Chapitre 23 :

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J’ai mal à ma cuisse. Je saigne, je le sais, je sens du liquide couler et le haut de mon pantalon se tâcher. Bien, cela ne me met pas de très bonne humeur. J’attrape le couteau qui se glisse près de ma gorge en hurlant aux autres de se réveiller. Soudain, tout s’allume par je ne sais quel miracle alors que l’électricité ne fonctionne plus. Je saisis mon agresseur par la manche de son bras et lui assène un coup en plein ventre. Puis un coup de poing en pleine tête et il enfonce son couteau dans ma plaie déjà ouverte à la cuisse. Je hurle, ça fait mal, ça pique mais je parviens à enfoncer mon couteau quelque part profondément dans son thorax. Il glapit, puis s’effondre à mes pieds. Je l’empoigne par ses dreadlocks qui lui arrivent aux fesses en jetant un coup d’œil aux autres.

Philippe est inconscient par terre, pourtant il ne semble pas saigner. Gérard a déjà terrassé deux hommes et combat dos à dos avec Nathanaël qui a une entaille à l’arcade sourcilière. Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Il y a donc des personnes vivantes à la surface malgré la catastrophe. Est-ce que les gens du bunker sont au courant ? Je ne pense pas, du moins, on leur dissimule cette vérité : la surface est redevenue habitable. J’empoigne mon agresseur par les cheveux, il hurle mais je le fais taire en posant assez fermement mon couteau sur son cou.

Écoute, je ne suis pas une tueuse je veux juste des réponses, susurré-je en m’approchant de son oreille. Nous, on vient de s’échapper d’un bunker. Mais on ne sait rien de la surface. Qui êtes-vous ?

Menteuse, murmure-t-il.

Il me regarde et ricane méchamment. Je bascule violemment sa tête contre le sol et je crois que je viens de lui casser le nez… si cela peut l’aider à me respecter et à obtenir des réponses ! J’entends un coup de feu, Gérard vient de sauver la vie de Nathanaël en tirant en pleine tête d’un gars qui allait lui trancher la gorge. Mon ami récupère son couteau et regarde par la fenêtre. Je sens un petit tremblement à mes pieds et je comprends qu’il vient de créer une faille pour repousser de potentiels assaillants. Pour l’instant, il ne reste que l’homme qui gémit à mes pieds. Je m’éloigne et laisse Gérard l’approcher. Nathanaël annonce ce qu’il vient de faire et notre otage l’observe stupéfait. Mais apparemment il ne veut pas répondre à nos questions.

Tu pourrais rentrer dans sa tête pour comprendre, propose Nathanaël en ramassant toutes les armes des autres.

Elle ne maîtrise pas sa sorte de.. télépathie, finit par trouver Gérard en me lançant un regard inquiet. Cela pourrait la mener à une nouvelle crise, et Damien n’est pas là pour la sauver cette fois. Qu’as-tu fait à mon ami Philippe ? Pourquoi ses signes vitaux sont affirmatifs mais il ne se réveille pas ?

L’homme ricane une nouvelle fois mais ne répond toujours pas. Cette fois, j’ai vraiment envie de l’égorger. Manquer de respect à Gérard ? Qui est ce fou ? Néanmoins, j’ai ma petite idée, peut-être que la tête de Philippe a cogné tellement fort que son cerveau est déconnecté pour le moment ou pour toujours ? Gérard essaye d’obtenir des informations lui aussi. Nathanaël guette par toutes les fenêtres au cas où d’autres arrivants seraient là pour nous attaquer. Je dois trouver un moyen de frapper au bon moment pour les tuer… aller Césars, tu l’as déjà fait avant. Il n’y a pas de problème. Ce sont des nouveaux murmures. Je le sais, c’est dans ma tête… Césars se parle à lui-même. Je préviens Nathanaël de rester sur ses gardes car il y a quelqu’un. Gérard devine que cela c’est encore reproduit et je m’avance vers l’homme. Il doit avoir la cinquantaine… je sors le bijou et il écarquille les yeux.

