Le grain de beauté 3ème partie
Ce soir là, ce fût la fête à la maison, il y avait des invités et la tablée habituelle d’une dizaine de personnes fût presque doublée. Un bal était prévu et tous les adultes s’y rendirent. Jean décida de nous y emmener faire un tour avant de nous envoyer au lit. La plupart des enfants étaient venus, mais j’eus beau chercher, Hélène n’y était pas. Du coup, voir les gens danser et s’amuser présentait beaucoup moins d’intérêt, Jean nous fit servir un panaché car « c’est pas tous les jours fête ! » et nous rentrâmes nous coucher vers minuit.
Des rires, des éclats de voix et des claquements de porte me réveillèrent brutalement.
« Debout parigot ! J’espère que tu n’as pas oublié que tu participes au concours ce matin ? » cria Jean depuis la porte qu’il avait grand ouvert, « allons, presse-toi un peu lambin, le café t’attend et moi aussi ! » Et il partît en sifflotant gaiement l’air de La Madelon.
Moi qui n’avais jamais faim le matin, surtout au réveil, je crois que je mangeais comme un moine ce jour là. Dès notre arrivée, j’aperçus Hélène. Elle portait un short bleu, une marinière de même couleur et une paire de tennis également bleue, un foulard rayé bleu et blanc était noué autour de son col à la façon d’une lavallière. Je la trouvais magnifique. En m’approchant de son groupe je saluais à la cantonade. Elle ne me répondit pas et ne m’accorda même pas un regard. Elle continua sa conversation comme si j’étais absent ou pire, transparent. Ce fut comme si le ciel me tombait sur la tête, j’étais à la fois frustré et malheureux et en même temps vexé et très en colère. Au point que je gagnais la première épreuve, la course de vitesse, et que je fus l’un des meilleurs au tir à la corde que notre équipe remporta.
Empêtré dans ma rage et dans mon sac, je ne pus me placer dans la course en sac mais me rattrapais au grimper à la corde ou j’allais décrocher le premier le sac de bonbons accroché sur la barre. La matinée était déjà bien avancée, il ne restait plus qu’une épreuve, le cross, nous attendions les dernières manches des filles car tout le monde participait au cross long de 4 km pour les cadets.
Dès le départ, je me portais en tête. A mi-course j’avais une trentaine de mètres d’avance. Le circuit formant une boucle avant de revenir au point de départ qui devenait alors la ligne d’arrivée, je croisai ainsi tous mes concurrents. Hélène n’était pas là, elle ne participait donc pas à cette épreuve. Je terminai ce cross en vainqueur de ma catégorie et eus droit aux félicitations de Jean. Mes sœurs ayant également participé à différentes épreuves, il nous annonça préparer une fête à la maison pour la soirée.
Mes sœurs décidèrent de rentrer à la maison avec lui, quant à moi, je suivis un groupe de copains jusqu’à l’étang où il voulait pêcher des têtards. Nous y fûmes rejoints par deux filles qui me demandèrent où étaient mes sœurs. « Elles sont rentrées car elles veulent aider à préparer la fête qui aura lieu à la maison ce soir. Et vous, » demandé-je, « savez-vous où se trouve Hélène et les autres ? » Elles ne savaient pas et nous fûmes bientôt absorbés par notre pêche.
Au bout d’une heure, nous avions une demi-douzaine de têtards dans un seau et une petite grenouille, Jean-Michel qui avait à peu près mon âge glissa dans l’eau en voulant en saisir une autre. L’étang n’étant pas profond, il en sortît sans dommage mais avec son short et sa chemise mouillés. Il les ôta pour les faire sécher au soleil et décidant que l’eau était bonne retourna s’y baigner en nous invitant à faire de même. Aucun de nous n’ayant de maillot de bain, nous nous baignâmes en slip. Nous étions dans l’eau quand Hélène et une de ses copines arrivèrent.
« Venez-vous baigner avec nous ! » leur dit Jean-Michel « c’est pas profond et elle n’est pas froide. »
« Oui mais on va se salir ! » dit la copine.
« Tu parles, juste un peu de boue aux pieds, tu n’auras qu’à les essuyer dans l’herbe ! »
« En plus, on n’a pas de maillot ni de serviette! » Ajouta-t-elle.
« Nous non plus ! On se sèchera au soleil. » Elles discutèrent entre elles un court moment puis Hélène ôtant son short et son polo décida :
« D’accord, il fait trop chaud aujourd’hui, on y va Josie ! » Au bout d’un quart d’heure passé à barboter en essayant d’attraper à la main les têtards nous décidâmes de sortir de l’eau et comme l’avait dit Jean-mi, nous nous allongeâmes sur l’herbe au soleil afin de sécher nos corps et nos slips.
« T’es marrant ! » Dit Josiane à Jean-Michel qui s’était mis sur le ventre pour faire sécher son dos, « T’as plusieurs grains de beauté dans le dos qui forment un T ! » Tout le monde regarda, il répondit alors :
« Ben t’as rien vu, j’en ai aussi un sur chaque fesse ! »
« Un T ? »
« Mais non idiote, un grain de beauté ! »
« Peuh ! » rétorqua Hélène, « moi j’en ai un juste au-dessus du zizi ! »
« Tu parles, tu dis ça pour faire l’intéressante ! »
« Pas du tout, c’est vrai ! »
« D’accord, je montre mes fesses et toi tu nous montre ton grain de beauté » et joignant le geste à la parole il baissa son slip exhibant ses fesses décorées d’un grain de beauté puis, remontant son slip, se retourna en ricanant, persuadé qu’elle ne montrerait rien.
« A toi maintenant, fais nous voir ça qu’on rigole ! »
« Bien essayé ! » dit Josie, « mais les filles bien élevées ne montrent pas leur zizi aux garçons. »
« Laisse tomber, on savait que c’était pas vrai de toutes façons. »
Alors Hélène, toisant Jean-Michel du haut de ses onze ans et demi et de son mètre trente, baissa sa culotte en disant « j’suis pas une menteuse ! » et chacun ébahi contempla sa fente surmontée d’un grain de beauté et je dis alors :
« Si Jean-mi à un T dans le dos toi tu as plutôt un point sur le i ! » et chacun de s’esclaffer pendant qu’elle se rhabillait.
En fin de journée, sur le chemin du retour, je la rattrapais « j’espère que tu n’es pas vexée avec mon point sur le i ? » Elle ne me répondit pas. Puis arrivé au coin de la rue elle m’arrêta à nouveau et m’embrassa pour de bon. Mon premier vrai baiser, puis, curieusement, elle me demanda :
« Tu as quel âge ? »
« Je vais avoir treize ans. »
« C’est bien ce que je pensais, vous les parisiens, vous n’êtes pas très en avance ! »
Et elle me planta là, d’abord interloqué, puis certain ce coup-ci de ne pas avoir été au niveau.
Les vacances se terminaient nous partions dans deux jours. Je ne l’ai jamais revue, mais depuis ce jour, chaque fois que j’embrasse une fille pour la première fois j’essaye d’être à la hauteur en pensant à elle.
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