Chapitre 22 :

8 minutes de lecture

On doit courir pour être certains de ne pas se faire attraper par les chefs. Je m’arrête et me retourne. Ils ne sont pas à notre poursuite. Je reprends mon souffle : on ne court pas souvent dans les bunkers. Je sens une main sur mon épaule et je me retourne vers Nathanaël.

C’est son choix de rester. Tout comme Mathilde. Ils ont sûrement de bonnes raisons de ne pas venir, affirme-t-il.

Néanmoins je sais qu’il n’en mène pas large et qu’il est affecté par l’attitude de Mathilde. C’est logique. Malgré tout il est heureux. Ses yeux sont plus illuminés que d’habitude. Je regarde tout autour de nous. Je dois rabattre mes cheveux derrière ma tête à cause du vent. C’est étrange de ressentir cette force que je n’ai jamais vécue. Le ciel est bleu et je devine aisément que c’est le soleil qui brille à en faire mal aux yeux. Dans le bunker, on montrait les photos de la planète avant. Le sol est différent, mais le ciel est resté le même à moins qu’il se soit arrangé avec le temps. La terre sur laquelle on marche ne semble pas fertile, il n’y a pas d’herbes, ni d’arbres. Je ne vois pas d’animaux au loin non plus. Elle semble comme maudite. Maudite sûrement par la guerre qui a causé la perte de l’humanité. Dans tous les cas, contrairement à ce qu’on essayait de nous faire croire dans les bunkers : on n’était pas mort sur le coup.

On ne voit pas les autres prisonniers du bunker, ils ont sûrement pris d’autres directions. Je pensais qu’on serait seuls avec Nathanaël, mais Gérard et Philippe restent avec nous. Cela ne me dérange pas, ils ont toujours été gentils avec nous. Ils nous ont aidés, puis, c’est mieux que de rester seul à errer. Surtout que l’on ne sait pas vraiment où on va réellement. On ne recherche rien de spécial, on a déjà réalisé ce que l’on souhaitait : s’échapper.

On marche en silence. Gérard et Philippe semblent se questionner sur un truc mais ne le partagent pas donc je ne préfère pas leur forcer la main. Je ne veux pas leur faire croire que je suis allée chercher dans leur tête alors que ce n’est pas le cas.

Je sens le sol trembler. On s’arrête et je me retourne vers Nathanaël qui ne bouge pas et regarde une faille s’ouvrir à ses pieds et qui poursuit son chemin. Je me jette sur le côté pour ne pas tomber et Gérard me rattrape fermement par le poignet pour me remonter. Mon cœur bat à cent à l’heure en regardant le vide sous moi et je remercie l’ancien encadreur qui vient de me sauver la vie. Puis on se focalise sur Nathanaël qui regarde la faille se terminer dix mètres plus loin. Elle fait presque cinq mètres de large. Il ne réagit pas. Philippe l’éloigne pour le ramener à nous et Gérard inspecte un peu.

C’est moi qui aie fait ça, déclare-t-il en reprenant ses esprits.

Comment ça ? insisté-je en posant une main sur son épaule.

Je pensais à Mathilde et je me suis senti en colère, explique-t-il en me regardant dans les yeux. Puis, sous mes pieds, je sentais plusieurs fils, et je me demandais ce que c’était et ce que cela faisait si j’en écartais… apparemment cela donne cela.

Ses explications sont aussi floues que les miennes lorsque je tentais d’expliquer ce que j’entendais et que je ne comprenais pas. Ce n’est pas un hasard, lui aussi est passé par l’enfermement dans les quartiers des savants. On lui a injecté quelque chose à lui aussi. Cette substance change sûrement notre corps d’une certaine façon. Et c’est peut-être cela qui retient Mathilde au bunker… elle pensait qu’elle était trop dangereuse. Cela a peut-être un rapport… on reprend notre chemin et on fait attention de marcher ni devant, ni derrière Nathanaël au cas où.

