VII - Les Oiseaux et les Poissons
Tu te fais filante. Tu as touché du bout des doigts des vérités invisibles, mais en homme né de la glaise, tu es rappelé à la glèbe.
Tu files sans pouvoir te rattraper au vent, tes ailes effeuillées et écendrées ; brandon que tu es, tu suis les trois larmes tombées des astres, et tu souffles un souhait.
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Une goutte.
C’est unegoutte négligeable.
Insignifiante.
Qui perturbe l’onde d’encre qui dévore le monde.
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Ceinturé du poids des doutes, de l’indignité ; de ton humanité ; tu t’abymes dans l’inconnaissable. Bientôt, tu n’entends plus la splendeur des luminaires ; tes poumons s’emplissent de remous, cette atrabile qui ressemble tant à la nuit, et si peu au jour.
Tu fermes les yeux.
C’est la caresse d’un fumeur qui te porte calmement jusqu’à ta couche hadale. Un linceul t’enlace.
Là, dans ce néant qu’imite le noir pélagique, tu commences à oublier tes peines, tes regrets ; il te les enlève, les roule en boule et les glisse dans la bouche d’une coquille.
Il en fait de même de tes songes, de tes souhaits, et de tes zèles. Il ne doit rien rester.
Mais tu rattrapes entre deux doigts chétifs une toile faite des couleurs du ciel. En ce silence, tu es sans trouble, mais tu ne veux pas pour autant perdre ce pour quoi tu as souffert.
Ains, tu es si faible, et il s’échappe.
Une orbe. Un œil immense s’est ouvert. Il te contemple sans mépris, sans pitié.
« Une bête qui vit entre les encres d’ici et de là-bas, entre le domaine des vautours, et celui des cœlacanthes ; qui choit en mon royaume. Qui es-tu ? »
Tu ne sais. Et tu te demandes qui il est, lui qui règne dans les ténèbres, là d’où rien ne ressort et où tout se délite.
« Je ne règne que sur le fond des eaux. L’Océan que tu quêtes n’est plus et pas encore. Mon domaine n’est qu’émule, et moi qu’humble vicaire. »
Tu ne comprends pas. Tu ne sais plus. Tu ne veux plus.
« Tu réchauffes cette ève transie, ton cœur s’épanche d’un ichor qui n’a pas sa place ici.
Pas encore. »
Une tentacule pose sur ton visage les toiles moirées, aux creux de tes mains trois perles nacrées.
Et sans que tes muscles encalminés n’en soient la cause, tu t’élèves, tu fuses, tu t’envoles vers la lumière du dehors !
La surface se brise !, et c’est un vassal du vicariat abyssal, chimère d’ailes et de nageoires, qui te tire hors de l’eau ; te libère sous le ciel en constelles, et te dépose sur le sol arénacé.
Sitôt s’enfuit-il, s’en retournant vers sa profonde demeure, et laissant sur ton âme une étrange impression ; emmi fascination et précaution, une velléité.
Les paroles de ton hôte t’hantent encore, d’étranges augures qui goûte l’iode, et l’écho troublant des chœurs-coraux.
Tu es maintenant seul, avec pour seuls amis trois grains d’opale, et pour seul habit une étole multicolore.
Crache toute la poix qui te pèse, noie tout le sel de ce sol ; la Nuit est encore longue.
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