Pseudo : Pikachu             Titre : Un Robert bien courageux

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Robert épousseta une dernière fois son costume mauve, dont la fierté étira ses lèvres en un sourire. Il contempla la brillance de sa calvitie dans le rétroviseur de sa voiture puis entama le chemin, qu’il connaissait bien, en direction du cœur de sa douce.

L’homme traversa le portillon de la propriété et se posta face la porte massive. Les détails ciselés qui ornaient l’entrée offraient un spectacle idyllique pour l’action qui allait suivre, digne des contes. Robert vérifia dans la poche de son veston si l’alliance s’y trouvait toujours. La présence de l’anneau le soulagea. Bouquet de roses en avant, il frappa sur le bois, de son toc-toc le plus élégant.
Le père de sa dulcinée répondit à l’appel. Le visage exaspérée, les rides de son crâne chauve froncées comme autant de doubles mentons inversés, Augustin Brocard étouffa les étincelles du jouvenceau d’un ton sec :

— Encore toi Robert ? Je t’ai déjà dit que...

Robert ne laissa pas son ennemi dégainer et riposta aussitôt, le torse bombé, la voix claire :

— Monsieur Brocard, permettez-moi, en ce fabuleux jour de mai, de vous demander la main de votre fille Josiane, élue de mon cœur. Je saurai la chérir, lui apporter bonheur et prospérité, et moult enfants.

— Ce n’est pas ça, Robert, mais...

Qu’à cela ne tienne ! Le Valentin s’était préparé à ces diverses rebuffades. Sa main dénicha dans sa poche intérieure une feuille de papier froissée. Il la déplia du mieux qu’il put, malgré les fleurs encombrantes refusées par cet obstacle paternel. De son même timbre chevaleresque, Robert déclama, assez haut pour que sa Juliette entende depuis le balcon de la résidence :

— Josiane ! Rien que ton nom suffit à me rendre chose ! Comme Ariane pour Thésée, ton fil représente mon phare d’Alexandrie, et m’éclaire dans l’obscurité du monde. Jamais étoile dans les constellations ne m’a autant frappé que toi. Christophe Colomb lui-même n’aurait pu découvrir l’Amérique sans ta beauté. Qu’un hérétique doute de ta grâce et je lui jette la première prière ! Josiane ! Oh ! Déesse de mes songes ! Aphrodite me souffle sa jalousie dans l’oreille ! Je n’ose t’enlever sous peine de déclencher une nouvelle guerre de Troie, ou la révolte des Capulet. Josiane ! Ton sourire illumine mon radeau sur les mers agitées de la vie. Avec toi à mes côtés, je n’aurais plus besoin de... (Le Roméo tourna sa lettre, les doigts tremblants mais la mine toujours déterminée), je n’aurais plus besoin de Liquide Vaisselle, Papier Toilette, Pâtes, Dentifrice, attendez, je crois que...

Le malaise rougit les joues du prétendant, qui rivalisait avec un ennemi déjà bien violacé par l’impatience. Augustin Brocard, la porte déjà en main, beugla sans retenue :

— Robert ! Arrête tes conneries ! Je t’ai déjà répété que tu ne pouvais PAS épûouser ta sœur ! Alors maintenant tu me ranges cet attirail, tu rapportes la voiture du voisin et tu viens bouffer !

Les gonds claquèrent au nez d’un Cyrano en peine, soufflant la moitié des pétales de son bouquet garni qui périssait. Robert, terrorisé par la tornade de son père, se demanda désormais comment rendre le pantalon du costume, emprunté à son cousin, à présent imbibé d’un laisser-aller émotif.

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