Sorti d'affaire

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Il ne voyait qu’un brouillard noir et épais. Sans aucun repère visuel, il ne pouvait tourner la tête, entravé par un collier de force en acier runique. Ses bras et ses jambes étaient également retenus par des bracelets magiques. Il se fia alors à son ouïe et son odorat pour tenter de percevoir quoi que ce soit. La pièce était silencieuse, mis à part un bruit de goutte d’eau dans le lointain, et il ne sentait que l’humidité et la moisissure ambiantes. Ses réserves de mana à sec et toutes ses précieuses armes confisquées, il ne pouvait compter que sur son seul atout, un discret stylet en ivoire dans sa botte gauche que ses geôliers n’avaient pas trouvé durant la fouille.

Quelques minutes après son bref examen, des bruits de pas et des éclats de voix résonnèrent dans le couloir. Il distingua quatre êtres, dont l’un injuriait l'autre :

- Et la prochaine fois que vous commettez une telle bourde diplomatique, misérable raclure de Skaagh, vous subirez le couroux d’une reine vahnae.

Une seule personne pouvait avoir une telle autorité et un tel mépris, tout en utilisant un langage aussi fleuri : la princesse Mia-telkhan, future reine du royaume des vahnae. Les pas s’arrêtèrent devant sa cellule, et un cliquetis de clé suivi d’un grincement de porte se firent entendre. Après de très brefs balbutiements, le pauvre geôlier marmonna la formule de libération du sort d’aveuglement et effaça la rune du collier du détenu. Libéré, le prisonnier put enfin voir ce qui l’entourait. Il était retenu dans une petite pièce sombre et puante. Le gardien recula prestement en voyant le captif se ressaisir. La princesse, dans l’encadrement de la porte, s’adressa sèchement à ce dernier :

- Allons-y, je ne veux pas rester plus longtemps ici.

Elle tourna les talons et d’un pas décidé, remonta le couloir de la prison suivie par deux gardes vahnae. Le détenu, avec un léger sourire, lui emboîta le pas. En chemin, il se rappela avec déception sa capture stupide. Sa mission, pourtant simple, avait tourné au cauchemar. Il était censé infiltrer la prison, pour y dénicher certaines informations. Il les avait trouvées, mais lors de sa sortie, une simple hésitation lors d’un embranchement avait éveillé le soupçon et la garde l’avait démasqué. Heureusement, les informations étaient impossibles à perdre, car sa mémoire phénoménale avait tout retenu. De plus, il avait eu le temps d’envoyer un message télépathique de détresse à la princesse, et elle avait accouru à son secours.

Sortant de la prison, le groupe silencieux arriva devant le carrosse vahnae, tiré par des chevaux ailés. La princesse fit signe aux guerriers de conduire le moyen de transport voyant et très caricatural, et entra dans celui-ci. Le détenu y grimpa à sa suite, en espérant que ce fusse la dernière fois qu’il rentrait dans un tel véhicule. En s’asseyant, le visage de sa compagne se détendit, et le prisonnier libéré put enfin voir la vraie beauté de la princesse, pas celle froide et distante comme le matin, une attitude qu’elle prenait en public, mais une beauté chaude et pétillante qu’elle adoptait en privé. Une lueur malicieuse passa dans ses yeux ambrés, et elle se moqua :

- Il semblerait que tout ne se soit pas passé comme prévu mon cher Tol-khan….

- Non, effectivement, reconnu celui-ci. La garde était particulièrement attentive et au moment où j’ai posé le pied dans cette prison, j’étais déjà repéré par le sorcier.

- En effet, lorsque je lui ai parlé, il était persuadé que vous étiez un voleur, et non pas un noble vahnae sous ma protection envoyé pour faire une petite visite surprise. J’ai dû user de tous les tours que vous m’aviez enseignés pour qu’il se décide à vous libérer. Enfin, vous me devez la vie et cela me met particulièrement en joie…. Vous avez les informations ? demanda-t-elle en changeant brusquement de sujet.

Les leçons avaient finalement porté leurs fruits. Elle déstabilisait son interlocuteur par ce que Tol appelait “un pivot de parole”, une question brusque posée après une phrase anodine et une pause calculée. Cette technique, améliorée par la princesse avec un peu de mana, était particulièrement efficace pour obtenir des renseignements.

Tol sourit, et lui répondit :

- Bien sûr. Il semblerait que le sorcier Mirnan, qui est aussi le directeur de cette accueillante prison, soit une menace réelle pour les seigneurs vahnae. Le geôlier m’a révélé qu’il était craint, et très autoritaire. De plus, il n’hésite pas à emprisonner à tour de bras et sans raison valable. Il y a aussi certains détenus qui disparaissent mystérieusement après une entrevue dans son bureau. Bref, il est plus que suspect dans notre affaire.

La princesse, songeuse regarda les nuages au travers de la vitre. Tol en en profita pour prendre son barda que les guerriers vahnae avaient récupéré. Il sortit de son sac les trois autres stylets. Ces armes, discrètes et pratiques, pouvaient faire des ravages dans un corps en un seul coup. Elles pouvaient également être lancées, mais Tol les trouvaient bien trop précieuses pour cela. Il en rangea une dans chaque manche, et la dernière dans sa botte droite. Il prit ensuite ses deux dagues, forgées par ses amis mérones. Ces armes, couvertes de runes aux effets élémentaires, étaient pratiques pour le combat rapproché. Il les mit à sa ceinture. Il tira ensuite sa longue lame vahnae, une épée sur laquelle était inscrite une seule rune tout le long de l’arme. Cette rune, complexe à réaliser, était capable d’améliorer grandement la dextérité de l’épéiste, tout en rendant la lame floue pour l’adversaire. Il fixa celle-ci dans son dos. Enfin, il mit à son doigt la dernière et plus importante partie de son équipement. Un anneau, rarissime, capable de protéger son porteur de presque toute action magique. Cet effet pouvait être certes annulé par une anti-rune, mais celle-ci devait être tracée par un mage très puissant, comme Mirnan, et prenait beaucoup de temps à être écrite. La princesse, amusée, se moqua :

- Vous comptez vous attaquer à une forteresse, ou bien vous souhaitez aller à un défilé…

- Vous ne devriez pas prendre cela à la plaisanterie, et vous le savez très bien.

La princesse se rembrunit au souvenir des innombrables fois où cet équipement lui avait sauvé la vie. Un des membres de l’escorte annonça mentalement :

- Nous sommes bientôt arrivés princesse.

Elle hocha la tête d’un air distrait, puis repris sa méditation sur les nuages. Tol espérait que cette morne lassitude de la princesse ne durerait pas trop longtemps….

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