Un homme m’a remis cela en me parlant d’un certain Césars, débuté-je d’une voix forte exprès. Je ne crois pas qu’il était fou. Et j’ai entendu les pensées de quelqu’un ici qui s’appelle Césars. Alors je ne vais pas poser trente-six mille questions. Qui est Césars ?

Est-ce qu’il y a d’autres Césars dans le monde ? Le murmure parvient à se glisser dans mon oreille et je serre les dents comme si une petite douleur pouvait empêcher une crise. Ce n’est pas du tout le moment de me laisser submerger par d’autres pensées. Je range la bague et me retourne brusquement lorsque j’entends Nathanaël crier.

Il a la peau mâte, sûrement du même âge que mon ami, il a des yeux clairs saisissants mais il a l’air surtout menaçant. Notre otage ricane et Gérard se jette vers le jeune homme avec son arme mais il est plus lent que d’habitude. Ses mouvements sont aux ralentis alors que notre second agresseur tend les bras, puis il arrive à choper l’arme pour l’éloigner. Il assène un coup sur Gérard qui crache du sang et rampe pour chercher l’arme. Nathanaël est immobile, Philippe aussi depuis tout à l’heure. Elle va sûrement m’attaquer, je peux ralentir ses gestes mais s’il se passe un autre truc je ne sais pas si j’aurai assez d’énergie pour figer le temps. Je me demande si je peux essayer de m’immiscer dans son cerveau pour le surprendre… mais s’il y a une nouvelle crise, je ne sais pas comment je pourrais me calmer. Mais il parle de figer le temps, donc il a ralenti les mouvements de Nathanaël et Gérard. Serait-il…

Il est comme nous Constance, prononce assez fort Nathanaël pour que je l’entende et que le jeune homme aussi. Lui aussi a une capacité anormale.

Je commence à voir flou. Peut-être parce que ma plaie à la cuisse saigne toujours abondamment. Mourir en se vidant de son sang… quelle mort pitoyable ! Le jeune homme est surpris par les phrases de mon ami et je vois Gérard se relever lentement. L’agresseur étant distrait, je lui plante mon couteau dans le bras mais il agrandit ma plaie à la cuisse. Je hurle, ça fait mal, je perds l’équilibre, des étoiles dansent sous mes yeux et malgré mes mouvements ralentis par je ne sais quelle capacité je lui entaille la joue, puis l’autre bras, le cou. Mais il ralentit de plus en plus mes faits et gestes. Le sol tremble et je lance un regard inquiet à Nathanaël. Pense-t-il vraiment que l’on va pouvoir survivre si le bâtiment s’effondre ? Non, alors il dit vrai, eux aussi ont des capacités. Je dois les ramener au camp. Je dois gérer la situation. Je regarde avec haine le garçon, qui prend ses distances et semble se concentrer. Je songe à lui demander de quel camp il parle mais cela pourrait trahir ma… télépathie ? Je ne sais pas ce que je peux faire avec, je pourrais peut-être le découvrir sur lui à un meilleur moment.

Le sol tremble encore plus, je suis tentée de supplier Nathanaël d’arrêter mais il essaye de nous sauver. Je ferme les yeux en pensant à mon père, à Léa, à Mathilde et à Damien. Je leur ai promis de rester vivante. Je ne peux pas faire ça. Soudain, quand j’ouvre les yeux, tout s’est figé. Je tente d’ouvrir la bouche, impossible. Je ne peux pas bouger le bras. Même ma plaie ne coule plus. Seul le type peut bouger. Il libère son ami, me serre les poignets et les jambes avec des cordes ainsi que ceux de mes amis. Il affirme que Philippe est toujours vivant puis le cours du temps reprend mais on est neutralisé. Je croise le regard désespéré de Nathanaël et celui angoissé de Gérard pour Philippe. Les étoiles reviennent tournoyer dans mes yeux et le jeune homme se penche vers moi.

