Pseudo : Bouillon de poule Titre : Un crime pas loin d'être parfait
Les meurtriers m’ont toujours fascinée. Surtout les « serial killers » comme on en voit parfois. Leur sang-froid, la soif de sang. On essaie souvent de chercher des excuses à leurs actes, comme s’il en fallait une absolument, comme s’il semblait absurde que l’humain ait simplement envie de tuer, par plaisir. On va chercher dans leur enfance des explications, des maltraitances, des sévices qui donneraient tout leur sens à leurs agissements. Ou on leur devine une maladie mentale, une absence de compassion qui les évincerait moralement de l’espèce humaine. On voit dans les émissions qui passent tard le soir, ces douzaines de personnes psychanalysant les débris d’hommes (oui, souvent des hommes), à farfouiller dans les méandres de l’esprit et du passé un déclic, une raison valable à leur cruauté.
Je fais souvent ce rêve, dans lequel je tue. Le pouvoir de faire basculer tout une existence dans les nimbes du néant m’aspire. Quoi de plus jubilatoire que de faucher en quelques minutes – voire quelques secondes – une âme à ce monde ? Voir la vie quitter un corps et se dire « c’est moi qui l’ai fait », et surtout, surtout, être le dernier visage emporté par un regard désespéré, y lire l’effroi, l’incompréhension, les questionnements inachevés se bousculant dans un coin de cerveau... Me nourrir du dernier souffle d’un(e) inconnu(e), m’en remplir les poumons ! Aujourd’hui j’ai décidé de passer à l’acte. Par curiosité, par challenge.
Il est hors de question pour moi de finir en prison, et je ne fais pas partie de ces tarés qui se suicident ! Alors j’ai bien étudié la question du procédé, et les failles du système. Le départ des enquêtes s’avère être l’entourage, quand ce n’est pas le cas, c’est la récidive qui les révèle – souvent trop sûrs d’eux les gars. Je suis partie tôt ce matin, je suis partie loin. J’ai laissé mon téléphone à la maison, je sais qu’ils peuvent le géolocaliser. J’ai évité l’autoroute, fait le plein de la voiture – j’étais passé la veille à la station et avais payé en liquide – et j’ai scrupuleusement respecté les limitations de vitesse (ce serait con de se faire avoir par un radar !). J’ai garé ma voiture dans un petit parking de départ de randonnée. J’avais chaussé des baskets trop grandes, achetées dans une brocante, avec trois paires de chaussettes. J’ai aussi pris rendez-vous chez le garagiste il y a trois semaines pour demain (pour faire changer les pneus). Je ne m’inquiétai donc pas de voir les traces bien profondes dans la terre encore meuble. Autour de moi il n’y avait qu’une seule voiture. Je me suis renseignée : du monde devait passer dans la journée, c’est un sentier fréquenté. Sous mon vieux manteau j’ai caché un couteau de cuisine. J’ai mis des gants, enrubanné mes cheveux… J’ai scrupuleusement pris soin de me préserver des erreurs qui faisaient souvent enfermer les types. Des erreurs de débutant.
J’ai commencé mon ascension aux premières lueurs du jour, puis j’ai attendu. Je me suis tapie dans un coin de fourré, sur le point culminant de la randonnée. J’avais déjà repéré un peu sur Google Maps. Un couple est passé – matinaux les tourtereaux ! Mais je voulais une personne solitaire, de préférence une femme, mais j’étais prête à me faire un homme ; le premier client potentiel ferait l’affaire. Il était presque onze heures quand une nana a fait son apparition. Enfin ! J’ai patienté un peu, fallait pas qu’elle ait devancé un amoureux encore moins athlétique, mais elle semblait bien seule. Je me suis levée et j’ai crié.
Voilà. Elle est là devant moi ; elle a accouru pour me venir en aide. Je la regarde dans les yeux, des larmes feintes sous mes paupières. Je vois ses jolis yeux bleus se perdre dans les miens, plein de compassion. Ma pauvre, t’aurais pas dû te donner la peine de monter si haut pour perdre tes kilos ! Je la regarde, une seconde, elle me tend le bras pour me soutenir. J’arrache mon couteau et je la plante. C’est plus dur que prévu. Elle s’agrippe à mon épaule, un peu de sang coule de sa bouche, mais elle respire encore bien trop fort. Je lui donne un second coup, mieux placé apparemment. Elle tourne sévèrement de l’œil, mais s’accroche aux bribes de vie qui lui restent… Elle claudique, je la traîne un peu, plus loin encore du sentier, plus à l’abris, et la lâche au sol. Ça fait un poids quand même... Du sang se propage autour d’elle. Son dernier regard s’accroche au mien. J’y suis. Enfin ! Je bouillonne, les émotions montent, se mélange, tourbillonne dans mon ventre et… BLEEEEURRRRP : mes restes de dîner de la veille se mêle à son sang… Merde, merde, merde !
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