, mais la végétation n'est pas trop touffue donc je n'ai pas trop de problèmes. A midi je décide d'une pause repas, et je mange au milieu des prés, seul. Ce n'est pas la première fois que je suis tout seul dans les prés, mais savoir que je ne reviendrais plus avant longtemps me fais un effet bizarre. Je ne pense pas à grand-chose en marchant, je me concentre sur la direction, sur les éventuelles bêtes sauvages (quoique la probabilité de tomber sur quelque chose de plus hostile qu'un sanglier en colère est très faible dans la région) et puis j'apprécie tout simplement la marche.

Mais le soir arrivant, je commence à me poser des questions sur la cité. « peut-être me suis-je trompé, et j'en aurais pour 2 jours plutôt qu'un ? » Ce qui m'inquiète surtout, c'est que nous sommes en hiver, et que bien que la température avoisine les 5 degrés en journée, elle descend drastiquement la nuit, pour parfois atteindre les -15. Dans ces conditions, bien qu'assez bien couvert, j'aurais préféré éviter dormir dehors. Je décide donc de continuer à marcher de nuit. Heureusement je maîtrise quelques sort de magie de feu, donc je ne marche pas dans le noir complet. Je marche ainsi toute la nuit.

Au matin, ne voyant toujours pas la ville arriver, je décide de dormir. C'est le froid qui me réveille vers midi : la température a chuté, et la météo ne me dis rien qui vaille. J'aurais dû m'en douter, on s'approche de la saison des grands froids. Mais je pensais atteindre la ville hier soir, et en plus de mon équipement non adapté, je vais bientôt manquer de nourriture.

Le problème c'est qu'avec ce froid il est quasiment impossible de chasser. Je prie alors pour arriver avant la nuit, et je reprends ma marche plus rapidement, toujours plein ouest. A la nuit, toujours rien. Je suis exténué, mais je n'ai plus rien à manger, alors je continue, éclairé par ma boule feu. Au milieu de la nuit, de la neige commence à tomber. J'espère vraiment qu'elle ne tiendra pas jusqu'au matin.

Mais à mesure que la nuit passe, la neige tombe de plus en plus fort, et lorsque le matin arrive enfin, je me rends compte que le paysage est recouvert de neige, et qu'elle m'arrive jusqu'aux genoux. Dans ces conditions, impossible de m'arrêter pour dormir, et oublions la recherche de nourriture. Mon corps est à la limite de la rupture : deux nuits blanches, plus de nourriture depuis 24h, et le froid qui s'accentue de plus en plus, et qui commence à s'immiscer à travers mon pantalon trempé par la neige. Néanmoins je continue, n'ayant pas d'autres choix. Je commence à douter de mes capacités à réaliser mon objectif, si je n'arrive même pas à rejoindre la capitale. Je me maudis de ne pas avoir prévu plus de nourriture, ou des habits plus adaptés. Mais comme me maudire ne changera rien, je n'y penses plus, et je continue. Quand le soir commence à tomber, la neige tombe toujours, et je marche désormais dans une poudreuse m'arrivant jusqu'à la taille. Je ne sens presque plus mes doigts de pied, mais par contre je n'ai plus faim. Mon esprit se perds dans des pensées insensées alors que mon corps et mes yeux réclament du repos.

C'est vers minuit que la neige s'arrête, et moi aussi. Mon corps a dit stop, je m'effondre dans la neige. J'aurais pu mourir à ce moment-là je pense. Mais mon instinct de survie a repris le dessus et m'a réveillé, après je ne sais combien de temps allongé dans le froid. Mon corps est tout engourdi. Je repars, encore. Dans la nuit, j'ai des crampes d'estomac, sûrement à cause du manque de nourriture. Je ne sens ni mes pieds, ni mes doigts, et mon corps ne peux pas s'empêcher de trembler. Je sens ma conscience sombrer petit à petit à cause de la fatigue et du froid, alors j'essaie de me réveiller en me giflant. Mais je ne sens ni mes doigts, ni ma joue. A l'aube, je retombe. Mais cette fois, je ne me relève pas.

A ce moment encore, j'aurais pu mourir. J'étais en plein milieu de nulle part, dans un champs recouvert de plus d'un mètre de neige, et comme je m'étais effondré on ne voyait sans doute même pas mon corps. Mais je ne devais pas être mort puisque je sentais une douce chaleur à côté de moi. J'ai entrouvert les yeux, et dans le flou j'ai vu une silhouette, du feu dans une main et un bâton dans l'autre s'approcher de moi. « Oh ! un magicien cliché » ai-je alors pensé avant de resombrer dans les ténèbres.

Note : Son propre feu ne peut réchauffer un magicien, à moins de l'utiliser pour faire brûler quelque chose. Mais une autre personne sentira la chaleur du feu du magicien.

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