V - Le Monde ; le Voyage

Une minute de lecture

Tu sens une soif insatiable sourdre en toi ; une volonté née velléité qu’un éclat irréel a conforté, confirmé.

Toi aussi !, tu veux voir ce qu’il y a à conter et ton hôte sirocco se fait cicérone, il lève le voile sur l’horizon qu’escamotait la sylve-océan d’où tu t’es échappé : elle dévore trois monts encouronnés de neiges innocentes et embrassés de nuages ingénus, colossaux cerbères d’Hermès, celui qui ceint trois fois le monde ; elle dérobe des cités adirées, peuplées de poussières, carcasses proies de l’Histoire ; des bourgs brisés aux fontaines taries d’un feu fabuleux ; tu y vois des monstres de fer d’où s’enfuirent sueurs et pleurs, des mâchoires qui firent couler un rouge vain dans la rivière d’où naît le Soleil ; là-bas quelques boîtes blanchies par les intempéries, où bourdonnent laborieuses des abeilles privées de trésors et de repos, là des champs de pierres gravées de souvenirs navrés, d’autres fanés et striés de serpents d’argent figés, et ici, une peluche mâchée et esseulée ; son ami a dû l’oublier pour l’un des jouets d’acier qui jonchent la boue, près de l’étoffe écharpée ; la bourrasque impétueuse te pousse plus loin encore, vers des mers qui ne miroitent plus que d’un noir poisseux d’amertume ; mais tu y décèles quelques percées colorées, des titans ocrés, des cétacés céruléens, des bancs carmins, et de petites miettes de terre dentelées de cyprés, habillées d’ifs, aux œillets de violettes ; et finalement, aprés la vaste mer d’huile, voilà que tu survoles des dunes de craie qui dansent dans le vent, te suivant, indiscrètes, découvrant derrière elles des statues sévères, et des spires séculaires aux couleurs passées, tu en imagines de magistrales maçonneries, des vitraux impériaux qui durent un jour victimer l’empyrée, un mur magnifié pour les plus magnes âmes, des offrandes fragiles ..; et voici qu’une deuxième orbe s’éveille, une ire-radiance, avant de s’éteindre dans un panache fulmineux qui s’acharne à couvrir le lointain de cramoisi.

Une larme noie ton visage troublé du Sublime ; sa beauté, son abyme ; alors le Soleil disparaît à l’Ouest.

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