Chapitre 34 : Les abysses dissimulées (1/2)
Ils frappèrent encore et encore. Mais quelle que fût la force avec laquelle ils s’échinaient, pas la moindre perturbation n’ébranlerait la structure. Deux infimes silhouettes piégées dans l’ombre de la relique, exsudant au rythme de leurs efforts, attiraient la curiosité d’une pléthore de témoins.
Cela faisait des minutes qu’Amathane et Phiren s’opiniâtraient, quitte à laisser de rouges et douloureuses traces sur leurs phalanges. Tantôt ponctuées de cris, leurs offensives n’en demeuraient pas moins futiles. Une magie incommensurable imprégnait toujours la porte et la maintenant verrouillée au mépris de leurs tentatives.
Peut-être leur manquait-il l’impulsion de déployer l’énergie nécessaire. Une étincelle de flux grésillant au bout de leurs doigts, inapte à tutoyer la sculpture prépondérante. Même s’ils s’encourageaient mutuellement, même s’ils persistaient au détriment du bon sens, Phiren et Amathane échouèrent.
Et reçurent le dédain du duo approchant derrière eux, à qui ils coulèrent un regard inamical. Ajustant son heaume, faisant tinter les ossements sur son baudrier, Khavarat s’immobilisa devant eux sans même dissimuler son large sourire.
— On néglige déjà ses devoirs, Amathane ? provoqua-t-elle.
— Comment pouvez-vous être aussi sereins ? s’emporta la collectionneuse en désignant l’entrée. Nos moyens de communication ont beau être différents, le message des conjerens était sans équivoque !
— Ce ne sont pas nos amis, à l’intérieur. Sans qu’ils se soient engouffrés dedans en toute connaissance des causes, ils étaient conscients des risques qu’une telle exploration représente. Cela étant dit, vous inquiéter autant pour eux serait presque touchant.
Phiren s’intéressa alors soudainement à Joguran, lequel se retira aussitôt de quelques foulées, arquant les sourcils.
— Vous n’êtes sûrement pas venu pour nous aider, dit-il, mais maintenant que vous êtes là, pourquoi ne pas agir ? Vous vous vantiez de votre impeccable maîtrise de la magie !
— Et malgré tout, avoua Joguran, je suis incomparable avec Wixa. Cesse donc tes sollicitations, voleur.
Outre l’éclat smaragdin émergeant dans la main du mage, Khavarat renforça sa grippe sur sa lance, forçant Phiren à reculer à son tour. Une lueur de défi apparut alors chez Amathane, qui s’interposa à brûle-pourpoint, mais elle renonça face à ce pouvoir amassé.
— Serait-ce donc un autre rappel à l’ordre ? se lamenta-t-elle. Je sais que vous avez ma liberté entre vos mains, mais comment pourrais-je convaincre les terekas à bord de rejoindre le Sewerti ?
— Il faut faire preuve d’un brin d’imagination, nargua Khavarat. La perspective de ne plus jamais revoir ta cellule aurait dû t’inspirer.
— Le problème se situe au-delà de ma personne ! Ces épaves sont un avertissement de ce qui risque d’advenir si nous ne prenons pas assez de précautions !
— Ce que nous faisons en ce moment même, avança Joguran. Quelqu’un pratiquant un métier comme le tien devrait avoir l’œil, non ?
Éludant la remarque, Amathane exhala un profond soupir, suite auquel son mépris s’intensifia.
— C’est insuffisant, affirma-t-elle. Nous avons déployé beaucoup de forces, mais de nombreux innocents se trouvent à bord.
— Et où se trouveront-ils le plus en sécurité ? demanda Khavarat.
— Peut-être dans un pays discret, ajouta Joguran, interférant peu avec Menistas. Un territoire qui ne risque pas d’être attaqué par une alliance de mercenaires. Une nation avec un régime stable, disposant de moyens de sécurité considérables. Un endroit qui, en incluant cette île, recèle de secrets permettant à ce peuple de se reconnecter avec l’histoire.
Amathane refusa de leur consacrer davantage de son temps. Elle fit un rapide volte-face, après quoi elle admira la relique dans toute son envergure. Bien qu’il les foudroyât des yeux de prime abord, Phiren imita bientôt sa partenaire, et tourna le dos à la délégation.
— Vous devriez apprendre à employer votre temps adéquatement, assena Khavarat. Vos amis sont livrés à eux-mêmes et, si la chance les accompagne, ils reviendront triomphants. Si vous tenez tant à eux, peut-être devriez-vous agir là où vous pouvez.
Un râle s’échappa à contrecœur. Il coûta à Amathane d’acquiescer ainsi, mais elle ne pouvait nier la justesse de ces propos. Voir sa rivale la toiser de la sorte lui donnait envie de lui cracher au visage, au lieu de quoi marcha-t-elle en sa compagnie le long de la plage. Fût-ce momentanément, ils s’éloignèrent de la sculpture malgré toute la magie qui en émanait. Ils se référèrent au rythme des vaisseaux patrouillant autour de l’île alors que leurs pensées vagabondaient.
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