Morgan disait que les savants trafiquaient des choses pas très nettes sur certaines personnes et qu’il fallait découvrir quoi, lâche Gérard en sortant une gourde d’eau de son sac.

Vous le connaissiez d’avant, affirmé-je en lui lançant un regard.

Il ne répond pas mais il ne dément pas non plus. Je sais que je touche juste, et je lui ai dit que je n’abandonnerais pas le mystère sur le fameux Grégoire. Je suis beaucoup trop curieuse. Puis c’est amusant je le vois sourire à chaque fois que je partage mes hypothèses. Cela le met d’une bonne humeur donc c’est agréable pour le trajet. Manifestement, les deux encadreurs connaissaient plus Morgan qu’ils le prétendent. Je ne vois pas pourquoi ils leur auraient parlé.

Et… vous sauriez pourquoi il m’a agressé au début ?

Je n’obtiens pas de réponse, mais je serai patiente. Je sais qu’ils en savent plus qu’ils ne le révèlent. Je ne suis pas têtue au point de rentrer dans leur esprit sans permission, puis je préfère éviter aussi. Je reviendrai à la charge plus tard. On descend une pente rude et une ancienne ville s’ouvre à nous. Il y a des bâtiments encore debout même s’ils sont endommagés. Certains sont totalement détruits, d’autres ont des murs de tombés et certains n’ont plus de toits. Je ramasse un arc solitaire où il n’y a qu’une flèche à côté. Je ne sais pas m’en servir, mais ça peut toujours être utile.

On ne se sépare pas et on entre dans le premier bâtiment accessible. Philippe annonce qu’on y passera la nuit avant de continuer notre errance pour je ne sais où. On n’a pas de plan ! Le palier du bâtiment est énorme, il y a une grande table qui n’a pas bougé, des os qui traînent encore dans la bâtisse mais sinon tout est cassé. Je trouve une relique d’une veste, elle est rose pâle toute poussiéreuse et salle, malgré tout je l’enfile quand même : tout pourrait nous être utiles. Nous nous séparons en binôme et c’est tout naturellement qu’avec Nathanaël on monte à l’étage. Il manque des marches à l’escalier et on doit continuellement faire attention mais on finit par se retrouver en un seul morceau en haut. Des morceaux de verre sont éparpillés partout : les fenêtres sont toutes cassées. Des cadres se sont décrochés des murs, il y a des fissures partout et encore quelques objets abandonnés. Il n’y a personne dans ses lieux, tout est désert. Y a-t-il quelqu’un de vivant au moins à la surface ? Je ressors la bague dorée que l’homme du centre des savants m’a donnée avant de mourir. Peut-être provient-il de la surface au final ? Il est impossible de se procurer un tel objet dans les bunkers. Puis il parlait d’un César… je ne sais pas comment je pourrais le trouver, mais cela peut peut-être nous mener à quelque chose en le cherchant ! En espérant qu’il soit en vie.

Nathanaël et moi inspectons les lieux. Je lui explique comment je pense que nt mes nouvelles facultés et il me fait part des siennes. Je lui annonce aussi ma théorie sur Mathilde. Je vois dans ses yeux que cela serait comme un soulagement pour lui que ce soit pour cette raison-là. Mais en même temps, je vois aussi de la peur. Même s’ils se sont séparés depuis longtemps, il l’aime toujours. Peut-être c’est devenu plus comme une amie, mais je suis certaine qu’il est toujours attaché à elle.

Et donc, toi et Damien ? demande-t-il en s’asseyant à mes côtés sur un vieux canapé délabré encore debout.

Je… je… j’aurais aimé qu’il vienne avec nous, soupiré-je. Je crois qu’il me faut un contact physique avec les gens pour transmettre mes pensées à eux.

Peut-être, commence-t-il en hochant la tête, que quand tu comprendras mieux comment cela fonctionne, tu pourras repousser les limites. Tu sais, j’ai l’impression que tout devient possible depuis que nous avons découvert nos trucs.

