Pseudo : Raisin sec         Titre :  Pathologie professionnelle

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***Contenu sensible ***



Un aïe retentissant résonna dans la salle.

  — Que vous arrive-t-il, ma p’tite dame ?

  La p’tite dame en question, la quarantaine bien conservée, venait boire son crème dans mon établissement des beaux quartiers grenoblois, tous les matins. Une bourgeoise bien sapée, jupe droite laissant entrevoir des cuisses sans défauts, un chemisier chic, moulant parfaitement une poitrine fièrement maintenue et un cul, mon Dieu ce cul, ferme à faire damner les saints. Je mentirais en racontant que j’y ai tâté, non, mais en tant que barman, j’en ai espionné suffisamment pour en reconnaitre un de compétition lorsqu’il passe à ma portée.

  Elle m’explique avoir une tendinite de l’épaule, sûrement due aux gestes répétitifs aux boulots. Elle remarque que je ne la fixe pas dans les yeux, je dois répondre quelque chose pour récupérer une contenance.

  — Il va vous falloir balayer un peu moins vite chez vous ma brave dame. Je plaisante bien sûr, dis-je en pouffant.

  Elle n’a pas l’air d’humeur, je l’abandonne. Comme tous les jours, elle emprunte le journal régional et reluque les dernières nouvelles : un cas de coronavirus, un automobiliste flashé à cent-trente dans une commune et un autre cadavre retrouvé massacré dans une décharge de Grenoble.

  — Sale affaire pour la ville. Ça ne nous fait pas une bonne pub tous ces meurtres barbares. Le gars doit posséder une sacrée force pour les mettre dans cet état !

  Elle relève la tête. Elle porte sa tasse à la bouche et grimace en la reposant.

  — Vous devriez soigner cette épaule, sinon ça risque de durer votre problème.

  Elle me demande pourquoi ce devrait être un « mâle » qui tue tous ces malheureux. J’éclate de rire sans le vouloir. Elle est mignonne et gentille en plus.

  — Vous ne suivez pas toutes ces séries policières à la télé. Ils l’expliquent bien. Une femme c’est fragile, rusé et plus fourbe. Elle va empoisonner ou utiliser une arme à feu… rapide ou secrète. Un homme sera plus enragé. Ici, on en a clairement un, qui massacre et qui doit être sacrément baraqué. Excusez-moi, mais un brin de fille comme vous, ne pourriez pas concurrencer un taré comme lui. Vous ne croyez pas ?

  Elle sourit. Mon compliment a fait mouche, peut-être une chance de gouter à sa chaleur corporelle… qui sait. Elle me rend la tasse et un « ouille », lui échappe.

  — J’ai un beau-frère kiné, il vous dirait de mettre de la glace sur votre épaule, cela calmerait la douleur. Essayer en rentrant chez vous.

  Elle me lance un au revoir, puis se ravise et reviens vers moi. BINGO ! Elle me tend une carte de visite avec son adresse. Elle m’invite ce soir pour un petit repas tranquille… et plus si affinité. Comme quoi, les faibles femmes peuvent également dragué. Je pourrai ainsi vérifier si le froid lui a fait du bien, un clin d’œil ponctue sa phrase et elle s’éloigne… laissant comme dernière vision ses fesses de musée.

*****

  Un petit « aïe » me sort de mes songes. Mes paupières sont trop lourdes pour l’instant, mais j’ai reconnu la douce voix de ma bourgeoise.

  — Vous aviez raison pour la glace, cela soulage vraiment… pas parfait, mais c’est bien. Heureusement, pour mon travail d’intérieur, j’utilise autant un bras que l’autre.

  Un rire accompagne ses dires. Je n’arrive pas à répondre. Je fouille dans mes souvenirs : une belle table, un lapin chasseur avec un bon bordeaux grand cru, une robe courte dévoilant la frontière d’avec les collines finissant harmonieusement le bas de son dos. Une soirée pleine de promesses !

  — Je vois que vous vous éveillez… bien. J’espère que vous avez apprécié votre repas. La faible femme que je suis l’a confectionné avec amour.

  Le ton de sa voix me semble bien moqueur. J’entrouvre enfin les yeux. Ma tête est lourde et ma première vision est celle de mes pieds sans chaussures. Je relève mon crâne. Une ceinture me torture les joues alors qu’une boule de cuir m’obstrue la bouche. Je voudrais crier que je ne suis pas d’accord, mais je ne le peux pas.

  — Vous allez comprendre qu’il ne faut pas croire tout ce qu’on dit dans les séries policières.

  Une douleur intense me traversa le thorax. Je la vois. Elle est toute de latex vêtue et tient un fouet dont les lanières sont terminées par une horde de pointes.

  Je suis attaché, nu, membres en croix, sur le mur face à elle. Son premier coup m’a arraché une bande de peau et le sang coule le long de mes cuisses.

  — Vous aviez raison sur une chose, c’est bien les gestes répétitifs à la maison qui ont déclenché ma tendinite… mais pas le balai. Vous pigez ? Une faible gamine comme moi peut tout à fait être une sérial killeuse !

  Elle lança un rire gras et je regarde avec horreur son bras se lever et s’abaisser avec force… encore et encore.

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