Terreur
"Peur extrême qui bouleverse, paralyse"
Le soleil se lever enfin sur la propriété encore endormie. Alors que ses rayons commençaient à réchauffer l’atmosphère, Ovide se présenta devant Harold à huit heures, comme convenu. Il s’était habillé de sa plus belle chemise, ainsi qu’un pantalon non troué. Il s’avança vers son beau-père qui s’était lui habillé de manière très chic : un costume vert pomme ainsi qu’une paire de chaussure en peau de crocodile. Ils prirent une diligence qui les emmena en ville. Harold ne parla pas une seule fois au jeune homme qui trouva le temps extrêmement long. La ville où ils se dirigeaient se nommer Golden Meadow et se trouvait à quelques heures de route.
Ils arrivèrent peu avant midi et s’arrêtèrent en centre-ville. Ovide sortit en premier et découvrit ce lieu plein de vie : de nombreux magasins bordaient les rues, des gens passaient par dizaines, certains se dépêchant, d’autres nonchalamment. De nombreux rires et de la musique venait d’un saloon plus loin dans la rue. Des diligences se croisaient encore et encore, ainsi que des passants à cheval et à pied. Un boucher se tenait un peu plus loin et découpait sa viande à la vue de tous, hurlant de temps à autre que ses produits étaient les meilleurs du coin. Un magasin de provision à côté se trouver bondé de monde. On entendait quelques fois des coups de feu et des gens galoper à vive allure dans les rues adjacentes. Différentes odeurs de poudre, de viande cuite, d'épices, de parfum, de bois et de merde se mélangeaient pour parvenir finalement aux narines du jeune homme qui boucha dans un premier temps son nez. Il regarda toute cette agitation, lorsque Harold sortit à son tour et l’interpella :
— Viens, nous avons des courses à faire. Une fois qu’on aura fini ici, on ira dans un endroit plus tranquille que j’affectionne particulièrement.
— Bien… répondit-il.
Son beau-père l’emmena dans différents magasins toute la journée, tantôt pour acheter des fournitures, tantôt pour vendre ses propres fabrications à des connaissances avec lesquelles il buvait plus que ce qu'il commercait. La journée paraissait longue et ennuyante pour Ovide qui malgré tout, ne montra aucun signe d’ennui pour ne pas paraître impoli. Peu avant vingt heures, ils s’éloignèrent du centre-ville.
— Nous allons maintenant voir un vieil ami à moi, commença Harold. Je vais te demander de faire bonne figure et de ne parler que lorsqu’on te le demande. Il est assez... particulier. Ne le regarde pas directement dans les yeux. Il a horreur qu'un noir le défi.
Ovide ne répondit pas et acquiesça juste de la tête. Ils arrivèrent devant un vieux bâtiment délabré qui semblait abandonné. Un mur était affaissé et les vitres avaient disparu depuis longtemps. Harold emmena son gendre à l'intérieur qui était vide. Seuls des décombres jonchés le sol et ils prirent des escaliers qui les emmenèrent dans une sorte de cave. Là, un homme posté devant une porte en bois dévisagea Ovide.
— Tiens, Harold ! Comment vas-tu ? C'est qui ce gars-là ?
— Bill ! Ça va et toi ? Voilà une éternité que l'on ne s'était pas vu ! s'écria-t-il.
— Eh oui... Monsieur Cat m'a demandé de partir pour New-York afin de lui ramener des marchandises tout droit venus d'Europe. Le voyage a été long mais j'ai eu une sacrée prime ! rigola l'homme.
— Alors tu as bien fait ! L'argent, il n'y a que ça qui compte ! ria Harold. Je te présente Ovide. C'est mon gendre... Et s'il doit entrer dans ma famille, il se doit de connaître cet endroit ! Je vais lui présenter James et on va passer la soirée ici.
— Très bonne idée ! Je vous laisse entrer alors ! Passez une bonne soirée.