Je suis Césars.

Cela, je le sais grâce à ma capacité mais il n’a pas à le savoir. Je veux lui répondre mais je vois flous. J’entends la voix de Nathanaël mais je ne peux que hocher la tête. Je perds trop de sangs et il le comprend sûrement. J’entends encore mais je m’effondre et je ne vois plus rien. On me serre quelque chose sur la cuisse et je suis soulevée du sol. Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais pour le moment je pars.

Je me redresse d’un coup, j’ai mal à la cuisse mais je vois parfaitement. Je sens une main contre mon épaule et Nathanaël me sourit. On est dans quelque chose qui bouge. Il fait assez sombre mais il y a quelques filets de lumière qui parviennent dans… cet endroit se déplaçant. Ils ont emmené Philippe aussi. Il n’est toujours pas réveillé. Il est relié par un tube à je ne sais quoi. Ils ont piqué dans la veine. Peut-être essayent-ils de le nourrir ? Gérard reste à ses côtés. Lui et Nathanaël ont des cernes énormes.

Ils ont soigné ta blessure. Ils nous embarquent je ne sais où. Mais je crois qu’on devrait s’inquiéter, explique Gérard.

J’ai entendu qu’il était Césars. Je… il peut figer le temps. Ces gens ont des capacités aussi. On pourrait peut-être…

Regarde ton état et celui de Philippe, commence brusquement Nathanaël qui avait un gros pansement à l’arcade sourcilière. Ils nous ont attaqués et faits prisonniers. Ils ne veulent pas notre bien. Et tu veux essayer de discuter ? Hors de question que je le fasse.

Moi non plus, mais je tiens à garder la vie. On s’arrête, enfin, l’engin s’arrête. C’est sûrement une machine. Les portes s’ouvrent. On est ébloui par le soleil et je me rends compte que ma jambe est attachée à une chaîne insérée dans la paroi. Les… un homme chauve avec un tatouage sur le front s’approche de nous et nous regarde menaçant. Il me décortique du regard et je n’ai qu’une seule envie : lui faire mal. Une autre personne rentre mais je ne tourne pas la tête pour regarder contrairement aux autres. Celle-là, faudra la garder pour nos garçons. C’est la pensée du chauve et je lui offre un doigt. Heureusement, il a l’air assez con pour ne pas comprendre que je l’ai entendu. Il ne réagit pas et le fameux Césars vient le rejoindre. Il est plus grand que moi, mais beaucoup plus petit que Nathanaël. Je ne l’aime pas. Il nous a attaqués, il nous a faits prisonniers à lui seul. J’aimerais les tuer pour que l’on puisse être libéré.

Qu’avez-vous fait à notre ami ? Pourquoi est-il inconscient ? demande Gérard avant de partir dans une quinte de toux.

Bien évidemment, nos ravisseurs ne nous répondent pas. Le plus jeune nous observe d’un regard et je dissuade Nathanaël d’ouvrir une faille : on ne serait pas en moyens de s’échapper. L’homme aux dreadlocks débarque et demande quand est-ce qu’on nous décharge. Apparemment, nous sommes arrivés à destination. Je veux enfin finir cette mission. Elle commence à s’insérer doucement dans ma tête comme une mélodie. J’espère pouvoir voir bientôt maman et Sarah. Celle-là aussi, j’ai une petite douleur familière dans la tête. Quoique, on peut garder la fille et le jeune homme puis brûler les deux autres. Celle-là encore plus forte que les autres. Mais j’ai une idée, je dois apprendre à l’utiliser à mon profit, à me concentrer. Je simule un peu et tombe à genoux et Nathanaël s’accroupit.