Je trouve cela surtout très inquiétant, confié-je en passant une main sur mon visage. Les humains ne sont censés pas avoir ses capacités-là…

Nathanaël ne me contredit pas, mais je sens qu’il n’est pas tout à fait d’accord. Sûrement doit-il penser que cela fait partie de l’évolution humaine, mais je ne peux pas y croire facilement : cela survient beaucoup trop soudainement. Gérard et Philippe nous rejoignent et on élut domicile ici pour la nuit. Si on arrive à dormir. On sort de nos sacs de la nourriture, tout est cru puisqu’on n’a rien pour faire chauffer. Je croque dans une carotte en me levant et passe ma tête par-dessus la fenêtre sans vitre pour observer le ciel parcouru de bleu sombre, de ce qu’on appelle nuages ainsi que des parties qui sont orange et bleues. Le soleil se couche, bientôt, nous aurons besoin de nos lampes torches.

Qui est cet homme que tu as pris dans tes bras Constance ? Comment s’appelle-t-il ? se renseigne Philippe.

C’est mon père, affirmé-je en essayant de ne pas trahir ma tristesse. Il s’appelle Christian. Pourquoi ? Vous savez que je suis une enfant des familles.

Ce n’est pas ça, fait Gérard avant de lancer un regard à son acolyte. Tu devrais t’asseoir.

J’échange un regard surpris avec Nathanaël et prends place à ses côtés sur le canapé Je scrute Gérard qui commence à parler :

Tu as raison, au début nous n’étions pas des encadreurs. On était comme vous, on cherchait des réponses. Un jour, avec Morgan et le fameux Grégoire, nous sommes allés dans l’antre des savants pour comprendre, raconte Gérard en buvant une boisson rouge, sûrement de l’alcool. On s’est fait chopper et on a découvert ce qu’ils faisaient de nous. C’était différent à l’époque de vos injections.

Je serre les poings et la mâchoire de Nathanaël se décroche. Ils sont donc au courant de ce que les savants nous ont fait… mais par quel moyen ? Tout est censé être confidentiel, je me focalise sur ce que dit Gérard. Philippe l’écoute attentivement.

Ils effacent les mémoires, du moins, ils pensent le faire mais on fait semblant de ne rien se souvenir sinon on sait que c’est la mort qui nous attend. Morgan, Philippe et moi sommes retournés dans l’asile. Morgan n’avait pas fait semblant et nous n’avons jamais revu Grégoire.

J’essaye de faire fonctionner mon cerveau. Gérard tente de faire passer un message à travers cette partie de son passé. Mais je suis censée le décoder… à moins que je lui demande directement. Nathanaël demande ce que cela signifie mais Gérard ne répond pas et me fixe. Je relève la tête et croque machinalement dans une nouvelle carotte. Ce n’est pas possible ! Il l’aurait dit… quoique, ses rendez-vous hebdomadaires, il m’a donné sa montre comme s’il savait…

Tu veux me dire que Grégoire… ton ami Grégoire est aussi Christian, mon père ? lâché-je en passant ma carotte à mon ami, la faim coupée.

On l’a reconnu lorsque tu l’as pris dans tes bras. Il nous a reconnus aussi mais il n’a rien dit pour ne pas se griller, renchérit Philippe.

Mon père… était dans l’asile pendant un moment. Au fond, je ne devrais pas être surprise. Certes cette activité est cachée car ce sont les savants qui la mènent, mais mon père a toujours été différent des autres. Pas seulement à travers ses rendez-vous, mais aussi par ses opinions. Lorsque je m’exprimais sur ce que je pensais, il ne m’a jamais rembarré. Il ne disait rien mais son regard semblait toujours en accord. C’est pour cela qu’il essayait de me protéger, il savait comment était l’asile à son détriment. Je ne prononce plus rien… on reste regroupé en silence. On se partage le canapé avec Nathanaël pour dormir. Je peine à trouver le sommeil. J’entends du bruit, je ne sais pas si c’est le vent ou autre chose… je sens quelque chose m’attraper la cheville et me tirer et je hurle à plein poumons en brandissant mon couteau.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Starry Sky ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0