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Poussière et chaleur ; c'était l'essentiel de ce qu'avait trouvé l'homme jusqu'ici dans la cité en ruines, (en plus bien sûr de nombreux squelettes, qu'ils soient noircis ou non de feux anciens). Dimitri ne s'attardait pas sur ce que ces vestiges funestes lui racontaient, on pouvait même dire qu'il s'en désintéressait. Il s'arrêta un moment, essuya la sueur qui emperlait son front, décrocha sa gourde, se désaltéra, réfléchit posément. Ensuite, il secoua sa flasque et constata qu'elle était presque vide. Consterné, il jura :
Putain, manquait plus que ça !
Cela l'affligeait ; son but s'éloignait. Il désespérait de parvenir à dénicher la moindre miette de nourriture, et bientôt, l'eau lui manquerait aussi. En conséquence, l'homme s'apprêta à quitter la cité. Il remarqua soudain un bâtiment en meilleur état que les autres. Cette incohérence par rapport aux ruines alentour lui sautait aux yeux à présent.
Comment a-t-il pu échapper aux bombardements ?
Une question débordante de secrets, mais sur laquelle il ne s'attarda pas. Il se contenta de marcher rapidement vers cette structure quasi intacte et s'apprêta à y rentrer...
*
La ribambelle de carcasses s'étendait sur plusieurs kilomètres. Jonchée de leurs parements macabres, elle ponctuait et ralentissait l'allure de 6A42. S'en agaçait-elle ? Non. Elle notait juste qu'il était improbable de rattraper les fugitifs avant la nuit. Mais, comme elle ne doutait pas d'y parvenir, elle continuait sa marche. Les ossements, tels de la porcelaine, se brisaient sous ses pas. Ils s'entremêlaient parfois de petits monticules suppliants entre les véhicules anciens. Ces prières inutiles se dressaient vers un ciel surchauffé que toute déité bienveillante avait déserté. Demeurait juste le brûlant, cruel démiurge du temps présent.
Mais, ceux qui auraient pu se préoccuper de telles considérations spirituelles avaient disparu depuis longtemps, ne laissant derrière eux que des énigmes. Qui en ces âges de désolation aurait-il pu les résoudre ? Seule la gardienne savait tout des événements dramatiques qui avaient secoué ce monde : un passé révolu à ses yeux. L'avenir seul comptait : la préservation du nouveau peuple, et la capture des intrus diurne. 6A42 la mènerait à eux ; il était grand temps que la planète retrouve sa sérénité, elle s'arma de patience.
*
Avec détermination, Dimitri posa ses mains sur des portes en verre dépolies. Il y eut comme un déclic, et elles coulissèrent avec un chuintement feutré. Étonné, il se saisit de son arme et avança avec prudence. De surprise, il resta statufié sur le seuil quelques secondes. Ce qu'il avait sous les yeux détonnait tellement en comparaison de ce qui subsistait au-dehors, qu'il se demanda brièvement s'il n'était pas tombé dans une autre dimension.
Une sorte de bruine rafraichissante, mais à la forte odeur de désinfectant l'entoura à l'improviste. Puis une voix grésillante aux accents électroniques retentit. Les mots hachés, incomplets ne parvinrent pas à renseigner Dimitri sur ce qu'elle disait exactement ; toutefois il perçut une espèce de mise en garde dans le ton employé. Il hésita encore : devait-il rester ou ressortir ? En réalité, l'atmosphère assez fraiche, bienvenue après plusieurs heures de marche sous la canicule, décida pour lui ; il cilla, et attentif, partit en exploration.
Ce qui l'interpella tout d'abord fut la parfaite propreté des lieux, ce qui paraissait totalement incongru en ce monde dévasté. Par ailleurs, l'état des infrastructures se révélait correct ; qui donc se chargeait de l'entretien ?
La réponse lui fut donnée alors qu'il s'avançait vers une sorte de kiosque ; de petites unités robotisées surgirent brusquement et s'empressèrent d'aspirer la poussière que ses chaussures répandaient.
Dimitri supposa alors que cet immeuble était entièrement automatisé et qu'il n'y trouverait sûrement pas d'êtres vivants. Cela le rassurait-il ? Il l'ignorait, mais brusquement, il se sentit bien seul ! Quoi qu'il en soit, cela ne répondait pas à sa question majeure : comment ce lieu avait-il pu rester inaltéré ? Il n'avait qu'un moyen de le savoir ; continuer ses recherches. Il repéra un vaste escalier qui menait à une mezzanine, déterminé, il l'emprunta.
*
Les maigres barrières mentales qu'Yséov était parvenu à dresser contre sa folie, cédèrent. Dès lors, son esprit sombra et des murmures et images terrifiantes la noyèrent. Incapable de se mouvoir dans ce flux, elle se laissa conduire, convaincre par les voix. Étrangement, une sorte de calme la berçait, elle écoutait attentive : on lui donnait des directives, mais qui ?
Quelle importance ?
Elle se redressa sur sa couche, faible, mais déterminée, se leva, désactiva la barrière énergétique, puis sans attendre, sur des jambes plus que flageolantes, sortit. L'ardeur du soleil la stupéfia, elle leva les bras dans un geste de protection, gémit de douleur et retourna vivement à l'intérieur.
Elle s'allongea. Finis les chuchotis intérieurs, le supplice physique prenait le dessus. Elle posa ses doigts sur son visage, eut l'impression d'un embrassement et comprit : l'astre du jour, impitoyablement, avait brûlé sa peau !
Tout à sa détresse, Yséov se recroquevilla, oubliant totalement que la barrière, désormais éteinte, ne la protégeait plus.
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