Les deux hommes entrèrent et Ovide s'arrêta un instant. La pièce, aussi lugubre que celle du haut, se trouvait néanmoins différente. Devant lui, des hommes faisaient une ronde autour d'une balustrade. À l'intérieur, deux chiens se battaient à mort. L'un d'eux, déjà bien amoché, se fit mordre au cou par le second. Il hurla de douleur et trébucha. Le deuxième se reposa un instant sous les cris de la foule qui l'inciter à finir le combat. Un des hommes, dans une colère noire, braillait après celui qui était à terre pour qu'il se relève. Le chien se releva et s'approcha de son maître qui lui mit un coup de pied par-dessus la rambarde. Le molosse tituba et pleura. Son adversaire lui sauta à la gorge et le taillada une fois de plus. Un coup de feu partit alors et traversa de part en part le chien blessé. L'homme se mit à hurler que son chien ne valait rien et il s'énerva auprès des autres qui se moquaient de lui. Les yeux marron d'Ovide se mirent à devenir humide en voyant toute la scène. Harold le regarda du coin de l'œil et se mit à ricaner.
— Ne t'inquiètes pas, je ne t'emmène pas voir cet endroit sordide. Nous allons au fond.
Les deux hommes traversèrent la salle, tandis qu'un deuxième combat allait commencer. Un autre garde était posté à la porte, en fer, cette fois-ci.
— Harold ! Mon vieil ami !
— Sam !
— Voilà bien une semaine que l'on ne t'a pas vu dis-moi ! Et qui nous ramènes-tu ?
— Ovide. C'est mon gendre.
— Oh, je vois... Bien, entre donc !
— Merci.
— Toi, je vais devoir te fouiller, ajouta le garde en se tournant vers le jeune homme.
— Quoi ? Mais pourquoi ?
— Simple précaution, ne le prend pas contre toi.
— Mais... Et Harold ?
— Lui, je le connais. Pas toi.
— Laisse-toi faire Ovide, ordonna son beau-père.
—Bien...
L'homme palpa Ovide quelques instants, n'hésitant pas à toucher ses endroits les plus intimes, puis il lui fit signe de passer. Le jeune homme, toujours choqué, passa la porte et contempla l'intérieur des lieux qui n'avait plus rien à voir. De la moquette rouge était posé et des lustres en verre éclairaient la pièce. Des tables de poker et de black-jack étaient disposé un peu partout, ainsi qu'une roulette. La salle disposée aussi d'une grande cheminée. Un immense bar prenait tout le mur à droite d'Ovide. Des hommes fumaient et buvaient sur des canapés avec des femmes, tous très bien habillés. Les seuls personnes de couleurs dans la pièce étaient les serveurs ou les croupiers. Harold emmena Ovide voir un homme qui buvait au bar en compagnie de trois jeunes femmes. Il était vêtu d'un costume blanc, très chic, et ses chaussures de couleur noir scintillaient. Ses cheveux bruns coupés courts coiffés de façon parfaite rendait l'homme charismatique. Il était le seul habillé de blanc, les autres étant tous en noir, ou en vert pour Harold. Son allure imposante le rendait plus inaccessible que les autres. Son visage rond et coloré paraissait à la fois chaleureux et méfiant, tout comme ses yeux bleus qui semblait regarder autour de lui sans arrêt.
— James !
— Mais qui voilà ! N'est-ce pas mon millionnaire préféré ! Harold ! s'écria-t-il.
— Ah ! Ça me fait plaisir de t'entendre dire ça mais j'espère que tu ne m'apprécie pas que pour mon argent !
— Bien sûr que non ! J'attends avec impatience le jour où tu me diras que ta sœur s'est enfin débarrassée de son mari pour me marier avec elle !
— Même si cela arrive un jour, ne compte pas sur moi pour vous laisser vous mettre ensemble !
— Ah ah, tu es dur avec moi ! Ne suis-je pas le beau-frère idéal pourtant ?
— J'en doute, rigola Harold.
Ovide le regardait, complètement ébahit. Il n'avait jamais vu son beau-père agir de la sorte et être si ouvert. Lui qui paraissait renfermé, il pouvait aussi se montrer convivial. Même lorsqu'il était avec Charles, il ne lui avait pas paru si détendu.
— Tu es en bonne compagnie dis-moi ! rigola Harold.
— Oui ! ria James. Les filles, faut que je vous présente, l'homme le plus extraordinaire que je connais ! Et je ne dis pas ça pour avoir ta sœur !
— N'abuses pas veux-tu, répondit-il amusé.
