Chapitre 17 :
Pendant le temps qui reste, j’essaye d’insister auprès de Nathanaël pour avoir des informations sur le fameux Morgan mais il refuse de me délivrer quoi que ce soit. Je ne sais rien de lui, mais je crois qu’il est plus âgé que nous. Et cela, cela ne me rassure étrangement pas. Nathanaël continue toujours de me donner trente-six mille arguments pour que j’accepte de me former comme savante, mais je ne l’écoute qu’à moitié.
Je sais depuis toujours que les vrais chefs se cachent mais apprendre un peu plus leur style de vie en écoutant Nathanaël… cela me rend furax que les habitants du bunker aient des vies si chronométrées et non libres alors que ceux-là peuvent littéralement faire tout ce qu’ils veulent sans jamais avoir de reproches tout en observant les autres, les contrôlant et les manipulant au passage. J’essaie de ne pas y penser et c’est très dur mais ça m’énerve !
Mathilde débarque dans la chambre et Nathanaël se lève lorsqu’il la voit pour lui annoncer qu’on passe voir le fameux Morgan. Ma colocataire de chambre ne semble pas très rassurée par cette nouvelle et elle est réticente à l’idée de m’y emmener.
— Nathanaël je te jure que je ne pense pas que ce soit une bonne idée ! insiste encore une fois Mathilde en lui barrant le chemin. On devrait attendre quelques jours, venir le voir et lui parler de Constance avant qu’elle vienne. Tu sais bien qu’il n’est pas isolé pour rien ! Personne ne peut prédire ses réactions. Encore moins toi.
Ce reproche a sans doute une signification mais Nathanaël ne semble pas le relever et affirme qu’ils sont avec moi et qu’ils pourront me protéger si quelque chose se passe mal. Mathilde n’est pas du tout convaincue mais n’a pas vraiment le choix puisque son ami se montre vraiment déterminé. Je ne suis pas spécialement rassurée non plus mais je le suis en rapportant à Mathilde la lubie de notre ami d’accepter que je me forme en savante. Ma colocataire pense aussi que cela peut être une bonne idée mais redoute que ce soit un peu trop risqué pour moi. On s’enfonce de plus en plus dans l’aile des chambres jusqu’à aller jusqu’au bout. Je pensais que les chambres se remplissaient selon le nombre de personnes mais je n’imaginais pas que les plus lointaines étaient celles des personnes isolées. Je n’en étais pas loin lors du premier mois ! Les deux compères me font attendre dans le couloir au début. Je regarde la porte pendant de longues et atroces minutes et Gérard arrive et me conseille de ne pas rester là pour ma sécurité. Néanmoins je ne peux pas planter Nathanaël et Mathilde donc je ne bouge pas. L’encadreur le remarque et soupire avant de revenir et de s’arrêter à mes côtés, face à la porte. Il doit savoir qui loge dans cette salle alors il comprend sûrement ce qui se passe. Mathilde apparaît et ferme la porte en voyant Gérard.
— Vous êtes complètement fous, déclare-t-il en croisant les bras avec nonchalance.
— C’est l’idée de Nathanaël, se défend Mathilde en s’approchant de moi. Puis, je ne vois pas pourquoi Morgan ne pourrait pas rencontrer du monde.
— Peut-être car il peut devenir dangereux, répond l’encadreur en lui lançant un regard noir pour lui signifier qu’il trouverait un moyen de la punir de ce qu’ils venaient de faire. Je reste pour surveiller, mais sache que si cela avait tourné mal, Constance pourrait payer le prix fort s’il s’énerve. Surtout si personne n’est là pour prêter attention.
— Pourtant, vous n’avez pas expliqué à Constance pourquoi vous l’avez emmené chez les savants, rétorque Mathilde avec un petit sourire.
— Les encadreurs ne sont pas au courant des raisons. Maintenant, soit vous faites vos affaires rapidement et je ne suis pas en retard à ma prochaine tâche, soit je vous laisse tomber, clame Gérard en se détachant du mur, prêt à partir au cas où cela ne s’activerais pas plus vite.
Apparemment, cela rassure Mathilde de savoir qu’il pourra intervenir. Cela ne me met pas du tout en confiance si elle n’est pas rassurée. Je remercie Gérard même si cela me coûte et la jeune femme me fait entrer dans la salle. Elle n’est pas très grande mais tellement éclairée contrairement aux autres que je réprime l’envie de porter ma main à mon front pour faire de l’ombre sous mes yeux. À la place, je fronce le plus possible des yeux pour continuer à voir et ma vue s’adapte à l’environnement.