Les voix reviennent, fais-je assez haut pour que les habitants de la surface l’entendent. Damien n’est pas là… Damien n’est pas là…

Bientôt je passe de simulation à réalité. L’homme chauve me relève à la force de ses bras et je sens un courant électrique entre sa main et mon bras. Comme une connexion. Une faille qui s’ouvre. Je ferme les yeux. Je la vois la faille. Je ne sais pas pourquoi, mais j’y engouffre ma conscience. Je crois qu’il hurle, je ne sais pas pourquoi. Je vois des images défilées. Des dizaines d’hommes blessés, une petite fille pâle sur le poing de mourir, des sortes de militaires qui attrapent des hommes adultes. Je vois… je me souviens de l’homme décédé du laboratoire des savants. Je le vois à la surface, combattant. Tu n’as rien à faire là, sors de mon esprit ! Sors ! Sors ! Sors ! Maintenant ! Je voudrais partir volontiers, mais je n’y arrive pas, la faille semble s’être refermée. Je ne peux pas retourner dans mon corps, pourtant ce sont mes lèvres qui bougent pour hurler que je suis incapable de sortir de la tête de l’autre. Mon ravisseur, ou plutôt cette fois mon prisonnier reçoit toutes les douleurs que je devrais avoir à cause des mots qui se répètent. Je crois qu’il s’est effondré par terre, je n’ai pas conscience… Il me supplie d’arrêter, de cesser ces mots, mais j’en suis incapable, je n’y arrive pas. Je les entends, mais ils ne me font pas mal, car ils ne sont pas dans mon esprit. Est-ce que je continue ma balade dans mes souvenirs pour en apprendre plus ?

Soudain je suis éblouie et je suis rejetée par son cerveau. Et je hurle. Les phrases se répètent en boucles, toujours plus fort dans ma tête, et cette fois, il n’y a pas Damien. J’ai le temps de voir les deux autres ravisseurs choqués et l’expression ahurie de l’autre. Mais c’est tout. Nathanaël et Gérard me forcent à m’allonger mais je crie. Des cris agonisants car cela fait encore plus mal que la première fois. Je n’entends plus la voix des autres, je suis retirée dans mon esprit, ses mots qui martèlent la tête et me provoquent des douleurs insoutenables. Au début je gesticule tellement j’ai mal, puis j’ai l’impression que la douleur m’emporte une seconde fois.

J’essaye de me concentrer, de penser à autre chose. C’est impossible, la douleur m’y empêche. Des nouvelles phrases se glissent à mon oreille et se fixent dans mon esprit. Concentre-toi, pense à Damien. Tu peux t’en sortir seule. Tu viens de traumatiser le chauve comme s’il était sur le point de mourir. Nathanaël est intelligent, il me fait passer un message à travers ma crise. Je crois que cela me fait sourire. Je tente de faire abstraction de la douleur. Je suis retirée de mon corps, dans mon cerveau, dans mon esprit. Je me retire encore je ne sais où. Sûrement dans une partie où je ne ressens pas de douleur car je n’ai plus mal.

Je suis dans le bunker, dans la cantine. Damien vient de se poser à côté de moi : notre première rencontre. Je revois notre périple pour trouver mon père dans la serre, et je l’aperçois lui aussi. Les phrases disparaissent, la douleur dans ma tête est remplacée par celle de ma cuisse et je reviens dans mon corps totalement. Je respire fort, inspiration avant expiration. Je me redresse avec un léger mal de tête.

T’as réussi, souffle Nathanaël qui me prend dans ses bras. Tu as réussi à canaliser ta crise sans Damien.

Pas réel, j’ai visité des anciens souvenirs on va dire. Mais le message que tu as passé. C’était bien trouvé.

Malgré notre statut de prisonnier, on rigole, Gérard aussi. Nos agresseurs nous regardent médusés. Puis, on m’empoigne par les cheveux, et je sens un couteau contre mon cou. Césars s’exclame horrifié et l’autre reste silencieux. C’est le chauve qui me tient.

Crois-moi, dit-il sur un ton doucereux qui me donne envie de l’étriper. Tu vas payer pour ce que tu viens de me faire.

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