III - Les Plantes ; l'Eau

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Tes pas martèlent une terre pétrée, des chemins oubliés qui s’enfoncent dans cette mer verdoyante.
Tes pieds foulent le sol, ces herbes sauvages, sans laisser sillon. Rien.
Comme ceux qui ont tracés l’invisible sentier que tu arpentes inconsciemment.
C’est là un héritage qui s’efface ; et déjà cette réflexion t’échappe, car face à toi : une eau miraculeuse. Tu erres entre Ciel et Terre, et voilà que tu te perds jusqu’à une rivière.

Ta surprise ne fait que grandir à mesure que tu scrutes les habitants de la berge.
En effet, d’immenses roseaux se font la guerre ! Chacun gratte le peu de centimètres que peut se faire. Ils partent à la conquête de l’éther, pour toucher le Ciel et son Soleil.

Curieux, tu te demandes si c’est là le chemin vers l’Orbe d’Or. Alors tu approches et interpelles la furieuse assemblée. Un roseau termine d’abattre son voisin – qui déjà se redresse à grand-peine – et se penche vers toi.

« Quel est ton nom ? Toi qui marches, nu et perdu.

— Je ne sais. Est-ce là le chemin vers le Ciel et l’Orbe ? Se battre et s’hisser ?

— Nous nous hissons pour gagner, pour être le premier à goûter aux voluptés des nuées. Alors il faut frapper furieux, briser sobrement et déraciner sans indécision !

— Est-ce bien nécessaire ? Tous ces efforts, tant d’acharnement et quelques larmes …

— Il en a toujours été ainsi. »

Une moue perplexe t’habille, l’Orbe d’Or ne sourit pas de ces jeux vains.
Mais un coassement sitôt te rattrape.
C’est une grenouille aux reflets feux, la mine sardonique.

« Ce sont de sots roseaux. À force de se frapper, ils ont oubliés comment penser. Regarde-les, à se tendre vainement et se quereller pour une quenouille un peu trop haute. Si d’aventure un de ceux-là arrivait à tous les dépasser, il ne ferait que choir ; chahuté par un vent facétieux, fauché par une main mauvaise ou bien ébouté par un bec ambitieux.

— Si seulement ils se soutenaient, comme amis, comme famille, y arriveraient-ils ?

— Peut-être ? »

Il a un sourire sournois.

« Tu devrais suivre le cours de l’eau. Peut-être trouveras-tu le chemin vers le Ciel et l’Orbe d’Or ; à la source. »

Et se jette dans le ruissel.
Tu hésites. Et enfonces un pied dans l’eau froide et noire qui cherche à te tirer, te repousser. Mais armé de courage, tu passes de marche à nage. Tu affrontes avec certitude cet inconnu bien peu clément. Tu sens ses caresses te parcourir, elles ont la texture du fer, l’effluve de la morgue.
Mais bientôt, tes muscles gourds manquent à te garder hors de l’eau, et le courant t’accroche, t’enrobe sans te laisser une chance. Lors tu prends peur, et de voyage sans heurt, tout tourne au naufrage !

Entre deux gorgées, tu entends un rire ; et vient l’obscurité.

C’est un grincement berceur qui te réveille. Tu craches toute l’eau de tes poumons, et l’amertume de ton cœur à l’ombre d’une immense roue.

Et du coin de l’œil, tu vois passer une étoile filante d’un vert rassérénant. Elle se glisse entre les arbres, les aubes. Elle danse avec le vent. Et s’enfuie dans la nuit à venir…

Le ciel s’est assombri.


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