— Voilà Harold McBride ! On a fait les quatre-cent coups ensembles lorsqu'on était gosse. On se connaît depuis quoi... Vingt-cinq ou trente ans maintenant ! C'est lui qui m'a donné les fonds pour construire cet endroit et je le lui ai plutôt bien rendu !
— Tu parles ! Le jour de l'ouverture, on a bu comme des trous, si bien qu'on a fini au fond d'une cellule !
— Oui mais qui c'est qui t'en as fait sortir ?
— Toi ! En donnant mon argent au shérif !
— En attendant, on est sortis ! rigola James.
— Oui, on a vraiment eu du bol ! plaisanta-t-il.
— Et dis-moi, Harold, ne vas-tu pas faire les présentations entre ce jeune homme et moi ?
— Bien sûr que si ! Ovide, je te présente James Cat. James, voici Ovide Hewitt, mon gendre !
— Enchanté, dit alors l'homme au costume blanc tout en présentant sa main au jeune homme.
— Moi de même, répondit-il en lui serrant la main.
James regarda longuement Ovide qui détourna les yeux, comme avait conseillé Harold. Après un moment, James se retourna vers son ami :
— Tu as donc un gendre ! Ça alors ! La petite Marie a finalement bien grandit elle aussi... Dis-moi Ovide, tu veux des enfants ?
— Bien sûr, j'aimerais en avoir deux.
— Comme c'est mignon...
Les trois hommes discutèrent un moment lorsque des cris les coupèrent dans leur conversation. Là, des gens quittèrent leurs tables, laissant toutes leurs affaires pour se rassembler dans un coin de la pièce. Un noir, grand et très baraqué s'avança au milieu de la foule. Il était torse nu, ce qui laissait apercevoir des dizaines de cicatrices sur son corps, et, face à lui un deuxième homme de couleur se tenait, dans des habits similaires. James invita les deux hommes à rejoindre la foule.
— Ah ! s'écria-t-il. Voici enfin venu le clou du spectacle ! Bon dieu, il est déjà vingt-deux heures ? ajouta-t-il en se tournant vers un homme qui acquiesça. Bon, comme chaque soir, voici venu le temps du combat ! cria-t-il en s'approchant des deux noirs. À ma gauche, Joshua ! Un de nos champion encore invaincu à ce jour ! À ma droite, Victor ! C'est son premier combat et prions pour que ce ne soit pas son dernier ! rigola-t-il.
Toute la foule se mit à rire et James ordonna aux deux hommes de se battre. Il retourna vers Ovide qui regarda toute la scène sans bouger.
— Je te présente ma plus grande fierté, dit James. Ces combats que tu vois là, me sont extrêmement rentable. Ceux que tu as vu en arrivant ne sont qu'un simple avant-goût. Les gens ici parient ce qu'ils veulent tant que ça a de la valeur. Je récupère quinze pourcents de la valeur totale des gains. Ça peut paraître peu, mais c'est justement le but. Tous ces gens que tu vois là ont plus de fric que n'aurait n'importe quel paysan dans toute une vie. Et sachant que je prends que quinze pour cent de la valeur totale des gains de la soirée, ils parient tous sans compter des dizaines de milliers de dollars parfois. Et quinze pourcents de dix mille dollars font mille cinq cents. Mais multiplie ce chiffre par trois cents, les jours où on est ouvert, et ça fait une sacrée belle somme en fin de compte.
— Je n'en crois pas mes yeux... bégaya Ovide.
— Et le plus intéressant dans cette histoire c'est que cette idée ne vient même pas de moi, affirma-t-il en se tournant vers Harold.
— Je n'ai presque rien fait... J'ai soumis l'idée et donner les fonds, tu as fait le reste, assura-t-il.
— Peut-être, mais sans toi, tout ça n'aurait jamais vu le jour.
— Sans doute...
