Un peu obtus, ce journaliste ! Il faudra que je me souvienne de son nom pour le boycotter lors d’une prochaine interview, me dis-je. Je rappelai Sophie qui décrocha dès la première sonnerie.

— Sophie, les troubles de l'attachement maternel m'ont confronté à des cas déchirants, mais peu m'ont marqué autant que celui de ta patiente Olivia, qui a une fillette de onze mois. Voici mon analyse. Dis-moi si tu la partages.

« Olivia illustre particulièrement mes recherches. Issue d'un milieu modeste, elle a épousé Félix très jeune, enceinte de leur premier enfant. Pourtant, derrière cette histoire banale, se cache un parcours de vie bien plus complexe, semé d'embûches et de souffrances.

Un parcours chaotique

Lors de sa première grossesse à dix-huit ans, Olivia était étudiante en sciences. Elle venait de rencontrer Félix, un jeune infirmier dévoué aux patients. Elle ne voulait pas de cet enfant. Elle n'était pas prête à devenir mère, et sa propre mère venait de décéder. Pourtant, poussée par Félix, elle se résout à garder l'enfant.

La grossesse se passe bien, mais dès la naissance, les complications surgissent. Le bébé, atteint de jaunisse, est placé en soins intensifs. Cette séparation, bien qu'inévitable, plonge Olivia dans un état de désarroi absolu. Sous l'œil vigilant du personnel soignant, elle ne parvient pas à créer un lien maternel, se sentant plus observée que soutenue.

La situation s'aggrave lorsqu'ils emménagent provisoirement chez les parents de Félix. Olivia, déjà en proie à des doutes, supporte mal sa belle-mère qu’elle trouve omniprésente. Elle sombre dans une dépression post-partum, révélant une maladie mentale latente.

Le drame de l'attachement maternel.

Les troubles d'Olivia se manifestent de manière alarmante. Elle développe des TOC, des inquiétudes irrationnelles concernant la santé de son bébé, et un besoin obsessionnel de contrôler chaque aspect de la vie de l'enfant. Elle refuse que quiconque, à l’exception de Félix, s'approche du bébé. Cette rigidité, ce besoin de perfectionnisme, sont pour elle des moyens de compenser son incapacité à ressentir un véritable attachement maternel.

Félix, déconcerté par la situation, tente de compenser en s'investissant corps et âme dans l'éducation de leur fille. Mais cette attention finit par éveiller la jalousie d'Olivia. Un matin, en rentrant de sa garde de nuit, Félix découvre l’enfant de six ans avec des marques de strangulation. Olivia, incapable de répondre à l’agitation de l’enfant, avait commis l’irréparable. C'est là que tu es intervenue, Sophie, alors interne aux urgences.

Tu exiges de Félix qu’Olivia ne reste jamais seule avec sa fille. Félix promis de suivre tes recommandations, mais le mal est fait. L’enfant, traumatisée, grandit avec un ressentiment profond envers ses parents. Elle finit par se confier à sa tante, lui avouant son désir de quitter ce foyer toxique.

Une nouvelle grossesse, une nouvelle chance ?

Des années plus tard, Olivia décide d'avoir un autre enfant. Pour elle, c'est une revanche, une seconde chance de réussir là où elle avait échoué. À 40 ans, elle parvient enfin à retomber enceinte. Mais les troubles d'Olivia resurgissent après la naissance de Gaby. Félix, devenu hyper vigilant, ne laisse pas un instant Olivia seule avec le bébé, ce qui ravive les tensions dans leur couple.

Tu surveilles de près cette nouvelle grossesse sachant que les troubles de l'attachement maternel réapparaissent toujours. Mais qui es-tu pour juger son désir de maternité ?  

— Ce dossier est crucial, Sophie. Il montre l’impossibilité de briser le cycle des troubles de l'attachement, même avec la meilleure volonté. Et c’est un véritable enjeu pour nous médecins. C’est là que mes recherches sur la communication zacharienne interviennent.

— Ma proposition : Il faut que j’observe comment Olivia interagit avec Gaby. Peux-tu l’orienter vers le CEROZ ? Qu’elle vienne avec une autre de tes patientes qui a un enfant du même âge pour ne pas se sentir ciblée.

— Avec plaisir, professeur, s’exclama Sophie. Je suis ravie de poursuivre notre collaboration si fructueuse en PMA.