Je rejoins Nathanaël qui est assis sur une chaise, totalement détendu et je relève le regard sur un homme assit sur le lit. Il a la peau foncée et un gabarit imposant qui ne me permet toujours pas de relativiser. Son regard n’est pourtant pas menaçant mais je remarque que Mathilde ne revient pas. Il n’est pas jeune, il doit avoir une cinquantaine d’années, pas plus mais pas moins. Nathanaël m’invite à s’asseoir à ses côtés et je ne fais qu’obéir car cet endroit ne m’inspire vraiment pas confiance. Déjà que je me méfie des personnes au sein de la pièce…
Mon ami fait les présentations mais on reste muet. Lorsque Nathanaël termine sa petite introduction, c’est Morgan qui monopolise la parole. Il a une voix grave et rauque qui me fait trembler.
— Bon, les gamins, vous devez connaître l’origine de certaines rumeurs. Peut-être que Nat le sait, mais je me doute que toi gamine, tu en as connaissance.
— Je ne connais aucune rumeur, marmonné-je en roulant les yeux.
— Certains pensent que les scientifiques ont effacé la mémoire d’anciens exilés pour les réintroduire dans le bunker, commence l’adulte en ne me lâchant pas du regard. Ces rumeurs ont débuté car des personnes disparaissaient et ne sont jamais revenues depuis.
— Sauf qu’il n’y a rien pour vraiment le prouver, complété-je en détournant le regard pour observer Nathanaël qui paraît très absorbé par ces histoires de rumeurs.
— Tu me fais penser à un ancien ennemi qui s’appelait Grégoire. Il a disparu du jour au lendemain, et tu lui ressembles beaucoup. Il pourrait avoir l’âge de ton père.
— Sauf que mon père s’appelle Christian, réfuté-je en me crispant.
Si je dois dire que je viens des familles, cela ne me dérange pas mais cela me fait mal de devoir parler de mon père alors que ma mère ne veut plus que je le vois. Je tripote sa montre et Morgan dit encore une fois que la sienne appartenait à ce fameux Grégoire.
Nathanaël lui demande s’il a pu percer à jour l’homme qui disparaissait tous les jours mais qui revenait à chaque soir. Malheureusement, Morgan est strict sur ce sujet-là : personne n’a aucune information sur lui. Mon ami paraît déçu mais ne dit pas plus. Je fais signe à Nathanaël que je veux y aller et il me laisse partir. Néanmoins, lorsque je me lève et que je suis à deux pas de la porte, je sens une poigne forte m’attraper le bras et me faire basculer en arrière. Je tombe par terre et je ressens une vive douleur à la tête. Je vois Morgan qui me balance sur son lit et Nathanaël qui crie à je ne sais pas qui. Morgan sert ses mains contre mon cou et je gigote sans pouvoir me libérer. Il a de la haine dans ses yeux et il me hurle :
— Tu es sa fille ! Sa fille ! Tu vas payer pour ce qu’il a fait ! Tu vas mourir !
Je hurle et Gérard le propulse par terre et le neutralise alors que je bondis hors de la salle et Mathilde me serre le bras comme pour ne pas m’inciter à retourner dans la chambre de cet individu. Je ne sais pas pour qui il me prétend être, mais il a tort. Mon père est abatteur et a connu ma mère après sa cérémonie des choix. Jamais il n’a été ici. Morgan n’est pas sein d’esprit et je ne sais pas pourquoi Nathanaël lui fait confiance. Gérard l’enferme alors qu’il continue de hurler et il tape sur la porte. Le bruit a amené quelques personnes qui posent des questions à Mathilde qui répond tant bien que mal. Gérard se retourne vers moi et me propose d’aller à l’infirmerie. Je le suis et attends qu’il n’y ait personne pour lui dire :
— Faites transmettre au chef des savants que je suis d’accord pour sa proposition, déclaré-je alors qu’on est dans la salle commune.
Mon père n’a jamais été ici, mais cela ne veut pas dire que ces rumeurs sont forcément fausses. Et si elles s’avéraient vraies, ce seraient des choses contre mes hauts-dirigeants. Et pour découvrir tout cela, il n’y a qu’un seul moyen. Un moyen qui me concerne directement.
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