Les hurlements de la foule s'accentuèrent tout à coup. En effet, le combat se déroulait à sens unique. Victor se faisait malmener et il commençait doucement à perdre du terrain face à son adversaire. Joshua frappa dans sa mâchoire avec un geste vif, ce qui lui fit cracher quelques dents. Il releva son adversaire et lui donna un coup de tête puis le laissa tomber. La foule scanda son nom, lui ordonnant de le tuer. Un des hommes donna au géant une bouteille vide. Il la cassa contre le mur et enfonça la bouteille profondément dans la gorge de son ennemi, puis le défigura et le martela dans une rage soudaine jusqu'à ce qu'on vienne l'arrêter. Des hommes relevèrent Joshua, James s'approcha à nouveau et lui leva le bras. Tous les gens crièrent son nom :
— Voilà un combat vite fait bien fait ! rigola le patron. Mais Joshua n'a pas fini... Il a un deuxième combat qui l'attends ! Ovide, viens ici !
Le jeune homme regarda Harold, en écarquillant les yeux. Celui-ci eu un petit rictus et lui somma de s'avancer. Deux hommes arrivèrent et prirent Ovide par le bras et l'emmenèrent devant Joshua, qui le dévisagea.
— Je vous présente Ovide ! À la demande d'Harold, il va combattre contre Joshua ! Étant donné que le combat n'aurait pas été équilibré si Joshua avait été en pleine forme, il a été décidé qu'il devait d'abord faire un combat ! Mesdames et messieurs, faites vos jeux ! Ce combat s'annonce intéressant !
— Attendez ! hurla le jeune homme. Il est hors de question que je me batte !
— Si, tu feras ce qu'on te dit ! hurla Harold. Si tu veux que je puisse te faire confiance, si tu veux vraiment la main de ma fille, alors bats-toi et gagne. Si tu perds, alors c'est que tu n'étais pas fait pour elle.
— Mais c'est insensé ! Et puis-je ne me suis jamais battu de ma vie !
— Peu importe ! coupa James. Que le combat commence !
Ovide s'empressa de fuir le combat mais les gens autours l'en empêchèrent, le repoussant inlassablement sur Joshua. Celui-ci donna un coup de poing au jeune homme qui vacilla. Alors qu'un deuxième coup arriva, il esquiva tant bien que mal et se décalant sur le côté, puis il donna un coup à son tour. Le géant rigola en sentant la faible puissance de son adversaire et il prit Ovide à la gorge et le jeta à travers la pièce. Il avança à nouveau vers lui et lui donna un coup de pied dans l'estomac. Le jeune homme tomba, se tordant de douleur. Alors que le combat semblait déjà fini, James donna à Joshua une barre de fer.
— À toi de voir comment tu veux finir ce combat champion, lui dit-il.
Ovide aperçu l'arme et se releva malgré la douleur. Lorsque son rival se prépara pour donner une autre attaque, il se jeta sur lui, le heurta et le boxa dans les parties afin de lui faire lâcher la barre. D'un geste rapide, le jeune homme s'empara de l'arme et frappa au hasard, touchant le visage de son ennemi qui tomba en arrière. Pris d'un élan et ne répondant plus de rien, Ovide continua à frapper, sans se rendre compte de ce qu'il faisait. Il était comme absent. Le sang giclais sur lui, sur les murs, le plafond et les gens autours mais ils ne pouvaient s'arrêter. Vivre, je dois vivre, pensait-il. Au moment de frapper son malheureux adversaire un énième fois, son bras fut stopper. Un garde lui reprit la barre de fer et le releva. Ovide reprit alors ses esprits, et regarda avec effroi ce qui se trouvait devant lui : Joshua avait la tête complètement enfoncée et écrasée. Il ne le reconnaissait même plus. Le sang imprégné la moquette et les gens autours n'hurlaient plus. Tous regardaient la scène devant eux sans un mot. James et Harold ricanaient dans leurs coins mais Ovide n'en avait que faire. Il s'éloigna alors et en sortant de la foule, une femme hurla de terreur devant lui. Énervé, le jeune homme posa sa main encore ensanglantée sur son visage et cria après elle. Il retourna près d'Harold qui l'invita à repartir d'un geste de la main. Avant de suivre le jeune homme, il se tourna vers son ami et lui fit un signe de la tête.
Les deux hommes retournèrent à la diligence. Le chemin du retour fut encore plus silencieux que le l'aller et Ovide n'adressa pas même un regard à son beau-père. Une fois arrivé, son beau-père adressa quelques paroles à son gendre :
— C'était un beau combat. Demain j'aurais une surprise. Tiens toi prêt.
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