3 BALOR
La Prophétie de Cethlenn
La fin du temps des Fomoires approche… Le roi sera charmé et vaincu par son propre sang… Et le sang coulera sur les terres de Mag Tured aux dépends du peuple marin sous le couperet et la lance de la lumière… La fin du temps des Fomoires est annoncée, d’un enfant de Balor, le roi sera terrassé… Et les Tuatha Dé Danann de leurs tertres sortiront armés et victorieux sur le champ de bataille devenu cimetière.
La prophétie venait d’être énoncée. Balor, le roi des Fomoires, en était sidéré. La fin, sa fin, était proche, semblait-il. Il ne l’acceptait pas. Il voulut même aller contre cette prophétie pour que jamais elle ne se réalise.
N’ayant qu’un enfant, une fille, il ordonna donc qu’une tour soit construite sur le promontoire de Tor Mor. Isolée là, loin de tout prétendant et de toute tentation de chair, Ethne ne pourrait que rester pure et sans descendance. Et si elle n’avait pas d’enfant, la prophétie serait nulle et non avenue.
Ainsi les ordres furent donnés et rapidement exécutés. En quelques semaines à peine, une tour de cristal fut construite et Ethne y fut conduite pour y demeurer à jamais. Pour s’assurer qu’elle y reste bien en sécurité et qu’elle ne quitte jamais les lieux, il la fit garder par douze femmes. Ses compagnes et dames de compagnie, toutes fidèles au roi Fomoire.
Une fois rassuré de tout cela, il oublia alors la prophétie et reprit sa vie de marin belliqueux comme si de rien n’était. Il retourna piller les terres d’Irlande et opprimer ses habitants, les repoussant sous terre comme la vermine qu’ils étaient.
Il était le roi. Rien ni personne ne pourrait le tuer, rien ne pourrait le vaincre car depuis toujours, il avait une arme imparable : son regard. C’était d’ailleurs ce point qui lui avait permis de devenir le chef. D’un simple regard, il pouvait terrasser quiconque se dressait devant lui qu’il soit un petit enfant maigrelet ou un puissant guerrier lourdement armé. Cela ne changeait. Il tombait raide mort. Pour éviter de tuer ses hommes, il gardait cet oeil, son unique oeil, constamment fermé.
C’était pour cette raison qu’on l’appelait Balor au mauvais oeil.
— Que le voleur soit puni ! S’exclama Cian en levant son vieux marteau.
Le forgeron des Tuatha Dé Danann criait sa colère et son offense pour le monstre qui lui avait dérobé l’un de ses biens les plus précieux. Il était en effet le maître d’une vache magique du nom de Glas Gavlen. En effet, le bovin pouvait produire d’énorme quantité de lait sans s’arrêter et nourrir ainsi de nombreuses bouches. Et on venait de la lui voler.
— Mais comment veux-tu que l’on fasse quoi que ce soit ? Répliqua un vieux sage. Aucun guerrier n’est assez fort pour combattre Balor. Aucun ne peut survivre à son armée, encore moins à son regard.
Plusieurs personnes acquiescèrent. Le roi Fomoire était un géant redoutable, certes borgne et volontairement aveugle la plupart du temps mais dès qu’il ouvrait l’œil, il n’y avait plus que mort et désolation partout où il posait son regard. Il était invincible.
Une femme s’avança alors au centre du cercle. Elle était vêtue comme n’importe qu’elle autre mais autour de son cou, on pouvait voir un collier de perles et de plumes, et autour de sa taille, une ceinture recouverte de runes en fer forgés. Une druidesse…
— N’avez-vous pas entendu la prophétie ? Demanda-t-elle à l’assemblée.
— Quelle prophétie, Birog ? Demanda un homme.
— Seule la main d’un enfant de Balor pourra porter le coup fatal sur ce tyran.
Des murmures se firent à nouveau dans l’assemblée.
— Quand bien même ce serait le cas, fit un guerrier. On rapporte la construction d’une tour de cristal pour sa fille Ethne sur leur île. Elle y serait tenue en sécurité et bien gardée. Aucun homme ne pourrait l’approcher. Pas même un Fomoire.
— En effet, aucun homme, confirma la druidesse. Mais une femme…
— Quelle femme Fomoire nous viendrait en aide ? Demanda un autre Dé Danann. Ces monstres hideux n’ont aucune considération pour d’autres êtres qu’eux-mêmes. Ils n’apprécient que le sang, la destruction et le chaos. Ils ne se complaisent que dans le combat et la satisfaction de voir souffrir les peuples qu’ils soumettent à leur volonté. Voyez comme ils nous écrasent à chacun de leurs passages sur nos terres pour récupérer le fruit de notre dur labeur ! Aucune d’entre elles ne viendra à notre aide ! Elles sont toutes bien trop fidèles à leur roi !
— Qui a dit qu’une d’entre elles nous aiderait ?
— Qu’as-tu en tête, Birog ? Demanda un vieux sage.
— Une idée à laquelle même Balor ne pourra jamais s’y attendre, sourit-elle malicieusement. Toute en finesse et en discrétion…
Deux femmes hideuses accostèrent sur l’île de Tory. Elles laissèrent leur barque sur la rive de galets, bien à l’abri dans une petite crique non loin du promontoire de Tor Mor. La grande tour de cristal les surplombait de plusieurs centaines de mètres et elles restèrent un temps à l’observer.
— N’oublie pas, dit l’une d’elle. Ne tente rien et fais exactement ce que je te dis. Nous devons gagner leur confiance dans un premier temps et …
— Oui, oui, oui ! J’ai compris, Druidesse ! Agir en femme le temps qu’il faudra pour pouvoir approcher la princesse et la faire mienne ! Je veux peut-être me venger mais je connais la patience ! Il en faut dans mon métier !
La première soupira alors qu’elle fixait Cian dans les yeux. Elle ajusta un instant le châle en laine qui lui couvrait les cheveux, puis les habits autour de sa taille. Elle avait déployé sa magie pour qu’il ressemble, si pas totalement à une femme, au moins suffisamment pour qu’il passe pour un Fomoire asexué. Cela n’avait pas été trop difficile puisque, homme ou femme, les Fomoires étaient hideux au possible. Ils devraient juste bien faire attention à leurs actions pour ne pas se faire repérer avant la réussite de leur mission.
Birog finit par soupirer et fit un signe.
— Allons-y… Cianna.
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