Pseudo : Nébuleux              Titre: Journal d'une expédition avortée

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"Nous sommes arrivés devant la porte. J'en analyse la structure d'un rapide coup d'œil. Les gravures représentent des choses que mon œil humain est incapable de reconnaître. Pourtant, un tambour incessant à l'arrière de mon crâne scande que ces symboles sont anciens et terrifiants. Face à ces colossales figures tentaculaires, je me sens comme un lapin devant un lion. J'ai la persistante impression que les formes indicibles représentent un prédateur naturel de l'humanité… ou plutôt de l'homme de science. Mon prédateur naturel, dont la crainte instinctive serait inscrite jusque dans mes veines.
Je ne sais rien de ce qui se cache derrière cette porte colossale. Pourtant, je pressens que nous y verrons un abîme d'une profondeur inimaginable.
Nous en analysons la forme. Mes veines pulsent d'une terreur sourde qui résonne dans mes oreilles comme des coups de marteau. Nous nous regardons. Nous nous faisons peur les uns les autres, c'est ce qui nous convainc de poursuivre cette quête insensée, car elle l'est et ça je n'en ai aucun doute.
Nous sommes tous fous, je le sais très bien. Mon cœur s'étrangle dans ma poitrine, mais mon cerveau a soif. Je ressens une force véritable à l'intérieur de mon crâne. Je veux savoir. Pourtant j'ai peur. Je m'emporte, je me sens perdu. J'écris n'importe quoi. Un de mes camarades me fait signe qu'il a trouvé quelque chose. [passage gribouillé illisible] curieusement, ça a l'air de devoir fonctionner."

"Mes prévisions étaient justes. Au début j'en ai ressenti une grande fierté. Puis la frayeur devant l'abîme sans fond qui s'est ouvert à nous a repris le dessus. C'est un puit immense [passage effacé] de volutes rouges sang. L'un d'entre nous, Manhuz, que l'on savait pourtant le plus robuste, en sembla d'abord indisposé. Puis un drame. Ses lèvres se colorèrent de rouge et il vomit un flot de sang entre ses lèvres mi closes. Sous nos yeux ébahis, des ruisseaux d'hémoglobines tombèrent de sa bouche, de ses oreilles, et de ses orbites. Puis il chuta dans le puits après avoir dit pour seule explication: «j'entends les tambours, j'entends les tambours primaires».
Nous ne vîmes pas son corps toucher le fond [passage effacé] ne saurons jamais rien sans doute. Je ne comprends pas comment une telle idée nous a obnubilé sur cet instant. Nous aurions dû nous enfuir pourtant. [passage gribouillé] Enfin, nous verrons. Je ne crois pas que je mourrai dans cette crypte."

"Sauvez moi ! Sauvez moi ! Sauvez moi !"

"J'ai retrouvé mon carnet. C'est un miracle. Un miracle. Un miracle. Les premiers passages sont presque en parfait état… parfait… parfait. Silence ! [passage gribouillé illisible]
Nous n'aurions jamais dû y aller. Nous n'aurions jamais dû braver l'interdit éternel. Je le sais maintenant. Je le sais. Je le sais.
Si quelqu'un trouve ce carnet, qu'il détruise tout qu'il [passage gribouillé] que rien ne puisse plus paraître devant mes yeux. Mes yeux. Mes yeux. Mes yeux.
Ce portail cachait une monstruosité antédiluvienne. Nul n'aurait jamais dû chercher à en découvrir la nature. Il fallait le laisser dormir. [passage gribouillé] vont le réveiller. [passage gribouillé] traîtres à la raison même de la physique et de la chair. La chair. La chair. La [passage gribouillé]
Chacun de nos pas bouleversait la terre. Rien ne collait. Rien ne pouvait nous faire croire que tout se passerait bien. Comment avons nous été aussi stupides ? Comment n'entendions nous pas le tambour de son cœur gonflé de miasmes ? Tout nous indiquait qu'il ne fallait pas s'enfoncer dans ces boyaux obscurs et [passage gribouillé] va tous mourir. Tous morts. Le simple fait de respirer me déchire les organes. Mes vertiges rongent ma raison. J'ai constamment l'impression que je vais m'évanouir… que je vais régurgiter mes intestins… [passage gribouillé] peur. Peur. Peur. Peur.
Je suis coincé. Pourtant [passage gribouillé] tenter de passer par [passage gribouillé] que [passage gribouillé] tunnel étrange. Cavité aux reflets irisés et sournois. Qui sait à quoi je dois m'attendre [passage gribouillé]"

"Des jours, des mois, ou bien des années. Je n'en sais rien. Le temps n'existe pas ici. Ce lieu existait alors que le temps n'avait pas encore été inventé."

"Nous étions tous fous, et c'est notre folie qui nous a mené ici vers la reine de toute folie. Coïncidence infâme… qui se ressemble s'assemble… tout est parfaitement logique ! Logique ! Logique ! Logique ! Logique ! Logique ! Logique ! Logique ! Logique !"

"J'ai trouvé quelque chose après mon éternité d'errance. Je n'ose m'en approcher, comme si je craignais de provoquer une autre catastrophe. [passage gribouillé] peur du froid et du dehors, mais aussi de la raison et du monde que je connaissais autrefois et qui m'est maintenant étranger. Je me décide à avancer. Moi, un homme de science, craindre ma seule porte de salut ? [passage gribouillé] ne saurait être pire que tout ce que j'ai vu.
J'ai avancé jusqu'à la fissure par laquelle je voyais reluire les éclats de réalités diffractées. Vision effroyable si l'en est que de se sentir à la fois si proche et si loin de son plan d'existence originel. Je m'élance entre ses immenses mandi…
[ Un long passage a été détruit]
…rampant avec peine tel un rat blessé, entièrement recouvert de mon propre sang comme si je m'y était baigné. C'était peut être le cas. [passage gribouillé] je n'en sais rien. On m'a reconnu et on a accouru vers moi. Le camp fut en effervescence, personne ne comprenant réellement ce qui s'était passé. Me claquemurant dans mes quartiers, je décidai de ne rien leur dire. De toute manière, ils découvriraient bien assez tôt les conséquences affreuses de notre inimaginable bêtise à vouloir satisfaire cette curiosité dévorante. Moi, je n'attends plus qu'une chose, [passage gribouillé] leurs corps, et exciser pour en étudier les effets. Cette démence est un don et une malédiction."

"La malédiction qui imprègne désormais cette terre dépasse tout ce que j'aurai pu imaginer. J'ai donc décidé d'en finir avec les images qui se bousculaient constamment devant mes yeux meurtris. Pourtant, je me souviens encore parfaitement de cette scène. Alertés sans doute par les échos du coup de feu, ils avaient brutalement défoncés la porte. Je revois les visages crispés par la colère, me hurlant leur haine sourde. Mais j'étais déjà mort à ce moment là, et l'avenir allait m'apprendre que ce n'était que le début d'un autre cycle de souffrances bien plus aiguë que tout ce que j'avais déjà enduré de mon vivant.
Mais aussi le commencement d'une… plus curieuse… étude des vérités de ce monde."

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