« Qu’est ce donc que cela, maugréa Gisèle, qui promenait Chonchon, son caniche un poil cradingue, coiffé aux échardes, et sa meilleure amie Josiane, si défraichie qu’elle les mettait en valeur.

- C’est une boîte à livres, Gigi. Tu mets des livres, et tu en prends. C’est gratuit.

- Tu dis n’importe quoi ! On a déjà une bibliothèque pour ça. C’est trop dissident ! On se croirait presque revenues en 68 là, déconne pas.

- Mais non, c’est pas dissident. Ça vient des grandes villes.

- C’est un truc de gauche ? Pour nous farcir la caboche ?

- Je sais pas, mais regarde, c’est bizarre, y a une faute d’orthographe.

- Une quoi ?

- Une faute d’orthographe. Y a pas de circonflexe à boîte. T’as vu ?

- On comprend quand même.

- Oui, mais ça fait tache, surtout que la maison est jolie comme tout.

- Ça fait tache, ça fait tache… t’as jamais été foutue de réussir à la dictée de Pivot, alors la ramène pas à être tatillonne. Au pire, tu reviens la nuit et tu tagues. C’est ce que font les jeunes.

- Que t’es mauvaise, Gigi ! D’ailleurs, c’est pas la seule faute. On appelle ça une boîte à lire, pas une boîte à livres.

- Boîte à lire ? T’es sûre ? C’est bizarre ce que tu baragouines, là. On pourrait croire qu’on peut lire dessus, et les jeunes y sont pas encore passés, donc c’est faux.

- J’aurais jamais cru que je dirai ça Gigi, mais pour une fois, je suis d’accord avec toi. Par contre, pour une boîte à livres, elle est radine : y a rien à se foutre sous les yeux ! C’est vide comme les couilles de Robert !

- Tu crois ? Et qu’est ce que tu veux y foutre comme livres ?

- Je sais pas… même pas sûre d’avoir encore des bouquins à la maison. D’ailleurs, je me rappelais même plus que ça existait ! »